Elle remet en cause des principes fondamentaux de l'économie de marché comme l'autonomie de gestion des entreprises publiques économiques ayant le statut de société par actions (cas des banques auxquelles on interdit de pratiquer certaines formes de crédits), l'obligation de résultats (cas des EPE insolvables dissoutes que l'Etat a décidé de remettre sur selle) et la commercialité (cas de l'obligation de consommer en priorité des produits locaux sans référence au rapport qualité-prix). C'est toute la philosophie des réformes économiques de 1988 qui est ainsi battue en brèche, déviant du coup le cap de la transition à l'économie de marché. La liberté d'investir instaurée par la loi sur la monnaie et le crédit, plus tard consolidée par les diverses ordonnances portant promotion de l'investissement est, elle aussi, compromise par certaines dispositions de cette loi de finances complémentaire, imposant aux investisseurs et importateurs étrangers de s'associer avec des partenaires algériens dans des conditions pour le moins inacceptables pour des promoteurs ayant un large éventail de choix de placement dans les nombreux pays en quête d'IDE. De telles dispositions, édictées sans concertation préalable avec les experts et les opérateurs économiques concernés, ne serviront en réalité qu'à faire fuir les investisseurs étrangers qui redoutent par dessus tout l'instabilité juridique et l'absence d'un Etat de droit capable de les prémunir contre les dérives des autorités en place. Plus grave encore, il y a dans cette loi de finances complémentaire matière à paralyser toute une économie en raison de l'absence de textes d'application pour toute la batterie des nouvelles dispositions qu'elle introduit. La loi de finances en question renvoie, tenez-vous bien, à 33 textes d'application (décrets exécutifs, arrêtés, règlements, circulaires d'application) qu'il faudrait rapidement promulguer pour la rendre applicable. Connaissant la lenteur des ministères concernés à produire des textes d'application qui doivent pratiquement tous passer par le secrétariat général du gouvernement constamment encombré, il ne faut surtout pas espérer que ces directives soient promulguées de sitôt. On a encore en tête l'ordonnance sur la privatisation promulguée en 1997 avec 25 textes d'application en attente de publication, qui fut abrogée 5 années plus tard avec seulement 4 décrets d'application publiés. Faute de textes d'application, les investisseurs, les entreprises et les banques sont tenues d'attendre, toutes affaires cessantes, leur promulgation pour prendre en charge les activités régies par ces nouvelles dispositions de la loi de finances. L'immobilisme qui a déjà fait beaucoup de mal à notre économie est, par conséquent, appelé à sévir encore plus, avec pour résultats de nets reculs en matière d'investissement, de croissance industrielle et d'approvisionnement des usines et des chantiers de construction. La situation de «wait and see» que suscite cette loi de finances complémentaire de par sa forme et son contenu est, en effet, de nature à contraindre les promoteurs à différer, pour ne pas dire annuler leurs projets d'investissement et les importateurs à réduire par prudence le volume des marchandises. Le pays s'achemine de ce fait vers de graves pénuries touchant un très large éventail de marchandises. L'encombrement des ports en raison d'une décision ministérielle irréfléchie (obligation du certificat de qualité pour toutes marchandises importées sans créer les conditions de mise en œuvre de l'instruction) aggravera encore davantage ces pénuries qui ont, du reste, déjà commencé à affecter de nombreux produits.