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De avava inouva, à la madeleine de proust
Figures géométriques du réel et du merveilleux
Publié dans El Watan le 05 - 11 - 2005

Pour avoir tenu des propos déplacés à la réunion des notables de son village, un homme est condamné à rester cloué sur place le restant de sa vie.
C'est le point de départ de Avava Inouva, cette légende de l'imaginaire collectif berbère qui a fait le tour du monde grâce au chanteur Idir. On y voit le discours conceptuel, c'est-à-dire logique, déboucher sur le discours mythique. En effet, le génie populaire ancestral prend le parti de combiner, avec bonheur des éléments diamétralement opposés : mensonge et vérité, pur humanisme contre instinct animal grégaire, bas monde et métaphysique primaire etc. Le merveilleux en littérature n'est-il pas le pendant et le prolongement de la réalité dans sa nudité première ? La littérature, populaire ou savante, nous en donne la preuve. Homère, le premier à avoir fait voile dans cet océan, si réel et si bizarre à la fois, nous fait avaler la couleuvre depuis près de 30 siècles : il parvient, par ce qu'il croit être une ruse militaire, à introduire dans la ville de Troie un cheval de bois dans lequel se sont enfermés des commandos grecs. Une fois celle-ci saccagée, les guerriers prennent le chemin du retour vers leurs villes et villages en Grèce tout en ramenant la belle Hélène. Si la ruse a réussi, elle demeure, cependant, de l'ordre de ce qui est chimérique. Bien que c'est un militaire de génie, c'est-à-dire, Ulysse, qui en fut à l'origine, elle est pour Homère une espèce de stratagème poétique ni plus ni moins. Et il en a usé à merveille. Cependant, on est en droit de s'interroger sur la plausibilité de la ruse d'Homère. Comment une ville, assiégée durant dix ans, tombe dans le panneau aussi bêtement en acceptant le cadeau empoisonné, c'est-à-dire, le cheval de bois abandonné par les vaincus devant sa haute muraille ? Depuis, quand les vaincus laissent sur le champ de bataille des traces de leur défaite sinon des cadavres, des armes détruites, des tentes et autres attirails de guerre ? Le cheval de bois, il faut l'admettre, a permis à Homère de composer sa deuxième épopée : l'Odyssée. Il s'agit donc, en fait, d'un dispositif purement poétique plutôt que d'un stratagème militaire. Les lecteurs continuent, depuis une trentaine de siècles, de gober la ruse sans rechigner et les experts en hellénisme ont même fait fortune avec ce qu'ils ont appelé le problème homérique. Toute autre est la structure dans Les tambours de la pluie, roman fabuleux de l'écrivain albanais, Ismaël Kadaré. Le cheval, lancé par l'intendant des écuries ottomanes contre une citadelle albanaise censée être imprenable, joue, à quelques différences près, le même rôle que le cheval de bois de Homère. Le réel, le vécu prend le relais du mythique, du merveilleux. Une citadelle albanaise assiégée durant des mois, mais résistant avec bravoure, provoque l'émoi et l'étonnement de l'armée ottomane. Les assiégeants n'arrivent pas à comprendre comment ladite citadelle parvient à se ressourcer en eau régulièrement. C'est un cheval assoiffé volontairement dans son enclos, puis, abreuvé à l'eau salée qui est lancé en direction de la citadelle. Celui-ci, cherchant à étancher sa soif coûte que coûte, se met, avec une frénésie terrifiante, à frotter rudement les herbages à la base de la citadelle. Son instinct premier, celui de la survie, lui permet alors de découvrir la source d'eau, enfouie sous terre, et grâce à laquelle les assiégés s'alimentaient en eau quotidiennement sans attirer l'attention de l'armée ottomane. Mais, une fois l'objet tant convoité tombe sous le contrôle des assiégeants, la citadelle finit par se soumettre en quelques jours. Des marins, en route pour l'extrême Orient, campent sur ce qu'ils croient être une île, mais