Perché sur le flanc sud des Aurès et surplombant une palmeraie de plusieurs milliers d'arbres, de vergers et de maraîchers familiaux produisant dattes, abricots, grenades, olives et bon nombre de légumes, Béni Souik est un hameau ancestral de quelque 4 000 habitants dépendant de la commune de Djemorah, se trouvant sur la RN87 à environ 50 km au nord du chef-lieu de la wilaya de Biskra, où «le vent du développement ne semble pas vouloir souffler», ironisent des jeunes habitants qui ajoutent sans ambages: «Il n'y a rien ici. Même le stade de football a été aménagé sur un terrain en pente. Personne ne peut y jouer sérieusement sans se déchirer les genoux. Si au moins, on pouvait utiliser nos portables, la vie serait plus supportable! Pour nous, l'été c'est l'ennui et l'attente de sa fin.» L'office local de promotion du tourisme a décelé des potentialités indéniables de développement des activités culturelles, commerciales et touristique dans cette localité que ses jeunes rêvent de quitter pour aller grossir les rangs des citadins. Elle est dotée, en termes d'infrastructures de base, d'une mosquée, d'une école primaire, d'un dispensaire de santé de proximité et d'un container aménagé en buvette près d'une source d'eau limpide et fraîche, en bordure de route, où des dizaines de gens viennent siroter un thé ou boire un jus et passer un moment agréable, puis repartir avant la tombée de la nuit laissant les Souikis à leur vie rudimentaire. Pas de gaz de ville, pas de bureau de poste, ni de représentation de l'administration communale, pas de transport en commun ni de réseau téléphonique, pas de maison de jeunes ni de bibliothèque. L'avenir dont ils rêvent ne leur semble pas pouvoir se concrétiser dans leur douar natal où subsistent ceux qui ne peuvent pas partir. «Construire ailleurs» est, en effet, la solution prônée par plusieurs d'entre eux, dont les fils et les filles travaillent et habitent tous à Biskra et à Hassi Messaoud et «qui reviennent de moins en moins souvent nous voir», se plaint un vieil homme, montagnard en gandoura blanche et chèche jaune, ne comprenant pas une telle désertion des plus jeunes générations. Djahid Meddoura, jeune de la région et activant dans le secteur du tourisme, estime que le seul problème est l'absence d'une structure d'accueil pour les visiteurs et d'une publicité professionnelle pour ressusciter Béni Souik. Il est certain que des milliers de touristes nationaux «et pourquoi pas de l'étranger» seraient vivement intéressés par un séjour à Béni Souik, qui présente l'apparence d'un éden propice au repos et où le calme des lieux, l'harmonie des couleurs bleu du ciel, vert de la végétation luxuriante et du rouge et ocre des montagnes argileuses, déteignant en profonde sérénité et en humilité naturelle sur les habitants et inspirant la paix et la méditation, sont des atouts pour faire de Béni Souik un pôle touristique florissant. «Cette région est riche par son histoire, la composante de sa population, ses sites archéologiques et ses jardins verdoyants irrigués par des seguias où l'eau gazouille en permanence. Mais, elle est méconnue, car depuis des années, elle a été escamotée des circuits touristiques et des dépliants des voyagistes pour des raisons bien connues. Nous voulons participer à faire revivre notre village, à le faire connaître et à y vivre décemment comme tout Algérien aimant la terre de ses ancêtres. Le tourisme est un créneau qui offre des possibilités certaines, à condition que les pouvoirs publics agréent notre démarche», ajoute notre guide qui se dit encouragé par la réfection de la RN87 reliant le village à Biskra et à Batna via Menaâ et Theniet El Abed, laquelle «aura des effets bénéfiques sur le village qui demeure à découvrir». Béni Souik, «ayant résisté aux outrages du temps et des hommes mérite d'être promue ZET», plaide notre interlocuteur. Ce village méconnu, recelant d'inestimables vestiges archéologiques: thermes, silo à grain, cimetière antique, aqueduc et guérîtes de surveillance, d'anciennes maisons typiques de la région, bâties en torchis, mortier de terre grasse et de foin et de sections verticales de stipes et de palmes, où l'art architectural et décoratif arabo-berbère s'exprime pleinement, est un joyau en mal d'affinage.