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“Nous laissons l'Etat évaluer la souffrance des ex-internés”
Nourredine Belmouhoub. Ex-interné et porte-parole du Comité de défense des internés des camps de sûreté
Publié dans El Watan le 03 - 10 - 2009

Comment avez-vous vécu votre internement dans les camps du Sud ?
J'ai été interné à In M'guel, à l'âge de 45 ans, pendant quatre mois et douze jours. J'habitais, à l'époque, à Hammam Guergour (Sétif). Je n'ai jamais adhéré à un parti politique ni à un syndicat, ce qui me pousse à me demander depuis dix-sept ans pourquoi j'ai été interné. Le préjudice moral que j'ai subi est encore plus pénible que la torture et les formes d'intimidation dont j'ai fait l'objet. A mon retour, j'ai été un peu isolé par mon entourage proche, j'ai vécu un grand isolement après des mois d'internement. Assigné à résidence surveillée pendant deux années, j'ai perdu beaucoup de temps et d'argent pour le transport et surtout supporter le regard des autres, même si je n'avais rien à me reprocher.
En qualité de porte-parole du CDICS, que diriez-vous au sujet des internements de février 1992 ?
L'ambiguïté persiste autour de la création des camps de concentration, puisque l'illégalité de l'arrestation constitue une atteinte grave à la liberté des citoyens. Dans le décret exécutif N°92-75 du 20 février 1992, fixant les conditions d'application de certaines dispositions du décret présidentiel portant Etat d'urgence, le placement dans un centre de sûreté figure comme une mesure à caractère préventif. Il consiste à priver toute personne majeure dont le comportement était « présumé » susceptible de compromettre dangereusement l'ordre et la sécurité publique, de sa liberté d'aller et de venir en la plaçant dans un des centres créés sur commande par arrêté du ministre de l'Intérieur. Le décret est toujours en vigueur.
Quelles sont les revendications du CDICS ?
Nous avons créé le Comité de défense des internés des camps de sûreté à l'initiative de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) de Hocine Zehouane, afin de collecter les dossiers des ex-internés et de les orienter dans leurs démarches. Aujourd'hui, le comité dénombre 600 dossiers. Nous aspirons à réclamer les droits moraux et physiques des ex-internés par voie légale. Nous demandons à ce que les ex-internés du Sud soient inclus dans les textes de la charte dite pour la paix et la réconciliation nationale, l'ouverture des registres détenus par les 48 wilayas et la délivrance aux ex-internés d'une attestation de présence dans l'un des camps pour éviter toute intrusion. Nous demandons également l'indemnisation des veuves et des orphelins des ex-internés, de ceux qui y ont survécu et l'assurance d'une couverture médicale à tous les ex-internés portant des stigmates dus à leur internement, en particulier ceux de In M'guel, Reggane et Oued Namous. Nul n'ignore que des essais nucléaires ont eu lieu dans ce site, et que les radiations nucléaires ne s'effacent pas du jour au lendemain. Je tiens à dénoncer toute tentative d'instrumentaliser ou d'exploiter l'affaire des internés du Sud à des fins commerciales ou politiques.
Pourquoi avoir attendu quinze ans pour vous manifester ?
A l'époque, ce n'était pas possible de parler. Aujourd'hui, je suis convaincu que c'est le bon moment de faire valoir nos droits, car ce qui nous est arrivé, ce n'est pas la honte de ceux qui nous gouvernent aujourd'hui. Ils n'ont pas à rougir de l'affaire des internés, au contraire, ils peuvent en sortir grandis, et tout l'honneur reviendra à celui ou celle qui réglera ce problème et qui rendra la confiance à ceux qui étaient dans les « camps du Sud » et qui considèrent que leurs droits ont été « spoliés ». Je voudrai juste qu'on me donne la réponse à la question que me posent mes enfants depuis 1992, pourquoi avons-nous été internés dans les camps du Sud ?
Quelles sont les démarches que vous allez entreprendre ?
En 2001, j'ai saisi la justice, en déposant une plainte contre le général Khaled Nezzar, ministre de la Défense nationale au moment de l'internement. Ma plainte n'a jamais abouti jusqu'à ce jour. Nous avons également adressé une lettre à la présidence de la République algérienne, la même lettre avec la plateforme aux députés des différents partis politiques. Nous n'avons pas eu de réponse alors que les accusés de réception nous ont été retournés sans celui de la présidence. Nous continuerons notre combat jusqu'à ce que justice nous soit rendue.


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