C'est reparti. Comme en 1989 et 2001. L'Algérie se retrouvera dimanche 7 au stade Tchaker de Blida face à l'Egypte pour le compte de la 2e journée des éliminatoires combinées de la CAN et de la coupe du Monde 2010. Un derby pas comme les autres où la politique, les rancœurs, et l'histoire semblent toujours refaire surface. « L'équipe égyptienne aura beau faire un de ses plus beaux matches, elle aura beau avoir les plus belles occasions de jeu et garder le ballon le plus longtemps possible, la pression psychologique liée au malheureux passif des rencontres Algérie-Egypte est tel que malgré tout ça, elle pourra perdre. » Hichem Abou Hadid, chef de la rubrique sportive du quotidien égyptien Al Masry Al Youm, joint par téléphone, en a gros sur le cœur. Depuis quelques semaines, la tension monte autour du match de ce dimanche 7 juin qui se jouera au stade Tchaker de Blida. Car, pour la troisième fois dans l'histoire (1989, 2001, 2009), les Verts rencontrent les Pharaons pour un enjeu de taille : la qualification à la coupe du Monde de football. Et si quelqu'un venait à minimiser le face-à-face entre les deux pays, les médias seraient là pour souffler sur les braises. « Il faut lire les discours patriotiques (''devoir national'', ''honneur du peuple'', "sacrifice pour la patrie"…) de certains journalistes, s'insurge un confrère algérien, et la façon dont ces derniers décortiquent chaque déclaration de sportif pour y trouver de quoi alimenter la haine ! » Hazem Salah, journaliste à la rubrique sportive de l'hebdomadaire Al Youm al Sabî, reconnaît qu'en Egypte, « La presse joue parfois un rôle malheureux. On a par exemple prêté à Mido des déclarations anti-algériennes alors que les journalistes égyptiens avaient déformé ses propos. » Hichem Abou Hadid est plus radical : « La plupart des titres égyptiens parlent de la pression psychologique avant d'aborder les côtés techniques du match et en oublient presque les véritables enjeux de la rencontre. » Alors pourquoi tant de haine ? Parce que la politique déteint sur le sport, en particulier sur le foot. « C'est toujours comme ça, relativise Jean-Philippe Cointot, journaliste sportif à L'Equipe et spécialiste du football africain depuis 25 ans. On voit ça aussi entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Ou entre le Maroc et la Tunisie, l'Algérie et le Maroc. Ce sont des rencontres qui ne ressemblent plus à du sport. Dans le cas de l'Algérie et de l'Egypte, j'ai l'impression que c'est encore pire. Ce n'est pas chaud au niveau sportif, mais humain, social. Pourtant, en 1973, pendant la guerre contre Israël, les Algériens et les Egyptiens étaient ensemble ! » Un spécialiste algérien du football y trouve là une explication : « Les Egyptiens pensent qu'ils sont nos aînés parce qu'ils ont toujours été aux côtés de l'Algérie, en particulier pendant la guerre d'Indépendance. Pour résumer, ils ont développé un complexe de supériorité mais pas uniquement par rapport à l'Algérie, c'est vrai aussi pour tous les pays arabes. » La rivalité a donc d'abord commencé dans l'histoire : l'Egypte est un grand pays – les joueurs s'appellent tout de même les Pharaons… et veut le rester dans tous les domaines. « C'est une guerre de leadership née de la crainte des Egyptiens d'être évincés par l'Algérie qui reste à leurs yeux un petit pays colonisé », explique Saïd Benmadi, journaliste au quotidien sportif Compétition. « Pourtant, depuis l'indépendance, l'Algérie a formé des équipes qui l'ont propulsée parmi les équipes les plus redoutées sur la scène internationale », explique Djamel Touafek, rédacteur en chef du quotidien de Foot Maracana. Parce que les violences des matches précédents donnent de quoi alimenter les rancœurs. « Je me souviens d'un match absolument épouvantable en 1989 pour la qualification à la coupe du Monde en Italie, raconte Jean-Philippe Cointot. C'était un massacre sur le terrain, ça a dégénéré après le match, puis à l'hôtel. » « Le joueur algérien Lakdar Belloumi a été poursuivi pendant une vingtaine d'années par la justice égyptienne qui l'accusait d'avoir agressé un médecin égyptien ! », rappelle Saïd Benmadi. Depuis 1963, premier match entre les deux pays, les anecdotes ne manquent pas. « En 1978, à l'issue d'un match Libye-Egypte au stade du 5 Juillet, qui s'était terminé par des violences, la police algérienne était intervenue avec la matraque pour calmer les deux camps, se souvient un journaliste sportif. En réponse, l'Egypte a refusé d'affronter l'Algérie. Et je crois bien qu'en 1989, ils ont présenté une équipe B… Les Egyptiens ont le même tempérament que les Algériens. Ils n'aiment pas perdre et ne sont absolument pas fair-play… A chaque fois qu'une des deux équipes est reçue à l'extérieur, elle entend huer son hymne national par les supporters adverses ! » Dernier clash en date : 2001, pour les éliminatoires de la coupe du Monde. « L'Egypte jouait à Annaba mais sa qualification dépendait du match qui se jouait entre la Namibie et le Sénégal. Les supporters algériens scandaient : "Sénégal ! Sénégal ! Sénégal !" et c'est le Sénégal qui est parti en Corée. ça, les Egyptiens ne l'ont jamais digéré. Autant dire que cette histoire risque fort de remonter à la surface… » LamiaTagzout , Adlène Meddi, Mélanie Matarese