En l'air, « Aoud'ha ya Saâdane », refrain du titre à succès d'un album CD de chansonnettes dédié à l'équipe nationale de football. Sur les murs, l'emblème national accroché comme au temps de la révolution. Sur le sol, des chaises en plastique, des tabourets en bois ou carrément des parpaings. Voilà, en gros, le décor de fortune pour regarder en groupe un match de football au niveau des quartiers et lieux publics du pays. Un phénomène qui se généralise avec maintenant le recours à un outil informatique nommé data show en plus du poste téléviseur qu'on peut installer tout simplement dehors. Pas de places dans les cafés Dans un bureau de tabac situé aux Annassers sur les hauteurs d'Alger, des fans des Verts ont pu suivre le match Algérie-Zambie en grande projection. « Le data show donne une meilleure qualité de l'image et permet surtout de réunir les amis et les voisins pour un moment de joie », commente un chauvin de l'équipe nationale. Faute de pouvoir aller au stade, des jeunes s'organisent pour louer cet outil ou si parmi les connaissances quelqu'un peut leur en refiler un le temps d'une soirée. « Entre amis, nous avons cotisé pour louer un data show auprès d'une boîte informatique et nous l'avons installé dans une salle des fêtes qui peut contenir le maximum de fans », atteste Fodil à Dely Brahim. Cela compense, amplement, les mécontents qui ne trouvent pas place dans les cafés où pour un match au sommet –comme celui d'avant-hier– les chaises sont réservées. « Je suis venu comme d'habitude après le f'tour prendre un thé et on me dit que les places sont prises », s'offusque Saâdi, quinquagénaire, parlant d'un café situé à la place des Martyrs. Traditionnellement, c'est un lieu qui a toujours constitué un pôle où convergent les amoureux du football, notamment pour le championnat ou la Coupe d'Algérie. Or, aujourd'hui, les jeunes surtout ont trouvé le moyen de vivre mieux le match dans un esprit de groupe en optant le plus normalement du monde pour un coin dans le quartier. « On a ramené un poste de télévision de la maison et on a demandé un fil électrique auprès de l'épicerie d'à côté pour créer l'ambiance du stade », raconte Halim, dans le quartier populaire des Eucalyptus dans la banlieue d'Alger. Au niveau des autres zones d'habitation comme à Bab El Oued, Baraki ou El Madania, c'est les mêmes réflexes. « Comme j'habite le rez-de-chaussée, j'ai fait sortir le téléviseur dehors pour mes voisins et nos épouses nous ont envoyé boissons et sucreries », témoigne ammi Mokrane à Kouba. Ambiance pacifique Dans cette nouvelle configuration du comportement des supporters, la notion du groupe reste de mise d'où les regroupements, réduits soient-ils, dans des lieux autres que le stade « qui tentent de recréer une ambiance conviviale et pacifique surtout », avance un sociologue de l'université d'Alger. C'est pourquoi, certaines personnes n'arrivent pas à expliquer la disparition de l'écran géant installé au niveau de la place faisant face à la Grande-Poste ou celui mis en hauteur au niveau de l'esplanade de Riad El Feth. « Je me rappelle que les gens se rassemblaient ici (Grande-Poste) pour partager les moments de liesse devant le grand écran grâce à l'aide de l'APC d'Alger-Centre », commente un résident permanent dans un hôtel à Bab Azzoun. On comprend alors pourquoi des fans des Verts n'ont pas hésité à rallier les espaces où il y a eu du grand écran. A l'instar de celui installé par Sovac au niveau du café du cours de tennis de Ben Aknoun ou celui aménagé au siège du FFS à Hydra où des vieilles dames ont rejoint le groupe de téléspectateurs. Les autorités au niveau du ministère de la Jeunesse et des Sports comme aussi les APC devraient se pencher sur ce nouveau besoin en grands écrans. La lutte contre la violence dans les stades et l'éducation citoyenne tout court passent inévitablement par la prise en charge de cet aspect de la vie publique.