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Rien n'a bougé depuis la fin de la période coloniale
Draâ Esmar (Médéa), une commune en marge du développement
Publié dans El Watan le 11 - 08 - 2009

Là, à Draâ Esmar, les tic-tac de l'horloge, dirions-nous, se sont figés pour nous livrer l'image nette de l'ancien temps d'un village qui garde presque intact, sauf les rides d'un vieillissement suranné, l'armature architecturale de l'époque des années 1950.
Au seuil de la localité de Draâ Esmar (ex-Loudi qui existe depuis les années 1940), un embellissement de façade plutôt réussi, mais, cependant, quelques centaines de mètres plus en avant, l'image est tout autre, sauf peut-être pour les nostalgiques de l'antique, un « reliquat de parfum » de sérénité qui saisit subitement l'esprit. Des chemins étroits et pentus, des façades en zinc qui protègent des aires en cours de construction, des bâtisses qui, sous le poids des années, présentent des fissures qui sillonnent tous azimuts des couleurs ternies… un jour de semaine, et pourtant les cafés ne désemplissent guère d'un monde grouillant, affairé dans des rabibochages de circonstance. En dehors du salariat, des travaux saisonniers, l'embauche dans le cadre du filet social et du pré-emploi, pour les privilégiés et, à la limite, quelques activités du petit commerce de particuliers, les jeunes n'ont rien d'autre à faire, si ce n'est partir ailleurs à la recherche de leur gagne-pain ou rester ici et « tuer le temps » qui passe, tant que l'espoir existe. Devant le siège de l'APC de Draâ Esmar, un quadragénaire adossé nonchalamment à un mur. Accosté par quelques mots chatouillants de mon compagnon, en espérant en tirer un aperçu sur l'état d'esprit qui règne dans ce vieux patelin, et de go comme pour résumer un état de lassitude globale : « Le butin, les affaires, les privilèges, les projets, le boulot, c'est toujours entre eux », fulmine ce jeune vieux qui affirme, avec déception, survivre en exerçant, pour reprendre son expression : « Trente-six mille métiers et trente-six mille misères. » Depuis l'indépendance, la commune de Draâ Esmar n'a bénéficié d'aucun projet d'envergure, à même de booster le développement rural dans une région qui dispose pourtant de tous les atouts : sol fertile, abondance des ressources hydriques, proximité du chef-lieu de wilaya…
Le chômage, l'habitat précaire, l'habitat illicite, le manque d'infrastructures de base, bref, la misère sociale dans cette localité, a encore, semble-t-il, de beaux jours devant elle. C'est en tout cas, un constat qui résulte et du constaté de visu, des requêtes des citoyens, mais aussi les élus locaux qui se plaignent d'une succession de projets communaux de développement (PCD), bien en deçà des besoins vitaux de la population et du manque flagrant des entrées fiscales en raison de l'absence de projets d'investissement générateurs de richesse. Draâ Esmar, 10 000 habitants, s'est fait de longue date une réputation de ville-dortoir. Pour El Hadi Cheikh Touhami, premier adjoint de cette commune, c'est la limitation du périmètre urbain qui freinait énormément le développement de cette localité. « Depuis l'indépendance, la commune de Draâ Esmar n'a bénéficié que de 56 logements sociaux, achevés en 2008 et non encore distribués, alors que nous comptabilisons à l'heure actuelle plus de 800 dossiers, tous éligibles au logement social locatif », affirme notre interlocuteur. L'inventaire de l'habitat précaire fait état, selon le chiffre avancé par cet élu, de plus de 200 maisons de fortune à éradiquer. En ce qui concerne le volet habitat rural, notre interlocuteur nous fait savoir que les démarches entreprises par les autorités locales s'inscrivent en droit fil dans la politique de réintégration des habitants dans leurs mechtas d'origine pour combattre l'exode rural. Dans ce contexte, il y a eu retour progressif d'une trentaine de familles au douar Ouled Snane, la plus grande dechra de la commune de Draâ Esmar. Ce village a bénéficié d'un projet de réalisation d'un chemin vicinal de sept kilomètres, qui est