Dans un texte d'une grande teneur didactique, intitulé Ô mon fils !, le grand philosophe Al Ghazali (1111-1058) s'emploie à tracer une voie philophique et mystique à même d'éviter les tumultes de ce grand océan qu'est la vie. On le voit dresser minutieusement une espèce de carte marine où sont consignés tous les écueils et les récifs de l'ici-bas. Pas question donc pour l'embarcation humaine de s'en approcher, sans risquer de sombrer à tout moment. Le texte d'Al Ghazali est truffé de conseils à suivre à la lettre, tirés essentiellement du Saint Coran, de la tradition prophètique et de sa propre expérience de philosophe sans doute un peu trop mystique. Même s'il n'a pas l'ampleur de son livre-maître, Revivifacation des sciences de la religion ou encore de L'alchimie du bonheur, ce texte n'en demeure pas moins d'une grande importance dans l'histoire de la pensée islamique, en ce sens qu'Al Ghazali s'y montre préoccupé au premier degrè par le bonheur de l'être humain, aussi bien dans l'ici-bas que dans l'au-delà. Dans ce même état d'esprit, l'imam Al Chaffi'i (766-820), autre grand doctrinaire de l'Islam (qui engendra un des quatre grands courants du sunnisme), entreprend, à quelques nuances près, la même démarche, mais en recourant à la versification. En effet, ses poèmes non moins didactiques foisonnent de bons conseils, parfois simplistes, à l'adresse de tous les hommes : faites ceci, ne faites pas cela ! Sur un autre registre, foncièrement différent des deux penseurs musulmans, le romancier anglais Rudyard Kipling (1865-1936), chantre de l'impérialisme britannique, s'était intéréssé de près à la jeunesse dans ses romans et poèmes, tout particulièrement, dans son fameux roman Mowgli, le livre de la jungle. Toutefois, il prit un ton, plutôt séculier, dans son message qui se voulait purement éducatif. En effet, dans son célèbre poème Tu seras un homme mon fils, on le voit préoccupé, en premier lieu, par les choses de l'ici-bas tout en mettant l'accent sur un certain code de l'honneur. Kipling avait composé ce poème, apparemment au début du XXe siècle, dans le but de prodiguer des conseils à son fils et, à travers lui, à toute la jeunesse du monde occidental. Malheureusement, celui-ci allait perdre la vie au cours de la Première Guerre mondiale. On y décèle force et beauté, l'auteur étant alors confiant dans la puissance de l'empire britannique, et ne voyant aucune espèce de relation pouvant s'établir entre le monde occidental et le monde oriental. « L'Est est l'Est, affirmait-il sans vergogne, et l'Ouest est l'Ouest. Les deux ne peuvent jamais se rencontrer ». Ce qui l'intéressait de prime abord, c'était de faire de son fils - et de ses pairs du monde occidental-, un homme au sens chevaleresque, c'est-à-dire, un homme rompu aux choses de la vie telles qu'elles étaient alors édictées par l'empire britannique, principalement en Inde et dans les pays du Moyen-Orient. « Tu seras un homme, mon fils, concluait-il dans son poème, si tu remplissais les conditions précitées ! » Or, savait-il qu'il tomberait dans son propre jeu, lui qui écrivait que « les mots sont la plus puissante drogue utilisée par l'humanité ? ». Cela est de bonne guerre, il faut le dire. En effet, on veut toujours, du moins par instinct, sauver la peau de son propre fils, lui éviter de buter sur les obstacles existentiels. Du reste, on ne sait pas si cela est inscrit dans le code génétique de l'homme, puisque l'on dit encore que cette action se réalise sur le double plan : psychique et biologique.