Le 4e art dans la ville des Ponts est une tradition bel et bien confirmée. Pour faire sortir les Constantinois de chez eux, qui plus est un vendredi, eux qui ont la réputation -vérifiée ou non- de pantouflards, il faut vraiment «un solide prétexte», nous disait un amateur des planches. Le «solide prétexte» est tout trouvé donc, ce vendredi à 16 h, avec la coopérative culturelle Massyle qui s'est produite sur la scène du TRC avec la pièce «El lahn el akhir» (la dernière mélodie), une adaptation du chef-d'oeuvre d'Anton Tchékhov, «Le chant du cygne». Cette courte composition tragi-comique, jouée entre deux personnages -Salah-Eddine Turki et Djamel Mezouari-, soulève un problème vieux comme le monde, celui de l'artiste oublié, sous-estimé, voire marginalisé et rabaissé par ses contemporains, auxquels pourtant il s'est donné sans compter… Sa disparition s'opère dans l'indifférence générale. Un jour, on exhibe sa mémoire dans le dessein inavoué d'en faire un fonds de commerce. Les dividendes profitent bien sûr aux opportunistes de tous bords, sauf à l'intéressé lui-même. Traîne-misère, vieilli et aigri, l'artiste, un chanteur-composieur, qui ne cesse de se dénigrer lui-même, décide de composer une dernière mélodie, née de sa douleur, de son désespoir. Les deux comédiens ont indéniablement fait montre d'un jeu de scène subtil, qui est vraisemblablement le fruit d'une grande expérience et d'un amour incontestable de la scène, mais il reste, selon des connaisseurs, que les dialogues auraient gagné à être mieux travaillés, sans trop tomber dans l'humour basique, facile. Une pièce de cet acabit, de portée universelle, pourrait être plus approfondie, plus recherchée, devant dépasser les clichés et les vieux poncifs. Un spectateur, ayant beaucoup travaillé dans le domaine du théâtre, nous a livré, sur le vif, ses impressions : «Malgré l'ambiance propre à un spectacle, je suis resté sur ma faim par rapport à un parti pris de la mise en scène et de la direction des acteurs, qui ont vite fait des concessions populistes.» Néanmoins, beaucoup de points positifs sont à inscrire au bénéfice de nos deux artistes, qui ont le mérite du talent, de la sincérité et de l'amour du théâtre. Souhaitons-leur du courage et de la volonté pour persévérer, surtout en perspective d'un évènement grandiose : «2015, Constantine capitale arabe», en leur rappelant cette belle parole que l'artiste lui-même a adressée au public : «Il faut rêver, car les rêves sont le commencement de l'acte.»