Lounis Aït Menguellet a choisi de célébrer ses 40 ans de carrière sur les ondes de radio Soummam dans une soirée où avec le mot simple et le verbe fort et profond, le poète a semé des émotions près de quatre heures durant. Radio Soummam a décroché à 00h50 pour laisser les auditeurs « se remettre » de leur rêverie. Au grand bonheur de ces derniers, d'ailleurs, qui se sont délectés autant que l'invité dont on a découvert, agréablement, un côté « décontractant » qui a excusé volontiers les oublis de quelques mots de chansons. Lounis n'a plus 20 ans. Le 17 janvier dernier, il a fêté ses 57 primtemps. Et aujourd'hui, il célèbre sa quarantième année, depuis son passage dans cette émission pour jeunes chanteurs, « Nouva Ihafadhen », qu'animait Cherif Kheddam à la Chaîne II de la Radio nationale. Il y a interprété, une première fois, un titre de Taleb Rabah, Aqliyi am tir lqefs (Je suis comme un oiseau dans une cage). « Quand j'ai été à la radio, je n'avais pas l'ambition de devenir chanteur et de le rester. Voir les coulisses de la radio c'était déjà ça », dit-il dans sa modestie légendaire. Alors âgé de 4 ans, l'oreille du petit Lounis devait être bercée une première fois par les airs d'une chanson de Amouche Mohand A Takriets hadhras ivava tidets (Takriets, dis la vérité à mon père). En la dépoussiérant, le poète a dû lui ciseler des mots pour rendre hommage à son aîné et à tous ceux qui sont des références comme Abdelwahab Abjaoui, Hnifa, Slimane Azem, Taleb Rabah (dont il a interprété pour la première fois en public Ayahviv selli af n'bi), Kamel Hammadi… Ses 40 ans de carrière, Lounis aurait pu prétendre les fêter il y a au moins une année pour rappeler que c'était en 1966 qu'il composa, du haut de ses seize ans, sa première chanson Ma trud ula d nek akter (Si tu pleures, moi encore plus). Puis d'autres sont arrivées pour donner forme à un beau mariage de mots qui enfantera de beaux succès, des années d'or séduisant des générations. « L'essentiel de ce que j'ai chanté est le produit de l'imagination », précise le poète qui avoue ne pas savoir « comment se rencontrent les mots » dans sa poésie. Celui qui se considère « chanteur provisoire », se laisse à l'incertitude de l'inspiration : « A ce jour, je suis incapable de dire si je pourrais encore écrire. » Lounis s'est abreuvé de la sagesse des siens, du Djurdjura et du village d'Ighil Bouammas qui l'ont vu naître. Entre lui et la Kabylie, une véritable histoire d'amour. « La montagne est une partie de moi. C'est elle que j'ai vue quand j'ai ouvert mes yeux pour la première fois », dit-il. Tamurtiw, dizurar afidurar (Mon pays c'est des parures sur des montagnes) est plus qu'une métaphore, « une image réelle ». Pour Aït Menguellet, la plume n'est pas trempée délibérément dans les métaphores, elles naissent plutôt au bout des mots. Dans les années 1970 et 1980, « les métaphores n'étaient pas pour contourner l'absence de liberté d'expression », malgré les « interdits au quotidien » d'alors qui lui ont coûté, d'ailleurs, un emprisonnement en 1985 quand il tenta de sensibiliser, dans un gala (Teksem l'mahna), sur le sort des détenus d'opinion d'alors. « Huit jours après on m'a jeté en prison », se rappelle-t-il. Pourtant, aujourd'hui, le poète se garde d'approcher la politique. De l'épisode de 2001 qui lui a valu de vives critiques lorsqu'il s'affichait « du mauvais côté », ont pensé ses détracteurs, il n'en parle pas. Le titre Nedjayawen amkan (On vous laisse la place) s'est chargé, avec du recul, de la mise au point.