En effet, l'ouverture du marché algérien au marché mondial aurait pour effet négatif, si elle n'était pas régulée de manière rigoureuse et prudente, un afflux de marchandises de toutes origines, inondant le marché national de produits de qualités diverses ayant pour conséquence des effets désastreux, notamment sur un consommateur pas toujours bien informé, et parfois contraint par un pouvoir d'achat limité. L'intérêt particulier que porte le consommateur algérien aux produits de haute technologie, comme par exemple la téléphonie mobile, est certain, et les besoins sans cesse croissants en biens d'équipements divers, notamment pour le développement de l'industrie nationale, sont évidents, mais cet engouement patent n'est pas sans risques. Par ailleurs, la crise financière mondiale a eu des répercussions et perturbations importantes sur les marchés mondiaux, et a eu singulièrement pour conséquence, une hausse de l'inflation et l'augmentation significative des prix des produits de large consommation, ouvrant ainsi la voie à certaines pratiques déloyales, notamment sur le marché algérien. C'est dans ces circonstances, et dans la perspective de concilier ces objectifs socioéconomiques de développement national, avec les engagements internationaux par le biais d'adhésion à des organisations mondiales et conventions internationales, et de les accorder avec les enjeux politiques de tous bords, que l'Algérie souhaite affûter son arsenal juridique. Une année de réformes législatives marquant l'intérêt et la nécessité de protéger le marché algérien Depuis la loi 89-02 relative aux règles générales de protection du consommateur, le pays s'est doté de tout un panel de lois, décrets et ordonnances, partant des conditions d'exercice des activités commerciales, en passant par la normalisation et le contrôle ; mais ces différents textes n'ont pas toujours suivi la cadence des changements économiques nationaux, et des bouleversements du commerce et de l'économie mondiale. En effet, l'introduction en Algérie de nouveaux produits et techniques bancaires, tels que le prêt à la consommation, l'émergence de moyens de marketing et de communication persuasifs, en passant par le développement fulgurant des technologies de toutes sortes, ont abouti au constat qu'une mise à niveau de la législation était inéluctable. Il est ainsi intéressant de constater que ces derniers mois auront été marqués par plusieurs dispositions législatives substantielles, afin de s'adapter aux nouvelles donnes du commerce mondial. En effet, outre la loi 08-13 du 20 juillet 2008 relative à la protection et à la promotion de la santé, la loi 08-12 du 25 juin 2008 modifiant et complétant l'ordonnance n°00303 de juillet 2003 relative à la concurrence est intervenue, et plus récemment la loi n° 09-03 du 25 février 2009 relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes, celle-ci tout juste précédée du décret n°09-65 du 7 février 2009 fixant les modalités particulières d'information sur les prix applicables à certains secteurs d'activités ou à certains biens et services spécifiques. La loi 08-12 relative à la concurrence applicable aux activités de production, de distribution et de services, y compris l'importation, arrive à point nommé. Destinée à remédier à la concurrence déloyale à laquelle font face bon nombre d'opérateurs économiques nationaux et étrangers, elle se voit en effet dotée d'un champ d'application étendu aux associations et corporations professionnelles, quels que soient leur statut, leur forme ou leur objet. La nouvelle loi sur la concurrence est aussi applicable aux marchés publics, sous réserve que cela ne remette pas en cause l'accomplissement de missions de service public, ou l'exercice de prérogatives de puissance publique. La liberté des prix, par le truchement de la concurrence, est aussi un principe consacré par la loi 08-12, mais le principe économique de l'état interventionniste subsiste, puisque la loi permet désormais à l'Etat, sous certaines conditions, de fixer par des dispositions réglementaires mesurées et exceptionnelles, le prix de certains biens et services considérés stratégiques, protégeant ainsi les consommateurs contre des perturbations substantielles du prix de certaines denrées alimentaires, comme le blé, la semoule ou la poudre de lait. Le soutien mesuré de l'Etat dans la régulation du marché est important en ces temps de crise, dans la mesure où il est fait parfois appel à des pratiques commerciales critiquables qui vont à l'encontre des intérêts et des droits des consommateurs. La protection du consommateur passe notamment par le renforcement des obligations des opérateurs économiques. Le décret exécutif n°009-65, adopté récemment, consacre les principes de transparence et de loyauté applicables aux pratiques commerciales réalisées entre les agents économiques et les consommateurs ; il est fait, par exemple, obligation aux opérateurs d'informer leurs clients sur les prix, les tarifs et les conditions de vente et services et ce, par voie de marquage. d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié. Il est aussi apporté par ce texte des précisions sur les modalités d'information en citant les supports télématiques, audiovisuels, téléphoniques, panneaux électroniques, catalogues ou autres prospectus ; la langue arabe étant un outil obligatoire, mais non exclusif. Cette obligation d'information incombant à l'opérateur ne se limite pas au prix, mais concerne aussi les caractéristiques du produit ou service, les conditions de vente pratiquées, ainsi que les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle de la vente ou de la prestation ; les obligations des intervenants dans le processus de mise à la consommation, notamment celles relatives à l' information du consommateur, se voient donc être renforcées. La loi 09-03, remplaçant la 89-02 sur la protection du consommateur, intervient notamment pour entériner cette obligation d'information et ce, par de nouvelles mesures en corrélation