Généreux, désintéressé, courageux et armé d'une logique inflexible, Aliou Mohammadou Modibbo(1) est un poète qui va au bout de ses principes. Dès ses seize ans, il commence à écrire et dès ses vingt ans, il décide, une fois pour toutes, de ne jamais reculer devant les conséquences d'une pensée qu'il jugeait essentielle : élever le niveau culturel de son peuple, chanter sa terre, décrire la beauté de son pays, le Cameroun, malgré les sécheresses affamantes et les vicissitudes d'une histoire aux relents héréditaires argileux, bourbeux, retenant la marche de ses concitoyens et les incitant à l'immobilisme : « Au bout de mes pas qui trébuchent Au bout de mon orteil adroit Toi Terre Ma peur pour toi Terre Le doute Mon espoir Tout mon espoir en tes mains de mendiante Tendues gerbes à la nudité insolite du ciel. » La plupart de ses poèmes, plutôt tous ses écrits (il est aussi un excellent prosateur), tirent leurs images et métaphores de la terre aride du Nord Cameroun. Et puis, il y a l'enfance. Aliou M. Modibbo parle souvent de l'enfance dans ses poèmes. Une enfance misérable, mais qui chante et enchante : « Les enfants après l'école, Loqueteux, misérables, Aux poteaux du télégraphe Doucement l'oreille, collent Poursuivant le temps qui passe. » Pauvre et intrépide, notre poète avait une fraîcheur inextinguible, une rigueur de la cohérence qui se porte sans faiblir aux extrémités des cimes. L'axiome de base de toute pensée révolutionnaire, le déluge sur le petit dernier de la dernière pluie : « Je voudrais réveiller en toi Tout ce qui de tout temps avait sommeillé Je voudrais te lire Te dire à toi-même Découvrir le charnier de ton corps. » Avec l'âge, Aliou Mohammadou Modibbo aurait rêvé d'être nommé précepteur des peuples africains et de les élever, leur apprendre à travailler, à sortir du sous-développement ! 1)- Né à Fignère, dans le Nord Cameroun, en 1953. Parmi ses œuvres, Sur le chemin de la Sa'ira