En 13 mois de conflit, le bilan des pertes humaines est de plus de 3 400 morts et 14 000 blessés au Liban, entre le début des affrontements frontaliers entre Israël et le Hezbollah le 8 octobre 2023, et le 6 novembre 20246. Les bombardements font plus de 2600 morts et 13 492 blessés, en majorité des civils, à la date du 4 novembre 2024, selon le ministère libanais de la Santé. Il y a 1,4 million de personnes déplacées en raison de la guerre, dans un pays de 5 millions d'habitants. Ces bombardements massifs succèdent à des frappes de moindre intensité dans le cadre des affrontements frontaliers entre Israël et le Hezbollah qui avaient commencé avec le déclenchement de la guerre Israël-Hamas. Pour la seule journée du 23 septembre, 558 personnes ont été tuées et plus de 1 800 blessées ont été comptabilisées au Liban dans les bombardements israéliens8, un nombre plus élevé qu'en un an d'affrontements. Le but déclaré d'Israël est de neutraliser le Hezbollah, qui lance des roquettes sur le nord d'Israël avec l'objectif affiché de soutenir le Hamas. Selon les autorités israéliennes, 63 000 Israéliens ont dû quitter la zone frontalière avec le Liban à cause des roquettes lancées par le Hezbollah9. Selon l'ONU, 1 200 000 Libanais ont dû quitter leur lieu d'habitation (soit plus d'un cinquième de la population totale) à cause des bombardements israéliens. Les Nations unies dénoncent «le coût humain de la violence pour les civils». «Les experts militaires ont qualifié cette campagne israélienne de bombardements de l'une des plus violentes de l'histoire de l'armée israélienne», que les frappes israéliennes au Liban sont parmi les plus meurtrières depuis des décennies. Les bombardements ont préparé l'invasion du Liban dès le 30 septembre. Ils se poursuivent sur de nombreuses régions du pays pendant l'offensive terrestre. Le 23 septembre au matin, l'armée de défense israélienne bombarde massivement, au moyen de frappes aériennes et de tirs d'artillerie au moins 1 300 cibles dans le Sud Liban et la région de la Bekaa et conseille aux habitants d'évacuer la zone et de s'éloigner des combattants du Hezbollah. Les bombardements du 23 septembre font au moins 492 morts, dont 35 enfants et plus de 1 645 blessés et provoquent des déplacements massifs de population. Le Premier ministre libanais parle d'« une guerre d'extermination à tous égards, un plan de destruction visant à anéantir les villages et les villes libanais.» Le ministère de la Santé a appelé tous les hôpitaux des gouvernorats du Sud, de Nabatieh et de Baalbek-Hermel à suspendre toutes les opérations « chirurgicales » non urgentes, afin de traiter les blessés atteints par les bombardements17. Le gouvernement libanais annonce la fermeture des écoles. Les bombardements israéliens ont fait une majorité de victimes civiles. Des dizaines de milliers d'habitants du Sud-Liban ont fui en direction du nord au cours de la journée18. Les bombardements israéliens se poursuivent, tandis que l'exode massif de la population du Sud-Liban continue. Le 29 septembre, les bombardements se poursuivent dans de nombreuses régions du pays, pendant qu'Israël entreprend une offensive terrestre dans le sud. Le successeur potentiel de Hassan Nasrallah, Hachem Safieddine, est la cible, dans la nuit du 3 au 4 octobre, de bombardements massifs, aussi violents que ceux qui avaient visé le quartier général du Hezbollah le 27 septembre, dans la nuit du 3 au 4 octobre21, « nuit de terreur» pour les habitants. L'Iran résiste Décapitée par une série de frappes israéliennes, la milice chiite pro-iranienne a adapté sa structure de commandement militaire. Elle dispose toujours d'un arsenal important et reste solidement enracinée au Liban. Nos deux rencontres à Beyrouth ont été organisées selon le même rituel. Un intermédiaire a averti notre source du souhait de l'envoyé spécial du Figaro d'échanger avec ce cadre du Hezbollah, dont la dernière rencontre avec son chef assassiné par Israël, Hassan Nasrallah, remontait à un mois et demi. « Bien sûr que je n'utilise plus mon téléphone », dit-il au début du premier entretien, comme si c'était une évidence, après la mort de Nasrallah et les explosions simultanées des bipeurs qui ont neutralisé environ 2000 membres du « Parti de Dieu ». Depuis, la plupart de ses responsables sont inaccessibles, terrés dans des bunkers. Pendant trois heures, Ali (un prénom d'emprunt) va reconnaître la stupeur qui les a saisis, avant d'analyser les causes de leur