Lyon. De notre correspondant Pourtant, de 1965 à 1990, le chiffre restait dans les eaux basses, autour d'un maximum de 1000 par an. Cela interpelle d'autant plus que les demandes de «papiers français» émanent bien sûr de la communauté émigrée, mais aussi de ressortissants algériens auprès des autorités consulaires en Algérie. Dans un livre fort à propos, La France réinventée : les nouveaux binationaux franco-algériens*, l'universitaire Séverine Labat estime, au-delà des chiffres, que «ces mobilités, ces demandes d'un ailleurs affaiblissent le sentiment de l'appartenance nationale, et signalent le déficit de la construction nationale». Si la démarche vient de la partie la plus francophone des Algériens, elle s'élargit à d'autres couches sociales, et cette «transgression», assumée, de la nationalité questionne ainsi le rapport de l'Algérie avec «son passé colonial» et sa lutte de libération. L'auteure postule que les nouveaux binationaux revisitent «la mémoire coloniale», et «ils réalisent le rêve formulé par les ‘‘jeunes Algériens'' et les partisans de l'assimilation, de réconcilier la nationalité et la citoyenneté, déconnectées durant la période coloniale». D'ailleurs, disent les concernés, «nous sommes citoyens français, et nous sommes aussi Algériens». Le franchissement vers un lien d'un nouveau type entre la France et l'Algérie est ainsi à l'œuvre. Sur l'autre versant, à l'opposé, les anciens d'Algérie, pieds-noirs, ou les harkis, sont, depuis 1962, «dans la douleur du manque d'Algérie», dans une espèce de «binationalité en creux», comme le dit Séverine Labat, une binationalité inversée, «algéro-française». Cela nous entraîne sur une autre dimension, qui en appelle aux «nécessaires et toujours différés échanges d'historiens, d'anthropologues, de politologues, de sociologues, en France comme en Algérie, seuls éligibles à rendre intelligibles les passions et apaiser les mémoires». * Séverine Labat, «La France réinventée : les nouveaux binationaux franco-algériens», Carrefour euro-méditerranéen (collection dirigée par Aïssa Kadri) Publisud 2010, 272 pages.