Les plaintes ont fait l'effet d'une bombe dans les milieux oranais, où un grand nombre de personnalités ont été convoquées par les services de police. Cinq wilayas sont actuellement concernées par ce scandale, à savoir Tlemcen, Oran (port et aéroport), Alger (port et aéroport), Annaba et Béjaïa. Selon des sources au fait du dossier, les douaniers espagnols, qui après avoir informé la cellule du renseignement financier de leur pays, ont saisi leurs homologues algériens sur les sommes en liquide de plus en plus importantes déclarées une fois en Espagne. Entre 2007 et début 2009, les montants déclarés auraient atteint les 900 millions d'euros, investis en grande partie dans l'immobilier mais aussi dans le commerce. Ce qui a suscité l'inquiétude de la Douane espagnole, mais aussi de la cellule du renseignement financier, au point de faire un rapport détaillé comportant les noms des personnes ayant déclaré les fonds, sans présenter un avis de débit de banque et de le transmettre à leurs homologues algériens. Ce qui a poussé l'administration douanière algérienne à déposer plainte contre au moins une centaine de personnes. A Alger, 51 personnes sont citées, parmi lesquelles 40 ont débarqué en Espagne via l'aéroport et 11 via le port. Il s'agit, selon nos sources, d'une dizaine de commerçants du marché Meissonnier d'Alger-centre – dont un a déposé en un seul voyage la somme de 20 millions d'euros, mais aussi d'importateurs. L'instruction étant en cours, 11 mis en cause ont été frappés d'interdiction de sortie du territoire, mais l'un d'eux a créé la surprise en quittant le pays par le port d'Alger. Ce qui a valu à deux officiers de la police des frontières et quatre agents d'être relevés de leurs fonctions. A Oran, le scandale a fait tache d'huile du fait qu'il touche certains gros bonnets du milieu des affaires et celui de l'immobilier, mais aussi de par les sommes importantes transférées. Les services de police ont convoqué 42 personnes à la suite de la plainte déposée par l'administration douanière. Les montants, transférés en espèces via les aéroports de Tlemcen, d'Oran, et les ports d'Oran et de Ghazaouet, descendent rarement en dessous de la barre des 100 000 euros, et dépassent dans certains cas les millions d'euros. Certaines sommes ont été investies dans l'achat de villas et d'appartements dans le sud de l'Espagne, à la faveur de la crise économique qui a frappé de plein fouet le pays, faisant baisser considérablement les prix du marché immobilier. A Oran, faut-il le préciser, le scandale a suscité les plus grandes interrogations, mais surtout l'intérêt des services des impôts et de l'IGF, qui se sont succédé pour s'intéresser de près à l'affaire. En effet, l'une des personnalités citée dans cette affaire de transfert illicite, qui aurait déposé des sommes colossales dans les banques espagnoles – investies en grande partie dans l'immobilier – est très connue dans l'Oranie pour ses grands projets dans l'immobilier. Cet homme d'affaires aurait vendu ses produits à des prix ahurissants, souvent non déclarés, au point où l'inspection des impôts a fini par lancer une opération de vérification. De nombreux acquéreurs ont été convoqués ces derniers jours pour s'expliquer. Cette affaire risque de faire beaucoup de bruit, d'autant qu'elle pourrait entraîner dans son sillage de nombreuses hautes personnalités de l'Etat. Quelques-uns des mis en cause convoqués par la police, dans le cadre de l'affaire des transferts, se sont avérés être des « passeurs » payés par des industriels et des hommes d'affaires qui ont pignon sur rue. Services des douanes, de police et la justice sont actuellement concentrés sur le dossier qui s'apparente à un immense scandale de transfert de devises. Il n'est pas le premier, puisqu'il y a quelques mois, les autorités émiraties ont saisi les services des douanes algériens pour les informer de nombreux cas des transferts de devises, de plus en plus importants dans des cabas par des Algériens en provenance des ports et aéroports. Une délégation de l'administration douanière s'est même déplacée à Dubaï pour s'enquérir de la situation mais, à ce jour, aucune information n'a été donnée quant aux suites à donner à cette « évasion financière » qui s'apparente à une grande opération de blanchiment d'argent. Pour les spécialistes, la sonnette d'alarme est tirée…