échec et d'assurer que le Hezbollah est loin d'être anéanti. «La dimension technologique est centrale, commence-t-il par expliquer. Les nouveaux systèmes de surveillance chez les haut responsable iraniens ? Les journalistes, une cible facile Le 25 octobre, des frappes israéliennes tuent trois journalistes libanais à Hasbaya, jusque-là épargnée par les bombardements, dans un ensemble de guesthouses abritant 18 journalistes de 7 médias différents. Des voitures marquées « Press» indiquaient la profession des locataires. Il n'y a pas eu d'avertissement avant les frappes. Les journalistes tués travaillaient pour des chaînes d'information affiliées au Hezbollah. The Guardian rappelle à ce sujet que « les journalistes sont considérés comme des civils au regard du droit international humanitaire et les prendre délibérément pour cibles constitue un crime de guerre ». Le porte-parole adjoint de l'ONU souligne le fait que les journalistes sont « protégés par le droit international humanitaire »41. Le Centre Samir Kassir Eyes pour la liberté des médias — du nom d'un journaliste libanais assassiné par le régime syrien – établit un parallèle avec le meurtre de journalistes pendant la guerre Israël-Hamas à Gaza et voit dans ce bombardement une tentative de décourager la couverture journalistique de la guerre menée au Liban par Israël. Violations du droit humanitaire international Le conflit prend la dimension d'une « guerre totale »; il s'agit de la cinquième guerre israélo-libanaise depuis 1978. Le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés déclare, le 6 octobre, à propos des bombardements israéliens depuis le 23 septembre au Liban, avoir constaté « de nombreux cas de violations du droit humanitaire international dans la manière dont les frappes aériennes sont menées, détruisant ou endommageant des infrastructures civiles, affectant les opérations humanitaires. Filippo Grandi souligne le fait que la destruction de maisons civiles n'est pas conforme au droit de la guerre, de même que les déplacements forcés de population ou « le fait de forcer les gens à fuir ». Ciblage du secteur médical Human Rights Watch parle de crimes de guerre manifestes concernant les frappes israéliennes contre le secteur médical au Liban27,28. « Les hôpitaux et autres établissements médicaux sont des biens civils protégés par le droit international humanitaire », conformément à l'article 19 de la quatrième Convention de Genève. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé l'aviation israélienne a bombardé, à la date du 10 octobre, 37 établissements de santé, tué 70 professionnels de santé et blessé 65 personnes travaillant dans le même secteur d'activité26. Les médecins et les secouristes qui œuvrent dans des organisations affiliées au Hezbollah bénéficient de la même protection que tous les professionnels de santé ; le droit international interdit de les cibler, souligne Heidi Matthews, professeure canadienne de droit à la Osgoode Hall Law School. Par ailleurs un belligérant qui vise des établissements de santé en alléguant leur utilisation à des fins militaires doit en apporter la preuve claire30. Quand même ce serait le cas, les personnes blessées ou malades qui y sont soignées demeurent protégées, et doivent bénéficier d'un délai d'évacuation avant une attaque27. Au moins douze secouristes de la Défense civile libanaise (qui dépend de l'Etat libanais, sans rapport avec le Hezbollah) et seize ambulanciers de la Croix-Rouge libanaise (sans rapport avec le Hezbollah) ont été tués début octobre dans des frappes israéliennes. Au 15 novembre, au moins 192 secouristes et personnels de santé ont été tués lors des frappes aériennes israéliennes. Israël a allégué une utilisation militaire d'ambulances par le Hezbollah « sans toutefois en apporter la preuve ». Israël a largué des bombes à distance létale d'au moins 19 hôpitaux libanais, soit dans un rayon de 340 mètres autour de ces établissements, à distance dangereuse de 24 hôpitaux, soit dans un rayon de 500 mètres. Ciblage d'infrastructures civiles Les bombardements israéliens qui visent de nombreux bâtiments abritant des filiales de la société de microcrédit Al Qard Al-Hassan affiliée au Hezbollah, dans la banlieue sud de Beyrouth, dans le sud et l'est du Liban, le 21 octobre 2024, constituent de possibles crimes de guerre. Le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme, Ben Saul, rappelle l'interdiction juridique de s'attaquer aux « infrastructures