C'était un ami de longue date qui venait me demander conseil à propos de la caisse nationale de retraite (CNR) qui lui refusait la prise en charge des deux années du service national qu'il a, loyalement et généreusement, accomplies pour le pays. Les responsables de la CNR lui auraient dit que «les deux années du service national ne sont pas prévues par la loi». Après quelques recherches, il s'est avéré qu'effectivement (*) la CNR ne prend pas en compte les deux années du service national dans le cadre d'un départ à la retraite proportionnelle prévue par l'ordonnance 97-13 du 31 ami 1997 modifiant et complétant la loi 83-12 du 2 juillet 1983 relative à la retraite. Pour donner une réponse sans équivoque à mon ami, j'ai été contraint de remonter en amont et suivre en aval, l'évolution des dispositions juridiques régissant le départ à la retraite. La loi 83-12 du 02 juillet 1983 relative à la retraite Après avoir énoncé les dispositions préliminaires et défini son champ d'application, la loi a fixé, dans le titre II chapitre 1 section 1, les conditions d'ouverture du droit à la pension de la retraite. Les trois critères, l'âge légal (1) — le nombre minimal d'années travaillées (2) — et la nature des annuités devant être prises en charge pour le calcul de la pension de retraite (3), sont régis par les deux articles 6 et 11. D'abord, l'article 6 qui fixe : (1)- les conditions d'âge : moins de 60 ans pour l'homme et 55 ans pour la femme. (2)- la période minimale travaillée : 15 années travaillées au moins. (3)- l'article 11 qui détermine, à titre limitatif, les années devant être prises en compte pour le calcul de la pension de la retraite, et stipule ceci : Sont assimilées à des périodes de travail : 1- toute période pendant laquelle l'assuré a perçu les indemnités journalières des assurances maladies, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles. 2- toute période d'interruption de travail due à la maladie, lorsque l'assuré a épuisé ses droits à indemnisation, à condition que l'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail soit reconnue par l'organisme de sécurité sociale. 3- toute période pendant laquelle l'assuré a bénéficié d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail correspondant à un taux d'incapacité au moins de 50%. 4- toute période de congé légal. 5- toute période au cours de laquelle ont été remplies les obligations du service national. 6- toute période effectuée durant une mobilisation générale. En conséquence, tout travailleur ayant rempli les conditions requises par les articles 6 et 11 ouvre droit à la pension de retraite avec prise en compte de la période du service national. L'ordonnance 97-13 du 31 mai 1997 modifiant et complétant la loi 83-12 du 2 juillet 1983 relative à la retraite. Le premier article de cette ordonnance stipule : «La présente ordonnance a pour objet de modifier et de compléter la loi n° 83-12 du 21 Ramadhan 1403 correspondant au 02 juillet 1983 relative à la retraite.» Ainsi donc, tout juriste ou gestionnaire sensé aurait relevé, aussitôt, que cette ordonnance n'annule pas la loi 83-12, mais modifie certaines dispositions et en complète d'autres, de même cette ordonnance est composée de cinq articles qui, si on en exclut l'article 1 qui définit son objet, l'article 4 qui fixe sa date d'effet et, enfin, l'article 5 qui détermine le moyen officiel de publication (au JO), il n'en restera que deux articles (2 et 3). D'abord, l'article 2 qui introduit un nouvel article dit «article 6 bis», par lequel est rajoutée une nouvelle condition d'âge moins de 50 ans pour l'homme et 45 pour la femme sous réserve de cumuler au moins 20 ans de travail effectif, ou bien avoir cumulé 32 ans de travail effectif, quel que soit l'âge du demandeur. Cet article est pris en complément à l'article 6 de la loi 83-12, et stipule ceci : «La loi n°83-12 du 21 Ramadhan 1403 correspondant au 2 juillet 1983, sus-visée, est complétée par un article 6 bis rédigé comme suit : Article 6 bis : le bénéfice de la pension de retraite peut être accordé avec jouissance immédiate, avant l'âge prévu à l'article 6 ci-dessus dans les cas et selon les modalités ci-après : 1- Sans aucune condition d'âge lorsque le travailleur salarié a accompli une durée de travail effectif ayant donné lieu à versement de cotisations égales à trente-deux ans au moins. Sont