Les mimosas n'ont toujours pas compris ce qui s'est passé. Ils avaient sorti toute la parure de leurs globules jaunes à la date convenue, belle explosion de couleurs en pointillés. Mais la météo n'a pas joué le jeu. Des trombes d'eau leur sont tombées dessus, balayant toutes leurs ambitions poétiques. Jamais leur carrière saisonnière n'a été si courte. Pour eux, le printemps a été zappé (ou happé, pour les puristes de la langue). Printemps, l'initiative du ministère de la Culture de créer un évènement saisonnier pluridisciplinaire. Beaucoup d'initiatives prises dans ce cadre, quelques-unes bien belles, mais toutes passées inaperçues, du moins en tant que pièces de l'ensemble intitulé Printemps des arts. C'est une excellente chose que de ritualiser les saisons et de rythmer la vie culturelle. Mais un label a besoin d'une grande promotion pour s'imposer ou alors de nombreux printemps, comme les mimosas qui peuvent se permettre de rater une saison. Printemps, celui que nous conte ci-contre la chanteuse d'andalou Fazilet qui a troqué la plume de son luth pour celle des encriers. Nous sommes ravis de la lire mais nous aimerions tant aussi l'entendre à nouveau. Elle nous entraine sur les lignes de son journal de bord des Andaloussiate ou nouba du printemps au Théâtre de Verdure. Un rendez-vous qui devient une tradition nationale. Combien de printemps nous séparent de Zyriab, le grand musicologue andalou ? Exactement 1220 en partant de sa date de naissance. Et pourtant, elle tourne encore cette musique, plus d'un millénaire après. Elle tourne et fait tourner les têtes et les cœurs. Printemps, celui du Dimajazz de Constantine, qui redonne à l'une de nos plus chères cités une visibilité internationale et l'envergure culturelle qu'elle mérite. Mais comme l'hirondelle - d'ailleurs aussi les mimosas - ne fait pas le printemps, un printemps ne fait pas l'année. Printemps, celui du 19 mai, Journée nationale de l'étudiant. Echos du beau chant patriotique Nahnou toulabou el djazaïr (nous, étudiants d'Algérie). Souvenir de la quête des étudiants en ce jour, à coups de pièces de monnaie, pour déposer, à la mémoire des étudiants martyrs, une gerbe de fleurs sur les marches de la Faculté centrale d'Alger. L'université était le centre nerveux de la vie culturelle avec ses débats passionnés, ses troupes de théâtre, ses cinéclubs, ses cercles de poètes… Elle est devenue un cloaque d'où parviennent des faits divers affligeants : un étudiant poignarde un autre, un agent de sécurité tabasse un professeur pour une histoire de gobelet de café… Alors que la vie culturelle avance quand même au dehors, l'université ressemble à l'orage qui abat les mimosas. Autre intempérie, cette nouvelle à confirmer. Quoi ? L'hôtel El Minzah, première œuvre de l'architecte Pouillon après l'indépendance aurait été détruit pour édifier un hôtel de 30 étages ? Une richesse reconnue mondialement et qui constituait une piste vivante de développement moderne de notre patrimoine architectural ! Espérons que ce soit un canular car sinon, là, le printemps serait vraiment zappé.