Quelles sont les clés d'un management par les compétences ? Pendant longtemps, les RH avaient surtout un rôle mécanique et administratif, qui s'est, entre autres, traduit par la GPEC, système lui aussi lourd et mécanique. Mais aujourd'hui, la rapidité des transformations de l'organisation exige un système plus souple, plus dynamique. Parallèlement, le manager est devenu une courroie de transmission essentielle entre la vision stratégique de sa direction générale et sa mise en œuvre par l'ensemble des équipes ; mais il est pris entre le marteau (l'exigence de performance) et l'enclume (le manque de temps). Son unique moyen de survie est de développer les compétences de ses équipes pour être en mesure de déléguer et de se consacrer aux tâches sur lesquelles sa valeur ajoutée est la plus importante. Première clé pour l'organisation : comment amener chaque manager à focaliser son temps et ses compétences au développement de ses équipes ? Cette question, si simple semble-t-elle, relève d'un vrai changement de paradigme et exige de la part de ce manager de se former, de s'outiller et surtout d'écouter. La deuxième clé est le management des compétences stratégiques de l'entreprise. Ces dernières sont le plus difficilement copiables, les plus fortes créatrices de valeur ajoutée comme de différenciation, et surtout elles évoluent dans le temps, et ce, de plus en plus vite. Prenons l'exemple des compagnies aériennes auxquelles, en toute première compétence, était demandé un transport des personnes en toute sécurité. Lorsque cette première exigence fut fiabilisée, la deuxième compétence développée fut la fiabilité des délais ; puis lorsque toutes les compagnies tinrent leur promesse de ponctualité, une nouvelle compétence fut développée, celle de la qualité des services sous l'impulsion au début des années 1990 par British Airways. Compétence suivante, celle d'assurer un hub au voyageur (ce qui fut la compétence clé qui fit qu'Air France redressa sa situation). Aujourd'hui, ces grandes compagnies développent leurs compétences clé sur des métiers fort éloignés de leurs métiers de base. Par leurs programmes de fidélisation, elles deviennent capables de gérer de larges bases de données, de nouer des partenariats avec d'autres entreprises, d'autres compagnies aériennes, de gérer des alliances stratégiques. Ces compétences stratégiques ne sont jamais stabilisées et l'essentiel est de savoir développer de nouvelles compétences clés pour anticiper et préparer le futur. Ce qui demande des investissements et des coûts importants, car il s'agit d'identifier les compétences stratégiques aujourd'hui comme celles qui le seront demain et mettre en place un process complet à la clé pour que la promesse soit tenue. Tel est l'objectif d'un management par les compétences. Quelle vision portez-vous aujourd'hui sur le management par les compétences ? Fort est de constater que les entreprises ont toujours privilégié les performances économiques aux performances sociales ; l'enquête Cegos sur le climat social montre que les salariés ont une piètre image de leur DRH, dont la tâche, selon eux, est d'optimiser les coûts de la masse salariale. La logique RH est encore et surtout économique. Apparaît alors une véritable dissonance : si la DRH représente les intérêts de l'entreprise, seul le manager peut légitimement assurer le pont entre le salarié et la direction générale. Or, ce manager est aujourd'hui asphyxié ; la situation actuelle est difficilement tenable. Elle ne peut pas durer.Nombreuses sont les entreprises qui prennent conscience de l'avantage compétitif que représentent les compétences managériales de leurs managers, - compétences qui ne s'improvisent pas - un excellent expert recevant des responsabilités d'encadrement, comme c'est encore souvent le cas, peut être un très médiocre manager ! Cette réflexion s'est soldée souvent par la création d'une université interne (à l'instar de Cegos qui a créé la sienne pour ses 80 managers dans le monde). Malheureusement s'observe également un vrai décalage entre ce que ces entreprises - par le biais de leur direction générale - pensent et ce que les salariés croient. Une récente enquête Cegos montre que ces derniers sont peu nombreux à pouvoir citer les enjeux prioritaires de leur entreprise, et que la majorité en ignore la stratégie. D'où la multiplication des baromètres de climat social qui illustrent la prise de conscience par la direction générale d'une divergence entre ce qu'elle demande et le réel alignement stratégique du reste des équipes. Elle se rend compte également du rôle de pivot que représente le management : recrutement, promotion, mobilisation et maintenant formation avec la mise en place du droit individuel à la formation. Quels sont les moyens à proposer à une direction générale ? Les directions générales doivent donc toutes prendre conscience de l'enjeu compétitif que représentent les compétences de leurs équipes et mettre en place le process efficaces à la clé, en se basant sur le management comme prescripteur et relais. Pour cela, elle a besoin d'outils adéquats, à commencer par des enquêtes et des benchmarks, qui lui permettent à un moment donné d'avoir une photographie fidèle de la situation ; puis des outils de type conseil l'amèneront à identifier toute divergence et incohérence entre des systèmes en place et les axes stratégiques de l'entreprise. Telle la rémunération, par exemple, qui est rarement alignée sur les enjeux stratégiques ! Troisième volet, la formation, surtout des managers, tout en demandant à la direction générale d'être en première ligne des cursus qui seront déployés. Pourquoi alors le management par les compétences n'arrive-t-il pas à se deployer ? Pour deux raisons aujourd'hui : le pivot essentiel, le manager, est surbooké et pense que le management par les compétences est avant tout un outil RH. Par ailleurs, la DRH a des problématiques lourdes à gérer, liées bien souvent aux difficultés de l'entreprise ; c'est à elle qu'échoit la gestion des licenciements, par exemple. Il lui est donc difficile d'avoir une cote populaire dans ce cadre. Elle est, elle aussi, asphyxiée par des tâches administratives lourdes, où elle a peu de valeur ajoutée. Or son repositionnement sur une fonction plus stratégique est absolument nécessaire, et exige donc l'externalisation de certaines tâches à faible valeur ajoutée. En France en particulier, le problème va être accru avec le DIF : passée la période de réflexion stratégique, la charge administrative sera énorme pour gérer le plan de formation de chaque personne sur 6 ans ! Je sens néanmoins une réelle montée en puissance du rôle stratégique des RH au sein des directions générales. Quand il ne fera aucun doute que performance économique et performance sociale sont intimement liées l'une à l'autre, même en situation de crise, le management par les compétences sera devenu un réel enjeu stratégique pour toute l'entreprise et ne sera plus uniquement un outil réservé aux RH.