économiques ou financières d'un adversaire, même si elles soutiennent exclusivement ses activités militaires ». Ainsi, déclare-t-il, de tels bombardements « violent le droit international humanitaire en ciblant des infrastructures civiles ». Des ONG comme Legal Agenda, une « organisation de recherche indépendante » libanaise, soulignent également l'absence d'«objectif militaire légitime», ce qui autorise à parler de crime de guerre35. De même, Amnesty International36,37, qui déclare : « Être associé au Hezbollah ne suffit pas pour qu'un immeuble civil, ou les civils qui y sont, soient classés comme des objectifs militaires ». Si Israël accuse Qard Al-Hassan d'avoir contribué à financer le terrorisme, Amnesty affirme que l'institution est une « bouée de sauvetage économique pour de nombreux civils libanais ». Qard Al-Hassan accorde des prêts sans intérêts, en vertu des règles de la finance islamique qui interdisent l'usure et la spéculation. Israël provoque une «guerre civile» au Liban Le ciblage de la communauté chiite, considérée dans sa globalité par Israël comme un soutien au Hezbollah, exacerbe les tensions communautaires et entretient un climat de suspicion généralisée. Renforcer l'armée libanaise est l'un des principaux objectifs de la conférence internationale organisée ce jeudi à Paris pour venir en aide au Liban. Selon le ministre de la Défense Sébastien Lecornu, l'enjeu est notamment « d'éviter une guerre civile imminente » au pays du Cèdre soumis à un nouveau choc très violent depuis l'escalade militaire israélienne décidée il y a un mois. Le bilan humain de la guerre est déjà très lourd, plus de 1,4 million de personnes, soit le tiers de la population libanaise, est victime d'un déplacement forcé. La crainte d'un retour aux jours sombres de la guerre du Liban qui a duré de 1975 à 1990 est l'un des éléments structurants de la vie politique libanaise depuis lors. Mais les tensions communautaires latentes sont nettement exacerbées depuis que l'armée israélienne met à exécution un plan destiné à défaire le Hezbollah, dont les préparatifs remontent à la dernière guerre de 2006. Celle-ci s'était, l'afflux massif de réfugiés dans la capitale libanaise et la crainte des bombardements attisent les soupçons et les rivalités. «Je n'aime pas Beyrouth. Je n'ai qu'une envie : rentrer chez moi », témoigne Malak, déplacée avec sa famille dans l'école des Makassed du quartier de Sodeco, à Beyrouth. Il ne s'agit pas de la solidarité, « irréprochable », dit celle qui vivait dans un village à la périphérie de Tyr, au Sud-Liban, avant de fuir les bombardements israéliens. C'est plus l'atmosphère d'une ville où elle séjourne pour la première fois et dont elle ne maîtrise pas les codes qui l'effraie. «On n'est pas chez nous, ici» L'une de ses amies d'infortune, réfugiée dans la même école de ce réseau philanthropique sunnite, refuse d'ailleurs de laisser sa fille s'aventurer hors de l'enceinte scolaire. «Trop dangereux », justifie-t-elle tout en s'enroulant dans son ample abaya noire comme pour se protéger. Quand on lui demande de préciser ses craintes, elle élude : À Beyrouth, comme dans une large partie du Liban, les bombardements israéliens font que des victimes civiles et des déplacés, au nord du Liban, la population mobilisée pour aider les déplacés, plus d'un 1.4 million sur une population de 5 millions d'habitants ont été contraintes de quitter le sud du pays et la banlieue de Beyrouth à cause des bombardements israéliens. Tameem ne s'est pas vraiment posé de questions au lendemain du 21 septembre, quand Israël a entamé sa campagne de bombardements généralisés sur près de la moitié du Liban, ciblant le sud du pays, la Bekaa ou Beyrouth. « J'ai agi à l'instinct », dit celui qui tient normalement un petit restaurant italien dans un village à proximité de Tripoli, « capitale » du nord du Liban. Comme Tameem, ils sont des milliers à avoir répondu présents aux premiers instants de cette nouvelle phase de la guerre. Depuis quinze jours, cet ancien de la « Thawra » (le mouvement de contestation de 2019) prépare une centaine de repas quotidiens à destination des 13.000 déplacés officiellement enregistrés dans les 28 centres d'accueil de la ville. La plupart des matières premières lui sont envoyées gratuitement par un collectif d'agriculteurs de la Bekaa. Beyrouth comme dans tout le pays, les hôpitaux ont été submergés par l'afflux des blessés et le manque de services et du paramédicale dans les hôpitaux.