L'objet de cette rencontre, la deuxième du genre (la première a eu lieu le 7 mars), est de débattre de la situation «inquiétante» que vit la capitale de l'Ahaggar, notamment depuis l'attentat kamikaze qui a ciblé le siège du groupement de Gendarmerie nationale, en plein centre-ville, faisant plus d'une vingtaine de blessés. Selon des sources locales, les débats ont été houleux et ont permis aux différents protagonistes de poser les problèmes auxquels est confrontée la communauté targuie en général et la région de Tamanrasset en particulier, liés essentiellement aux personnes étrangères ayant réussi à se faire délivrer des papiers algériens grâce à de l'argent sale provenant de la contrebande, de la drogue et, depuis peu, du terrorisme. Les notables de Tamanrasset se sont plaints à leur amenokal de la présence «de plus en plus importante et suspecte d'étrangers» qui, selon eux, «se fraient des chemins en plein désert grâce à l'argent sale». Une situation qui, selon nos sources, a de tout temps été dénoncée aux plus hautes autorités du pays, mais en vain. Depuis l'attentat kamikaze, les Touareg ont décidé de revenir à leur structure sociale ancestrale pour mieux appréhender ce qu'ils perçoivent comme étant un danger. Dans leur déclaration finale (dont une copie est en notre possession), les notables ont relevé «la nécessité de renforcer l'unité nationale à travers l'unification des rangs autour de l'amenokal pour contrecarrer tout ce qui peut porter atteinte à la souveraineté nationale et à la dignité du citoyen, ainsi que toute dérive étrangère à la société qui menace le pays». Il est par ailleurs indiqué dans cette déclaration que «les notables ont débattu d'autres volets liés à la nécessité de réussir toutes les initiatives qui vont dans l'intérêt du citoyen, de la stabilité et de la sérénité». En clair, les Touareg se sont entendus pour revenir à «l'autorité» de l'amenokal, longtemps marginalisé par les autorités locales. «Maintenant que le danger de l'insécurité guette tous les foyers de Tamanrasset, il n'est plus question d'attendre encore. Tout le monde sait que cette ville vit du tourisme qui a mis des années pour renaître petit à petit de ses cendres. Frapper le seul gagne-pain de la population, c'est déstabiliser toute la région. Tout le monde est conscient de ce danger. C'est pour cette raison que les notables ont décidé de se réapproprier un espace qu'ils avaient perdu depuis des années. Le message adressé aux autorités est très clair. Il faut que des mesures concrètes soient prises pour revenir aux méthodes ancestrales de gestion de la cité. Il n'est plus question de laisser nos frontières entre les mains de personnes malveillantes. Nous ne voulons pas vivre les évènements des débuts 1990 et 2000 avec les rébellions au nord du Mali», explique un notable de l'Ahaggar. Il n'est pas exclu que l'amenokal ait décidé de ne pas se présenter aux élections législatives uniquement pour se consacrer aux «vrais problèmes» de sa communauté qui, faut-il le préciser, est traversée par tous les courants politiques. Ce même amenokal, dans une déclaration à El Watan, regrettait que la nationalité algérienne soit délivrée à des étrangers sans l'avis des notables, comme cela se faisait auparavant. Depuis, la situation n'a fait que se dégrader au point où la ville, censée être la plus protégée, a été le théâtre d'un attentat kamikaze qui, de surcroît, a ciblé le siège de la Gendarmerie nationale. Pour des sources au fait du dossier, les explosifs utilisés avaient été acheminés du nord du Mali dans des convois de réfugiés ayant rejoint le territoire algérien. Une réalité qui fait craindre le pire, d'autant plus que la situation au nord du Mali ne fait que s'enliser.