Très riche en enseignement est l'organisation du colloque consacré à l'un des joyaux de l'art et d'architecture de l'Occident musulman, en l'occurrence la Tachfinya, ornant alors majestueusement le cœur de la ville historique de Tlemcen, s'étendant face à l'oratoire royal de Sidi Belhacène, la première totalement détruite en 1873, alors que la seconde a été réduite à des fonctions opposées à sa finalité. Plus que le sort qui a été réservé à la plupart des édifices – symboles de l'Etat Zyanide, celui de la Tachfinya a été fatal, après avoir été précédé notamment par la militarisation du Méchouar, la confiscation des Palais Bou Hamidi et Mustapha, du bombardement de la Grande Mosquée par Cavaignac, la désaffectation de l'oratoire royal précité en devenant…parc de fourrage, cave à vin, école puis musée archéologique. Inexorablement, l'un des joyaux de l'art et d'architecture de l'Occident musulman devait être sacrifié dès l'avènement de la IIIe République française, en 1873, En fait, bien avant l'irréparable, le sort de la Tachfinya a été scellé dès la création de la commune de Tlemcen en 1854, suite à l'implantation du siège de la mairie à proximité de la Tachfinya. C'est ainsi qu'elle a été aussitôt désaffectée et a servi d'entrepôt puis de salle de théâtre pour répondre aux besoins de divertissements d'une population européenne en expansion. En définitive, la pause imposée par le Second Empire n'a été que de courte durée, le temps nécessaire pour reconfigurer et redessiner le cœur de la ville historique, délimité en premier lieu par la moquée de Sidi Braham, l'oratoire royal, la grande mosquée et la Tachfinya, périmètre réservé en priorité aux nouveaux venus de France et d'autres pays européens. D'autant que cette reconfiguration a été méthodiquement poursuivie par la procédure baptisée alignement. Bel et bien le dépècement progressif du tissu urbain historique ! C'est bien ce qui ressort de l'analyse des rapports officiels archivés, à l' instar notamment de la correspondance émanant de Joly Leterme, datée du 3 avril 1872. La même démarche qui n'a pas épargné pour autant de prestigieux monuments historiques, comme le montrent notamment la Tachfinya et la Mosquée Es Sayyida d'Alger, pour les mêmes motifs, l'aménagement des places respectives de la Mairie (Indépendance) et du Gouvernement (des Martyrs). Le même observateur de faire allusion à nombre d'édifices historiques de la province d'Oran. En définitive, n'est-ce pas l'objectif inavoué : l'amnésie de toute société vouée à l'exploitation de l'homme par l'homme ! Rasée, la tachfinya resurgit Définitivement rasée, la Tachfinya n'a pas laissé pour autant indifférentes les sphères ayant su apprécier sa magnificence, de surcroît au sein de sphères nullement imprégnées par l'esthétisme identifiant l'Occident musulman. S'agissant de la mission confiée à l'architecte en chef des Monuments historiques, E. Duthoit, en vue d'éviter l'irréparable, elle n'a été d'aucun secours, en dehors de la récupération de si beaux spécimens de faïences et le recueil d'un volumineux fonds de relevés constitués de plans, croquis et photographies relatifs à la plupart des monuments de la ville. De toute évidence, c'est la reconnaissance explicite d'un riche patrimoine, voire la réhabilitation implicite du chef d'oeuvre ravi aux siens car en Occident, la notion de patrimoine n'a cessé d'évoluer pour répondre précisément aux exigences du développement culturel (…). Précisément, c'est à la suite de cette mission effectuée à Tlemcen qu'il a été tant impressionné par la finesse et la beauté de ses monuments comme en témoignent les archives du MAP (Médiathèque de l'Art et du Patrimoine à Paris) que cet architecte restaurateur et décorateur a entrepris une heureuse synthèse entre les rives nord et sud de la Méditerranée, une heureuse synthèse qui s'est illustrée à travers la construction d'une église néo-gothique, Notre-Dame-de-Brebière, à Albert (Somme), «élevée sous sa direction et sur ses plans et achevée après sa mort par son fils Louis Duthoit», tient à noter Oulebsir N. (2004 : 155). A l'ère d'une mondialisation, la réappropriation, tout comme la sauvegarde de tout patrimoine, est impérative. D'autant que tout patrimoine constitue en soi un enrichissement tant pour la société directement concernée que pour l'humanité toute entière évoluant désormais dans un village-monde. A fortiori, dans les pays du Sud, à l'instar notamment de l'Algérie, par excellence terre de contacts et de rencontres, depuis la plus Haute Antiquité, a contribué largement à la constitution d'un riche patrimoine archéologique et architectural parmi les plus représentatifs du bassin méditerranéen (Meynier G., 2006) mais dont la conservation a beaucoup souffert de l' usure tant du temps que des hommes, particulièrement à la suite d'une colonisation de peuplement poursuivie le plus souvent aux dépens de l'héritage des villes historiques, ne conservant plus que peu de témoignages des siècles révolus (…). Aussi convient-il de tout mettre en œuvre pour préserver ce qui subsiste et qui risque de disparaître inexorablement tôt ou tard, face à une urbanisation accélérée, que pour se réapproprier certains monuments des plus représentatifs et à plus forte raison l'un des joyau de l'Occident Musulman, La Tachfinya. Plus que jamais, un objectif parfaitement à notre portée, à dessein le ressourcement pérenne devant contribuer à concilier les générations montantes avec leur riche histoire.