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Quid de l'efficience des entreprises à capitaux publics
Publié dans El Watan le 27 - 02 - 2010

Cet article a pour premier objectif d'attirer l'attention sur les échecs répétés des explications et tentatives de solution en matière d'inefficience des entreprises à capitaux publics. Le second objectif est de transmettre un message aux décideurs relatif aux explications et éléments de solution qui ont fait l'objet d'études scientifiques, qui ont été validés et définitivement admis par la communauté internationale des chercheurs en sciences du management.
Dans cette perspective, il convient d'admettre le constat d'échecs répétés des entreprises à capitaux publics, quelles que soient leurs dénominations, entreprises «socialistes», «nationales», «publiques économiques» et leurs statuts successifs, «EPIC», «SPA», «SARL», «d'EMIC», «Holding», «Sociétés de Gestion des Participations de l'Etat», etc.
Les «Sociétés économiques de développement», «Sociétés de Promotion Industrielle» et «Sociétés de Promotion des Partenariats», d'un récent projet de énième redéploiement du secteur public marchand, seront certainement vouées à un échec. Ces échecs se sont toujours traduits par une incapacité de toutes ces entreprises :
– à accéder à la maîtrise technologique, malgré les marchés avec les étrangers, dits «avec transfert de technologie» ;
– à satisfaire le marché national, pourtant longtemps protégé par le passé, «les importations sont la règle» ;
– à être concurrentiel, à s'adapter aux évolutions de l'environnement économique. «Les entreprises publiques sont restées sur les mêmes produits, sous les mêmes modèles et la même présentation pendant un demi-siècle» ;
– à retenir les compétences humaines nationales, «qui privilégient l'exil» ;
– à s'adapter aux évolutions technologiques, «la doctrine de mise à niveau confirme l'obsolescence des process de production» ;
– à être efficiente malgré des associations avec des sociétés étrangères ;
– à attirer des partenaires/associés étrangers sérieux, «alors que nos proches voisins ont réussi à capter les délocalisations européennes industrielles» ;
– à dégager des capacités d'autofinancement.
Force est de constater que du fait de ces multiples incapacités, la majorité des entreprises à capitaux publics ont été chroniquement déficitaires depuis leur création, avec des endettements successifs et excessifs, régulièrement assainis par le Trésor public, donc au détriment de l'amélioration des conditions de vie collectives de la majorité de la population (voirie, AEP, assainissement, électrification, gaz, soins de proximité, assistance sociale, sports de masse, espaces verts, formation de reconversion des chômeurs, etc.).
Pour employer une métaphore, à l'image d'un célèbre hold-up sur l'épargne des institutions publiques, ces assainissements ont été un hold-up sur le budget national, au profit d'une gabegie stérile collatérale à la mauvaise gestion et au profit des mauvais gestionnaires, de leurs protecteurs et des personnels «dont les emplois ont été maintenus en sureffectif, en l'absence de productivité et malgré des activités déficitaires chroniques».
Parmi les facteurs explicatifs de ces échecs successifs, la cooptation/recrutement/nomination, fondée sur des critères autres que la compétence, l'intégrité, l'investissement personnel et la performance, est la première qui vient à l'esprit.
Cette pratique de la cooptation s'est révélée la principale génitrice de la démotivation, l'incompétence, la corruptibilité et l'irresponsabilité, qui ne sont pas, par nature, les caractéristiques d'un système de gestion viable. Leurs résultats inéluctables ont été les échecs, les faillites, les assainissements successifs et les changements de dirigeant, avec finalement un démembrement massif, des liquidations et des privatisations d'entreprises communales, de wilayas et nationales.
Ce démembrement a eu pour résultat l'aggravation de la destruction des capacités productives nationales et l'envahissement du marché national par les importations, y compris des travailleurs (chinois, égyptiens et autres…), des idées (bureau d'études, d'audits, de conseils, de certification, d'évaluation, d'assistance à la mise à niveau, etc.) et des produits low-cost de mauvaise qualité, parfois dangereux.
Au regard de tout ce qui précède, la conclusion qui s'impose est que :
– le diagnostic des causes profondes de l'échec a été insuffisant, voire erroné ;
– les solutions apportées par l'administration, non seulement se sont révélées inefficaces, mais bien au contraire ont aggravé le mal et conduit à la faillite de tous les secteurs productifs nationaux (industrie, agriculture, pêche, tourisme).
Cette faillite a eu pour conséquence une mainmise directe et indirecte des intérêts étrangers sur les activités et les ressources économiques de notre pays (y compris les ressources humaines), sans occupation territoriale et sans recours à des forces armées coloniales ;
– une minorité dont les intérêts sont liés aux intérêts étrangers s'est développée et a consolidé ses positions à l'intérieur et en périphérie de l'administration et des entreprises publiques.
La cooptation n'étant qu'un phénomène induit, il est essentiel d'éviter le piège de la confusion entre les causes fondamentales, celles qui sont à l'origine de tous les maux et les causes induites.
Dans cet esprit, il convient de se référer aux enseignements des sciences économiques, managériales et comportementales en matière d'impact de la propriété publique exclusive sur le comportement des dirigeants et au-delà sur l'efficience des entreprises.