d'ailleurs en cours de réalisation. A noter que dans le cadre de la nouvelle subvention de l'habitat rural, qui s'élève désormais à 70 millions de centimes, les patelins relevant de Draâ Esmar ont enregistré, jusqu'au début du mois d'août, plus de 50 bénéficiaires qui, à terme, regagneront leurs villages d'origine. Le maintien de la population dans les zones rurales passera aussi par la réalisation d'autres projets, tels que le raccordement au gaz de ville et la construction d'équipements. A signaler que le projet de raccordement au gaz naturel de la localité de Tibhirine et de Aïn Moula, qui comptabilisent quelques 700 habitants, est à l'arrêt depuis plus d'un mois. D'autres projets concernant l'AEP et l'assainissement seront notamment réalisés dans le cadre du PCD 2009. Avec l'extension du périmètre urbain de Draâ Esmar, élus locaux et population espèrent la dotation de cette localité d'une unité de la Protection civile, d'un établissement de santé de proximité, d'un établissement pour l'enseignement moyen et secondaire. Comme actions prioritaires, insistera le premier adjoint de Draâ Esmar, la résorption de l'habitat précaire, la promotion du monde rural et la remise en état de fonctionnement de la zone industrielle relèvent de sa commune.
La zone industrielle de Draâ Esmar en léthargie
Se trouvant à 15 minutes seulement de la RN1, la zone industrielle de Draâ Esmar demeure, paradoxalement, une zone non économiquement spécifique. D'une vingtaine d'entreprises, qui étaient opérationnelles depuis la création de la zone industrielle de Draâ Esmar en 1984, il ne reste que sept qui opèrent encore dans cette région en mal de commodités les plus élémentaires. Une zone industrielle, « plutôt classée zone d'artisanat dans la nomenclature du tissu industriel de la région », empressée, nous corrige cette erreur de formalité, un investisseur qui nous a accompagnés sur les lieux. D'où que vous l'entamiez, la zone d'artisanat présente des pentes raides non revêtues ou, au mieux, des chaussées anciennement goudronnées, bourrées de nids-de-poule et de poussière fine et limoneuse qui s'envole à la moindre palpitation. Le silence est de marbre, si ce n'est la lamentation des cigales et la proximité de la RN18 qui mène vers l'ouest du pays qui a repris un peu de sa fluidité ces dernières années, qui cassent un peu avec la torpeur qui « submerge » le site, censé abriter une ambiance plutôt « mécano ». Plus bas, à l'extrémité ouest de la zone « d'activité », nous marquons une halte devant une plaque de signalisation « maladroitement fixée », comme pour imager un peu l'état de latence qui caractérise cette zone « d'inactivité ». La grande allée introductive donne plus haut sur une station technique de véhicules détenue par un investisseur depuis belle lurette. Serions-nous tentés de croire que nous allons nous enfoncer plus haut dans un village du far west de l'ancien temps des cow-boys d'Amérique, n'était la consistance du béton armé et quelques engins stationnés ça et là qui atténuent un tant soit peu ce voyage dans le temps. Pour illustrer le marasme d'une activité qui vivote, Gherbali. Z., promoteur de la station contrôle technique de véhicules, non sans dépit, « extirpe » ses mots sur un ton ironique : « Les gens viennent ici pour faire le contrôle technique de leurs véhicules et, paradoxalement, ils ne repartent pas d'ici sans parfois y laisser quelques plumes, je veux dire une rotule qui cède, un carterqui se détache, une boîte de vitesses bousillée, un embrayage forcé qui claque… » « beaucoup de mes anciens clients, et non des moindres, quand il fait mauvais temps, sont dissuadés : ils ne peuvent pas se rendre dans ce no man's land », enchaîne-t-il. Par ailleurs, et relativement à la position isolée de son activité, ce promoteur se plaint des charges fiscales qu'il estime trop disproportionnées par rapport au potentiel d'activité que peut drainer le site. « Draâ Esmar demeure pour l'instant une zone non économiquement spécifique. Nous attendons des représentants de l'administration locale, un sens de compréhension