celle-ci, à leur étonnement, se révèle être une grosse baleine, et c'est le naufrage et c'est la noyade. La légende de Sindbad le marin voit le jour depuis. Non, les dés ne sont pas pipés au départ ! C'est le propre de l'homme qui se met au-devant de la scène, ou qui fait marche-arrière pour des raisons relevant de son existence sur cette terre tout court. Herman Melville, l'auteur de Moby Dick, prend le même itinéraire. La baleine poursuivie dans les mers du sud a dû exister dans le monde imaginaire du romancier, cela est sûr, mais, en revanche, elle a existé en tant que mammifère marin. C'est là où le merveilleux fait cause commune avec le désir de ce pêcheur à demi-fou de se venger d'une créature marine à la limite du mythe. Et c'est ce qui nous donne une panoplie d'interprétations aussi étranges les unes que les autres. L'une d'elles, et qui n'est pas des moindres, émane d'Erich Segal, auteur de Love story et grand helléniste à l'université Harvard. Celui-ci dit en substance que la poursuite de la baleine par un pêcheur, aussi acharné que « Achab », n'est autre que la recherche entreprise par la civilisation occidentale pour atteindre l'Eldorado tant recherché depuis les anciens Grecs. Il n'hésite pas en cela à faire le parallèle avec la légende de la toison d'or, cette légende qui prend fin sans la prendre véritablement avec la destruction du léviathan. Avava Inouva n'est pas tout à fait la fameuse madeleine de Marcel Proust, celle qui a permis à ce dernier de faire sa remontée dans le temps. En effet, Proust, avec sa madeleine, prend le chemin du réel, alors que les propos déplacés du petit villageois dans Avava Inouva ouvrent la voie vers le merveilleux, lequel à son tour donne le ton à une kyrielle d'interprétations allant de la métaphysique jusqu'au bien et au mal tels qu'ils sont perçus par une société donnée. En d'autres termes, le réel peut, en littérature, déboucher sur le merveilleux par une déduction logique quelque peu forcée, mais somme toute acceptable. En règle générale, le merveilleux prend son départ de ce qu'il y a de véridique. L'histoire de la littérature universelle en fait foi. La bifurcation se fit après coup, et la naissance de l'œuvre se fait au fur et à mesure. C'est au récepteur de l'accepter ou de la rejeter. Dans le merveilleux, dit-on encore, il y a une grosse part de mensonge, mais celui-ci reste du domaine de l'acceptable en ce sens qu'il permet à l'auteur, n'importe quel auteur et le lecteur à sa suite, de continuer de rêver. Le réel, quant à lui, ne diffère pas dans sa teneur de ce qui est merveilleux, car il constitue, à l'image de ce dernier, un point de départ nécessaire pour la création artistique de pure fantaisie ou ancrée dans le réalisme. On le voit avec Homère. Lorsque le siège de Troie commença par devenir monotone, lassant sans coloration poétique, il enchaîna sur le merveilleux pour aborder la deuxième phase de son œuvre épique gigantesque. Les poètes y ont trouvé leur compte et les spécialistes de la stratégie militaire n'ont rien eu à redire. Le discours mythique dans la légende de Avava Inouva, considérée comme mensonge, selon certains philosophes, finit par rejoindre le discours conceptuel dont le premier rôle est d'exprimer la vérité selon ces mêmes philosophes. C'est dire que toutes les formes d'expression finissent par faire la boucle entre elles. Rien ne se perd dans cette existence, pour reprendre une tournure de Leonard de Vinci. Tout se fait avec mesure, toute vérité finit pas révéler son essence. Car, il s'agit en fin de compte, de cases vides dans l'attente d'être conceptualisées, de signifiés prêts à lover, un jour, dans des signifiants. « Peut-être, dit l'anthropologue Lévi Strauss, découvrirons-nous un jour que la même logique est à l'œuvre dans la pensée mythique et dans la pensée scientifique. »

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