validées dans les conditions de l'article 14 de la présente loi et entrent en compte pour le calcul de la durée de trente-deux ans : – les journées pendant lesquelles le travailleur a perçu les indemnités journalières des assurances maladie, maternité, accidents du travail, et chômage. – les périodes de congés réglementaires payés ou d'indemnité compensatoire de congés payés. – les périodes durant lesquelles le travailleur a bénéficié de la pension de retraite anticipée. – les années de participation effective à la guerre de libération nationale telles que prévues par les dispositions de l'article 22 de la présente loi. 2- A partir de l'âge de cinquante ans, le travailleur salarié qui réunit une durée de travail effectif ayant donné lieu à versement de cotisation égale à vingt ans au moins peut demander le bénéfice d'une pension de retraite proportionnelle. L'âge et la durée de travail prévus dans l'alinéa ci-dessus sont réduits de cinq ans pour les travailleurs salariés de sexe féminin. L'article 3 qui traite du rachat des cotisations n'intéresse pas notre réflexion. En conséquence, si on prend la loi 83-12 à laquelle on ajoutera, après l'article 6, l'article 6 bis de l'ordonnance 9713, nous constaterons que l'article Il de la loi 83-12 (qui définit les années devant être prises en considération dont le service national) qui n'a pas été abrogée vient après les articles 6 et 6 bis et les soumet, de ce fait, à son autorité. Comme certaines gens ont réponse à tout, ils répliqueront, très certainement, en disant que l'ordonnance 97-13 «parle» d'années effectives, et, dans ce cas, nous les prions de nous expliquer l'effectivité des sept années et demie de guerre de libération nationale accomplies par nos valeureux chouhada et comptabilisées comme travail effectif pour leurs enfants. D'autre part, l'article 6 alinéa 4 de la loi 83-12 précise ceci : «La durée minimale prévue ci-dessus (15 années ‘‘NDA''), ainsi que les durées prévues à l'article 59 de la présente loi, doivent avoir donné lieu, pendant une période égale au moins à la moitié desdites durées, à un travail effectif et à un versement de cotisations de la sécurité sociale par le travailleur, pour permettre à ce dernier, de bénéficier d'une pension de retraite.» La question qu'on est en droit de poser est la suivante : puisque cet article exige du travailleur une durée de travail effectif et qui a donné lieu à versement des cotisations, sur quelle base les deux années du service national ont-elles été comptabilisées dans le cadre d'un départ à la retraite à l'âge de soixante ans ? Décret législatif n°94-10 du 26 mai 1994 instituant la retraite anticipée Le seul article de ce décret qui a traité des années à prendre en considération est le paragraphe 2 de l'article 7 qui édicte ceci : «Réunir un nombre d'années de travail ou assimilées…» Nous constatons que pour définir les années assimilées, il a été fait recours à l'article Il de la loi 8312 qui stipule que «sont assimilées à des périodes de travail» et il cite les deux années du service national. Alors, pourquoi les deux années du service national sont comptabilisées pour le calcul de la pension de la retraite anticipée, et non pour la retraite proportionnelle. Nous comprenons que la CNR a de grandes difficultés pour honorer ses engagements vis-à-vis des retraités, mais cela ne l'autorise pas à interpréter, d'une manière unilatérale et à son seul profit, les dispositions législatives prises, avant tout, pour la protection des travailleurs. A la fin de cette modeste réflexion, il semble discursif que les deux années accomplies dans le cadre des obligations du service national doivent être comptabilisées dans le calcul de la pension à l'occasion d'un départ à la retraite proportionnelle. Ajoutée à la cherté de la vie, le taux de 5% injustement défalqué de la pension du retraité constitue un souci supplémentaire et permanent pour ce pauvre citoyen. Face à cette situation, il devient légitime de se poser les questions suivantes : s'agit-il d'une lecture intentionnellement erronée ou d'une mauvaise interprétation ? «That is the question !», se serait exclamé Shakespeare. Alors chers confrères juristes, à vos plumes ! L'auteur est: Cadre à Kahrakib – 1 et 2 : Voir Le Soir d'Algérie n°4528 du 28/12/2005, page 10, portant la réponse de la caisse nationale des retraites à un citoyen.