Depuis le début de l'été, la wilaya de Tizi Ouzou a perdu 4825 ha de son couvert végétal, selon les services de la Conservation des forêts. Un coup dur pour la culture arboricole étant donné que pas moins de 40 000 arbres fruitiers, dont 36 000 oliviers, sont partis en fumée. Que ce soit par accident, par négligence ou volontairement, les incendies sont à 80% d'origine humaine, s'accordent à dire les agents de la Protection civile et les gardes forestiers. Généralement, les départs de feu, signalés aux abords des routes, sont causés par les activités agricoles telles que le défrichement et l'incinération de végétaux. Néanmoins, aucune enquête n'a été engagée officiellement pour débusquer d'éventuels pyromanes. Cependant, certaines voix n'hésitent pas à pointer du doigt l'armée qui, au nom de la lutte antiterroriste, brûlerait des pans entiers de forêt pour permettre une plus grande visibilité à ses troupes dans les maquis denses de la région. Ainsi, les citoyens de la commune d'Aït Yahia Moussa, à une vingtaine de kilomètres au sud de Tizi Ouzou, sont descendus dans la rue, le 10 août dernier, pour exprimer leur colère après les incendies qui ont ravagé une partie de leurs champs. Les manifestants ont accusé les soldats de l'ANP, qui auraient été vus en train de mettre le feu au sous-bois. outefois, on apprend des services de sécurité et des habitants des zones rurales que même les terroristes s'adonnent au même «exercice» dès lors que l'armée est incriminée. Cela dit, le constat reste amer car avec une moyenne de dix incendies par jour, Tizi Ouzou a vécu une situation pour le moins exceptionnelle, selon les dires du conservateur des forêts de Tizi Ouzou. A Boumerdès, aucune des enquêtes enclenchées pour déterminer l'origine ou les auteurs des incendies signalés récemment dans les différentes localités de la région n'a abouti. «Ce sont des plaintes déposées contre X. Généralement, on signale aux responsables de la direction et c'est à eux de juger s'il y a lieu d'engager des poursuites ou non», explique un fonctionnaire à la Conservation des forêts. Mais certains citoyens interrogés considèrent que ces feux de forêt sont l'œuvre des services de sécurité. «Moi je crois que c'est fait exprès. Le feu s'est déclenché jeudi matin à partir des broussailles avoisinant un cantonnement militaire, avant de s'étendre vers les massifs surplombant notre village», déduit un citoyen d'Iouariachen, sur les hauteurs de Naciria. Cette version qui conforte l'idée d'incendies «volontaires» a été relayée également du côté de Timezrit. Des citoyens de cette localité rurale nous ont confié avoir aperçu des gens armés, habillés en civil, en train de mettre le feu au bord du CW151, à hauteur du lieudit Ouled Bentafat. «Des citoyens ont tenté de rattraper ces pyromanes, mais ils ont pris du recul en s'apercevant qu'ils étaient armés», relate Hamza. La Conservation des forêts de Boumerdès a enregistré 108 incendies depuis début juin ayant ravagé plus de 832 ha de forêt, de broussailles et d'arbres fruitiers. Dans la wilaya de Bouira, plus de 3700 hectares de forêt ont été incendiés depuis le 1er juin. Œuvre de pyromanes ? Feux accidentels ? Les avis divergent. Pour les populations locales, derrière ces incendies ravageurs, il devrait forcément y avoir un «Néron» endémique. Récemment, au village d'Ivehlal, commune d'Aghbalou, les feux se sont déclenchés la nuit. Il a fallu la mobilisation de tous les villages voisins pour sauver les maisons des flammes. Mais des témoins affirment qu'au moment où les gens s'affairaient à l'éteindre, un autre est parti en contrebas. D'où les soupçons sur l'origine criminelle de l'incendie. A Tikjda aussi, personne ne veut croire à la thèse d'un acte involontaire. Au Parc national du Djurdjura, on reconnaît que les feux sont volontaires, œuvres d'auteurs inconnus. La Conservation des forêts, quant à elle, estime que plusieurs facteurs peuvent être en cause, affirmant qu'une enquête est en cours pour les déterminer. Au niveau de la Gendarmerie nationale, personne n'était disponible pour répondre à nos questions. La Protection civile, elle, dit que son rôle se résume à l'extinction des feux.