Les conférenciers insistent à juste titre sur le poids de l'information dans la compétitivité des entreprises et des nations. La vaste majorité adhère. Le débat tourne sur le comment, les outils, les schémas et le type de management du changement qu'il convient d'instaurer. Tout est pour le mieux, sauf que les mutations seront beaucoup plus lentes que celles des pays voisins et qu'on répètera l'année prochaine les mêmes vœux et les mêmes litanies. En réalité, on sait pourquoi et avec beaucoup de bonnes volontés et en mobilisant des ressources énormes on peine à faire un usage satisfaisant des TIC et les intégrer dans les Systèmes d'information de gestion (SIG). Lorsque les systèmes d'incitation et les mécanismes mis en place sont approximatifs, il est à craindre que même d'énormes ressources mobilisées induisent des résultats insignifiants. L'information : Capital Intangible des entreprises L'information serait le second facteur-clé de réussite des entreprises et des nations. Cet avis est partagé par la vaste majorité des spécialistes. Il n'y a que le management de l'intelligence humaine qui lui ravit la première place. L'information est la matière première des décisions stratégiques et opérationnelles. Elle constitue un capital intangible d'une importance vitale. Sa nature immatérielle réduit sa portée aux yeux de nombreux décideurs. Il est alors difficile de lui consacrer les ressources et le temps nécessaires pour son développement. Lors de nombreux diagnostics effectués auprès d'entreprises algériennes, nous avons constaté que les ressources octroyées au développement humain (formation) et à la collecte d'informations externes sont insignifiantes. Alors que nous sommes en processus d'amélioration de notre compétitivité, voilà qu'on investit beaucoup moins que nos concurrents actuels et/ou potentiels dans les emplois les plus productifs. Cette situation explique pourquoi la mise à niveau tarde à produire des effets escomptés. Ce sont les ressources humaines qui produisent, innovent, vendent, accueillent, assurent les services après-vente, etc., leur qualification est très souvent synonyme de haute performance.Les SIG constituent depuis de nombreuses années une discipline à part entière. Elle s'enseigne et se pratique par ses propres spécialistes et se distingue et du management et de l'informatique (computer science). Il ne faut pas confondre les TIC des systèmes d'information. Les TIC sont l'outil, le véhicule par lequel les flux d'information sont acheminés aux structures et aux personnes choisies. Bien intégré dans un SIG performant, les TIC peuvent contribuer à améliorer les performances internes. Une étude intéressante sur les liens entre utilisation des TIC et performance des PME algériennes, d'un chercheur algérien, Aziz Nafa, du Cread sur un échantillon important de PME, a été publiée par notre confrère Le Maghreb du 9 novembre 2010. L'auteur calcule que 63% des PME qui font bon usage des TIC ont une progression satisfaisante de leurs performances contre 37% pour celles qui n'en disposent pas. Quelques insuffisances Il est intéressant de noter que certaines règles de gestion bien codées par des spécialistes améliorent grandement les performances des systèmes d'information des entreprises. Une analyse des pratiques de nos PME/PMI et même de nos grandes entreprises montre que c'est le non-respect de ces principes qui sont les causes majeures des difficultés que l'on rencontre dans ces domaines. Nous pouvons citer uniquement les raisons majeures, excluant ainsi toute prétention à l'exhaustivité : 1. Ressources suffisantes : généralement, les systèmes d'information sont plutôt embryonnaires. On se contente surtout d'assurer l'information légale (comptabilité) et quelques bribes du reste ; donc on alloue des ressources insuffisantes pour moderniser le système d'information. Les dépenses effectuées vont surtout accumuler du matériel informatique (hard). L'investissement dans le soft (intangible) est en dessous des normes du management des systèmes d'information ; 2. Ancrer la décision dans l'information : la culture intuitive continue d'être dominante. Même si les progrès ont été faits dans ce domaine, la plupart des décisions sont prises avec des données et des informations nettement insuffisantes. Le gestionnaire puise dans ses intuitions ce qui lui manque, mettant parfois en danger son entreprise. Une intuition est parfois bonne, mais souvent dangereuse. Dès lors qu'on ne la complète pas par des données et des schémas d'analyse qui nécessitent des flux d'information précis, on s'expose à de graves dérives ; 3. Avantager l'information externe : le peu d'informations qui circulent sont d'ordre interne : stocks, paye, comptabilité, ventes, etc. Plus de 90% des ressources sont dirigées à cette fin, alors que les véritables opportunités sont à l'extérieure. Durant les années quatre-vingt-dix des entreprises tunisiennes de textiles avaient procédé à l'analyse de la compétition internationale (Chine, Inde, etc.). Ceci avait permis leur restructuration et leur redéploiement vers le moyen et le haut de gamme. Elles n'ont pas subi les lourdes pertes et les faillites qu'ont supportées les nôtres. Au contraire, la plupart ont prospéré. Le secteur dégage un excédent net pour la balance des paiements. Elles ont sauvegardé l'emploi et le secteur. Nos entreprises n'avaient pas analysé à temps les données et les informations externes qui les concernaient. Leur système d'information était surtout axé sur l'intérieur ; 4. Adapter l'information aux décideurs : Parfois on reproduit tel quel les logiciels achetés de pays étrangers sans pour autant les adapter à la réalité de l'entreprise et ses dirigeants. Dans une PME ou le premier responsable n'a pas eu le privilège de faire des études secondaires, on continue à lui transmettre des données qui incluent le système d'analyse de «Dupont». A quoi sert une information peu comprise par celui qui déciderait sur sa base ? 5. Eviter de surcharger les systèmes d'information de données peu pertinentes. Il est intéressant d'inclure une certaine ouverture du système à tous les membres de l'entreprise afin d'induire une participation et un échange optimal. L'usage des TIC dans ce domaine est très utile. Le personnel peut donc être interconnecté et l'information circule dans tous les sens. Mais le danger serait de surcharger le système et induire des flux de données et d'information peu pertinents aux activités managériales. Il faut cependant préciser que ce problème se pose surtout pour les pays développés. La littérature sur les SIG abonde sur les surcharges d'information. Nous avons là un échantillon de principes auxquels il convient de s'adresser lors de la conception d'un système d'information de gestion. Leur respect ne garantit pas le succès en dehors de toute considération. Il y a bien de nombreuses autres carences à éviter. Cependant, je pense que nous avons là les principales lacunes qui plombent les SIG de nos entreprises. Conclusion L'urgence en termes de SIG serait de prendre conscience que l'information est un facteur-clé de succès aussi bien pour les décisions stratégiques qu'opérationnelles. A partir de là, nous devons lui consacrer les ressources suffisantes pour construire un système fiable et efficient. Les normes en matière d'affectation des ressources (en % du chiffre d'affaires) varient d'un secteur à un autre, pour cela, il ne nous est pas possible de donner un ordre de grandeur. Mais les ressources sans management sont de peu d'utilité. La confection d'un SIG obéit à de nombreuses règles. Le lecteur comprendra que nous avons fourni uniquement certaines lacunes inhérentes à nos entreprises. En les évitant, nos managers amélioreront le retour sur investissement consenti au profit des SIG.