La théorie des droits de propriété «Propriety right», vérifiée et validée, entre autres aux USA, en Australie, en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne, depuis les années 70, a conclu aux principes suivants qui peuvent s'assimiler depuis leur validation à des lois naturelles, à l'image de la bien connue loi naturelle qui veut que «les mauvaises herbes chassent les bonnes», ou que «la mauvaise monnaie chasse la bonne»
1ère loi : l'être humain, qualifié pour la circonstance «d'homo economicus», est un individu rationnel qui agit de sorte à maximiser la satisfaction de ses besoins (selon l'échelle de Maslow : survie, sécurité, confort, convivialité, estime de soi, reconnaissance par les autres, accomplissement personnel, réputation, domination, etc.) (en langage populaire, il recherche son intérêt personnel), quel que soit le système dans lequel il est placé et ce, en utilisant à son profit les contraintes et les opportunités inhérentes à la nature du système (socialiste, communiste, capitaliste, protectionniste, théocratique, dictatorial, démocratique, etc.).
2e loi : plus grandes sont les organisations (grandes entreprises ou groupes), plus grande sera la distance entre le détenteur des droits de propriété et les acteurs de l'organisation (entre les actionnaires et les PDG, DG, cadres et personnels de l'entreprise privée), (entre le citoyen propriétaire du secteur public et l'état mandant du citoyen et les cadres fonctionnaires de l'entreprise publique), et donc plus faibles seront les possibilités de contrôle et de sanction.
3e loi : le contrôle et la sanction par le marché, la bourse des actions et le marché (informel très discret et confidentiel) de la cotation des dirigeants d'entreprises sont plus efficaces que les contrôles administratifs institutionnels. Les administrateurs de tutelles, les gestionnaires, les cadres et personnels sont au centre de la conjonction et de la synergie de ces trois lois, de la manière suivante :
– dans les économies modernes, les actionnaires, individus rationnels très sensibles à leur enrichissement personnel grâce aux plus-values boursières et à l'encaissement périodique des dividendes, disposent d'un moyen efficace et imparable de contrôle et de sanction de l'efficience des gestionnaires. Ils disposent d'un droit de vote qui, bien utilisé, leur permet le choix ou le renvoi de leurs représentants au conseil d'administration. Et quand cela ne suffit pas, ils peuvent par la vente en masse de leurs actions pour préserver leur capital, non seulement faire tomber l'entreprise mal gérée, mais redéployer leur investissement au profit de sa concurrente mieux gérée.
Les administrateurs élus par les actionnaires, mais qui sont aussi détenteurs d'actions au titre des stocks-options et donc très motivés par leur enrichissement personnel, contrôlent la gestion des dirigeants qu'ils ont désignés grâce à la valeur boursière, aux rapports du commissaire aux comptes, aux audits ponctuels et aux bilans annuels des entreprises. En cas d'insuffisances des performances ou de mauvaises gestions, les administrateurs sanctionnent par le renvoi des dirigeants des entreprises et récompensent les meilleurs gestionnaires sur le marché des managers en faisant grimper leur cote, par la loi de l'offre et de la demande, en leur offrant des niveaux de rémunérations de plus en plus élevés.
– Les dirigeants des entreprises sont aussi très motivés par leur enrichissement personnel grâce aux stocks-options, à leur rémunération fixe issue de leur cote sur le marché des managers et à leurs rémunérations variables liées aux performances réelles de l'entreprise qu'ils gèrent.
Ils exercent leur contrôle, entre autres, par le suivi permanent et sans complaisance des différentes performances et évolutions de l'entreprise par l'audit interne permanent, par la valeur boursière de leurs stocks options personnelles et par les résultats en termes de bénéfices qu'ils peuvent s'octroyer dans la part variable de leur salaire. Ils sanctionnent les cadres et personnels de l'entreprise par des mesures positives (primes, bonus, participation aux résultats, formations/promotions, stocks-options) et par des mesures négatives, généralement le licenciement pur et simple, plus ou moins facilité par la législation nationale (aux USA, on pratique des licenciements-minute).
– En l'absence de contrôle et de sanction par le marché, l'état «mandataire» des citoyens «propriétaires» ne disposent que des seules Cour des comptes, Inspection Générale des Finances, Conseil des Participations de l'Etat et administrations de tutelles, structures administratives qui en théorie contrôlent les entreprises publiques, mais qui en réalité souffrent de nombreux maux qui rendent leurs actions insuffisantes, dérisoires, voire totalement inopérantes. A l'image des gestionnaires publics, les contrôleurs, inspecteurs et responsables des institutions administratives de contrôle, n'étant pas propriétaires (détenteurs d'actions), n'en ont ni la motivation ni le pouvoir, ceci sans tenir compte de leur totale absence d'indépendance institutionnelle et matérielle.
En conclusion, dans le système actuel, les dirigeants, les cadres et les personnels, sont libres, conformément aux trois lois pré-citées, de «privilégier la recherche de leurs intérêts personnels de toutes natures, au détriment de l'intérêt des citoyens algériens propriétaires égaux des entreprises publiques», d'autant qu'ils y sont incités par le système qui ne leur offre aucune voie d'enrichissement légal par leur travail, leur investissement personnel et leurs performances, qui réduit leurs capacités de contrôle et de sanction à une peau de chagrin et qui leur prescrit la préservation des apparences de paix sociale, au détriment de l'efficience. Les citoyens propriétaires sont non seulement trop loin des acteurs de l'administration de tutelle et de l'entreprise, mais ne disposent d'aucune voie de recours et de contrôle et d'aucun pouvoir de sanctions de ces acteurs. La démocratisation et la «prolifération de la corruption sont la conséquence et le symptôme le plus médiatique des effets pervers des contraintes et des opportunités de ce système de fonctionnement.
Les déclarations de patrimoine, les observatoires et les scoops médiatiques ne changeront rien aux métastases généralisées du cancer de la corruption et à l'inefficacité des contrôles, en l'absence d'un changement fondamental du système.
N. D. : Economiste


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