avec l'état actuel du marché algérien et ses difficultés, tous secteurs d'activités confondus. En effet, l'information du consommateur, singulièrement par les associations de protection du consommateur, apparaît aux pouvoirs publics comme une priorité face aux diverses dérives constatées. La nouvelle loi reconnaît ainsi le poids du mouvement en la matière, et étend ses droits : celui-ci peut dorénavant se constituer partie civile et a la possibilité de recourir à l ‘assistance judiciaire. L'introduction de produits contrefaits, la distribution de produits ne répondant pas aux normes internationales, notamment les Codex Alimentarus adoptés par l'Algérie, la falsification des étiquetages dont l'objet est de donner une information fiable sur la composition du produit par exemple, sont autant de pratiques auxquelles les nouvelles mesures ont prétention à combattre. Désormais, il est mis le point sur l'importance d'assurer la sécurité des produits distribués qui ne doivent en aucune façon porter atteinte à la santé, à la sécurité et aux intérêts du consommateur ; les produits contrefaits sur le marché ne répondent pas aux caractéristiques requises, alors que le consommateur est légitimement en droit d'en attendre une conformité en adéquation avec ses attentes et ses besoins. L'obligation de sécurité trouve dans le texte de loi des obligations connexes comme celles relatives à la conformité du produit, et des règles entourant l'hygiène, la salubrité et l'innocuité des denrées alimentaires. L'obligation de garantie et du service après-vente est aussi une nouveauté dans la loi qui intervient pour réguler, notamment dans le secteur automobile et des services. Les clauses de non-garantie restent prohibées, comme cela était prévu dans l'ancienne loi sur la consommation de 1989, le droit à l'essai du produit acquis, son remplacement, sa réparation ou son remboursement pendant le délai de garantie sont autant de droits garantis par la loi 09-03. Il est à regretter, cependant, que la nouvelle loi n'apporte pas plus de précisions sur la notion de conformité du produit ou service, des critères et paramètres de définition de la durée des garanties, et l'absence d'une interdiction législative sur l'aménagement conventionnel des garanties et leur prescription. Prévention et contrôle en amont, sanctions judiciaires et administratives en aval La question du Conseil national pour la protection du consommateur créé en 1992 par le décret 92-272, mais qui n'a jamais eu d'activité réelle, est de nouveau d'actualité, la loi 09-03 y faisant référence en indiquant que celui-ci émet son avis et propose des mesures qui contribuent au développement et à la promotion de politiques de protection du consommateur, mais aucune attribution nouvelle n'est cependant octroyée. Pourtant, une participation du comité dans les actions de conciliation entre les acteurs du circuit de consommation ou la contribution au contrôle aux côtés des organes habilités pourrait être une mesure dont les effets ne seraient pas négligeables. Le contrôle et la prévention sont un pilier central de la nouvelle loi, des prérogatives étendues sont réservées aux agents de contrôle et aux laboratoires de la répression des fraudes en amont, et aux experts désignés par la juridiction compétente en aval. Les agents de contrôle sont dotés, par exemple, du pouvoir de prendre toute mesure conservatoire visant la protection de la santé, de la sécurité et des intérêts du consommateur ; le refus temporaire ou définitif d'admission aux frontières d'un produit importé, la consignation d'un produit reconnu non conforme par l'administration chargée de la protection sont autant d'attributions consacrées par la loi 09-03; il restera encore à doter ces agents de moyens matériels suffisants pour faire application de toutes ces prérogatives. La nouvelle loi prévoit aussi, à côté des mesures de prévention et de contrôle, tout un ensemble de sanctions aux infractions et fraudes désignées, sans renvoi vers les dispositions du code pénal. Ainsi, les peines de prison et les amendes sont révisées à la hausse ; d'autres mesures sont aussi prévues, telles que la saisie, la destruction des biens et l'amende transactionnelle contre toute personne qui trompe ou tente de tromper le consommateur, par quelque moyen que ce soit, notamment sur la quantité et qualité, les dates ou durées de validité, les modes ou précautions à prendre pour l'utilisation des produits livrés. Des mesures administratives pour accompagner l'arsenal juridique Outre les textes législatifs, des mesures administratives ont effectivement été adoptées, la création par exemple d'un numéro d'identifiant fiscal (NIF) a permis de répertorier et distinguer les divers opérateurs intervenant dans la sphère économique et commerciale. La Banque d'Algérie exige que les sociétés d'importation justifient de la carte fiscale ainsi que la présentation de plusieurs documents de certification à diverses étapes du processus d'importation, comme par exemple le certificat de contrôle de qualité, le certificat d'origine et le certificat phytosanitaire pour tout produit agroalimentaire. Enfin, les nouvelles mesures sur la protection du consommateur se veulent novatrices et relativement plus complètes que les précédentes répondant aux nouvelles mutations économiques locales et régionales, il reste encore à savoir si toutes ces mesures législatives et administratives seront accompagnées des ressources humaines et financières nécessaires pour les mettre en application. Il sera, par ailleurs, nécessaire en pratique, de constater si ces nouvelles mesures suffiront pour faire face à toutes les difficultés pratiques que l'administration rencontre sur le terrain. La lutte contre la contrefaçon et le commerce parallèle, l'absence de facturation systématique sont autant de chantiers auxquels il faut continuer à apporter des mesures, afin d'en supprimer les effets défavorables sur le consommateur. Avocat associé Lefèvre Pelletier & associés