qui tiendra compte de ce paramètre prépondérant dans toute pondération de l'impôt imposé au contribuable », espère notre interlocuteur. Une virée pédestre sur site conforte d'ailleurs cette image de désolation qui décourage « l'investisseur le plus téméraire », pour reprendre l'expression de ce promoteur. Aucune viabilisation du site : manque flagrant de l'éclairage public, des poteaux sans lampadaires en état d'oxydation avancé que grignote la rouille, des artères sans trottoirs que charcutent des sillons tracés par les intempéries de la saison des pluies, des bouches d'incendie et des terminaisons de tuyaux de l'AEP scellés et sans robinets, faute de disponibilité du liquide précieux... Faut-il ajouter à ce sombre constat que ladite zone est, à l'heure actuelle, s'étonne Gherbali. Z., non raccordée au réseau du gaz naturel. « Et dire qu'en 2002, l'agence foncière, qui faisait la promotion des lotissements non encore cédés, promettait le raccordement de cette zone au réseau du gaz naturel, en l'espace de quelques mois », débite avec regret notre interlocuteur. Aucune délimitation de protection de la zone industrielle, ce qui la transforme au-delà des 16 et 17 heures en un véritable passage de transhumance de vagues de troupeaux en pâture. La signalisation est presque absente, il lui faudra payer annuellement plus de dix millions de centimes pour pouvoir implanter une plaque de signalisation d'une certaine dimension, nous explique un visiteur. « Dans une zone qui peine à maintenir un soupçon d'activité, si vous voulez parler de charges à supporter, eh ben ! on en a que l'embarras du choix. On se sent carrément comme des acteurs industriels de seconde zone », déplore-t-il. Beaucoup de constructions fantomatiques sur les murs desquelles, lit-on souvent, l'expression écrite en peinture rouge : « A vendre », a-t-on constaté en effet. Cette situation critique a suscité, pour rappel, l'inscription en débat de la zone d'artisanat de Draâ Esmar, à l'ordre du jour de la troisième session de l'APW, tenue le 26 octobre de l'année écoulée ; mais à l'heure actuelle, « rien ne pointe encore à l'horizon », note notre interlocuteur qui parle d'une promesse du wali pour un éventuel déblocage au moment opportun d'un budget conséquent pour l'aménagement de la zone industrielle. Après le découpage administratif de 1984, la zone industrielle de Draâ Esmar s'est totalement inscrite dans les limites territoriales de la commune qui porte le même nom. Cette opportunité aurait pu, de l'avis des uns et des autres, faire profiter cette commune d'un apport considérable en entrées fiscales, mais aussi en termes de postes d'emploi à une localité qui souffre d'un taux de chômage très élevé parmi sa population. En 1990, nous confie un responsable des services techniques de cette commune, il y a eu la viabilisation de ladite zone industrielle et les coûts ont été supportés par le budget communal. « C'est suite à l'état d'abandon et de désertisation de cette zone d'activité par les industriels que le cadre physique a pris un coup de vieux fatal. Une timide reprise d'activité a été quand même enregistrée en 2003, avec, entre autres, le redémarrage, sur fond de moult tergiversations après sa privatisation, de l'unité de briqueterie », avons-nous saisi des différents interlocuteurs. La zone industrielle morcelée en 98 lots par la commune de Médéa, il y a plus de 25 ans, comptabilise un total de foncier industriel de 102 180 m2. Cette importante assiette, se trouvant au demeurant à moins de 15 minutes seulement de la RN1, n'attend que l'engouement des preneurs porteurs de la valeur ajoutée dans un contexte de bonne gouvernance de la part de l'autorité locale qui, avons-nous compris des acteurs sollicités, devrait prendre dans les plus brefs délais ce dossier en considération. En l'état actuel de la situation, entre mettre les clés sous le paillasson et résister aux aléas du temps, la meilleure alternative semble être : détenir l'assiette foncière en attendant des jours meilleurs.


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