Plus de 60 000 âmes vivent l'isolement le plus total après l'immersion en 2003 du barrage de Chigara. Le mégaprojet hydraulique en question n'a pas fini de susciter des interrogations, voire une grande polémique et un incommensurable mécontentement quant aux retombées bénéfiques réelles sur les peuplades de certaines localités qui, de surcroît, lui sont mitoyennes. A ce juste propos, la commune de Chigara, tout comme son chef-lieu de daïra, Sidi Merouane, tirent à boulets rouges, pour ne pas dire, maudissent ledit ouvrage qui, selon les propos des riverains, « n'a apporté que désolation et isolement aux populations de ces deux localités ». Et pour cause, si la 2e commune citée, située sur les berges sud de ce gigantesque ouvrage hydraulique, ne pâtit pas des affres de l'enclavement au vu de sa proximité du chef-lieu de la wilaya de Mila, elle en a, par ailleurs, vu, dans un passé récent, des vertes et des pas mûres s'agissant des carences récurrentes en matière d'alimentation de la ville en eau potable. Que dire alors de Chigara, qui se trouve doublement pénalisée depuis l'immersion en décembre 2003 du pont qui la reliait sur 7 km à son chef-lieu de daïra, Sidi Merouane en l'occurrence ? En effet, outre le poids asphyxiant de l'isolement qui lamine les habitants de la commune montagnarde de Chigara, acculée aux fins fonds des limites frontières Nord avec la wilaya de Jijel, et les implications et désagréments induits par la rareté de l'eau potable, les centaines de riverains et lycéens devront effectuer au quotidien un long et harassant parcours de 35 km pour rallier la capitale de la wilaya et plus de 15 km pour se rendre à Sidi Merouane. C'est là l'un des grands paradoxes de cette wilaya qui tente de s'extirper des fourches caudines du sous-développement, dès lors que les deux communautés, qu'unissaient depuis l'ère du temps de solides rapports sociaux, parentaux et commerciaux, s'en trouvent contraintes de subir les incohérences et les approximations d'une gestion aléatoire. Le rêve d'un viaduc évacué L'idée de construction d'un viaduc entre Chigara et Sidi Merouane afin de briser l'enfermement des deux agglomérations qui comptent au total plus de 50 000 âmes n'est pas pour bientôt. Pis encore, le projet semble définitivement étouffé dans l'œuf. Etant l'une des principales doléances qui revenaient souvent au-devant des émeutes et des manifestations revendicatives, le projet est loin d'avoir recueilli l'assentiment du pouvoir exécutif local et encore moins le ministère de tutelle au motif que le projet nécessiterait la mobilisation d'une enveloppe mirobolante de l'ordre de 800 millions de dinars. Cette option a été, en effet, rejetée de facto par le premier responsable des travaux publics, tout comme par le ministre du secteur, Amar Ghoul, en marge des visites de travail effectuées à Mila, compte tenu du « manque de rentabilité et du faible rendement dudit projet », a-t-on martelé. Argument que rejettent en bloc les élus communaux, considérant que l'impact financier a été délibérément gonflé pour battre en brèche la pertinence de ce sujet, et partant, maintenir le statu quo. Ces derniers soutiennent que le financement de cet ouvrage d'art, dont l'étude a été confiée en 2006 à un bureau d'étude de l'Algérois, n'excéderait pas les 650 millions de dinars, avec l'existence d'une possibilité (techniquement fiable) de conception d'un pont sur un tracé limité d'une longueur de 200 m au lieu de 400 m, comme le suggérait la version officielle. En tout état de cause, la perspective de rétablissement de la liaison entre ces deux ville, quoique renvoyée aux calendes grecques, aurait certainement eu des retombées positives sur l'ensemble de la région décimée par le phénomène de l'exode rural. Nous ne citons en ce sens que les communes de Zeghaïa et Beinen reléguées, elles aussi, sur l'autre versant du lac du barrage Béni Haroun.