Le gouvernement a décidé d'annuler la procuration en matière de formalités du commerce extérieur. Entérinée par la loi de finances complémentaire 2009 (LFC), la disposition en question oblige le seul titulaire du registre du commerce ou le gérant de la société à effectuer les opérations d'importation. Décision viable ou lubie estivale ? La mesure en question ne fait pas rire les organisations patronales et les dirigeants des sociétés nationales ou étrangères établies en Algérie. « C'est humiliant ! Il n'est nullement logique d'exiger d'un patron d'entreprise de s'acquitter de lui-même du paiement des importations, censé être du ressort d'un transitaire », juge Mohand Naït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), joint hier par téléphone. Pour le moment, le gouvernement n'a pas encore daigné s'expliquer sur les motifs exacts d'une telle « sortie ». « Le problème est ailleurs. Le Centre national du registre du commerce avait octroyé des registres du commerce n'importe comment et à n'importe qui ! » ajoute M. Naït Abdelaziz, dans une allusion aux origines de l'explosion du nombre d'importateurs en Algérie. Notre interlocuteur reproche au gouvernement son unilatéralisme dans la prise de décisions économiques. « Il faut que les pouvoirs publics prennent en compte les attentes des opérateurs économiques. Ça ne coûte rien du tout de nous associer », suggère-t-il, en estimant que la LFC 2009 a entraîné un « traumatisme » au sein des patrons des entreprises. Abdelwahab Ziani, président de la Fédération nationale de l'industrie agroalimentaire, affiliée à la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), est sidéré. « C'est purement ridicule. Un chef d'entreprise est là pour créer de la richesse. On est en train de ridiculiser les patrons d'entreprises sur la scène internationale. Au lieu de nous encourager, le gouvernement nous met des bâtons dans les roues », s'emporte-t-il. D'après lui, il est quasiment inconcevable de mettre « dans le même sac importateurs et patrons d'entreprises de production ». Cela étant, M. Ziani revendique le retrait de cette mesure au même titre que celle relative à l'obligation de payer les frais de dédouanement au seul moyen du crédit documentaire. Le Forum des chefs d'entreprises (FCE) avait, quant à lui, qualifié ladite disposition « d'humiliation et de mépris à l'égard des chefs d'entreprises ». « Par une telle mesure, l'entreprise se retrouve véritablement mise sous tutelle puisque l'organisation du travail en son sein lui échappe », avait-il soutenu, samedi dernier. Certains responsables d'entreprises nationales ou étrangères installées en Algérie ont versé dans la même sémantique. Même s'il affirme ignorer jusque-là le degré de « rigueur » dans l'application de cette disposition, Jean Arias, directeur général du groupe Linde Algérie, prédit que la situation sera « ingérable » car, selon lui, « cela va avoir une grande influence sur l'importation des matières premières ». Entourée d'un épais flou en raison de l'absence de communication officielle sur ces mesures, décriées au demeurant, la LFC 2009 n'a fait que renforcer le sentiment d'inquiétude des opérateurs économiques. C'est la raison pour laquelle la Chambre algéro-allemande de commerce et d'industrie réunira aujourd'hui les patrons des entreprises allemandes pour débattre de la teneur de ces décisions, ajoute M. Arias. « Il y a des incompréhensions. On aimerait avoir plus d'explications », souhaite-t-il. Achour Meghenem, patron du groupe Distribat, indique, pour sa part, que la suppression de la procuration demeure « contraignante » pour les dirigeants des entreprises. En revanche, il reste convaincu que « c'est une manière de guérir le mal par le mal », celui des importateurs improductifs ou occasionnels.