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Aplanir les divergences par le dialogue
Vers la révision de l'Accord d'association Algérie/UE :
Publié dans La Nouvelle République le 16 - 10 - 2024

L'Accord d'association Algérie-UE, en vigueur depuis le 1er septembre 2005 est, pour le moins qu'on puisse dire, en stand-by. L'Algérie, qui s'estime lésée, avait demandé depuis plusieurs années, sa révision, afin d'asseoir une meilleure base d'échanges mutuellement bénéfique. Lors de son entrevue périodique avec des représentants des médias, diffusée le 5 octobre 2024, le président de la République a précisé que l'accord d'association avec l'Union européenne sera révisé à partir de 2025, soulignant que cette révision, désormais nécessaire, sera menée avec souplesse et dans un esprit amical, sans entrer en conflit car, a-t-il dit, nous entretenons des relations normales avec les Etats de l'Union européenne, y compris la France.
Les principes de l'Accord d'association sur le plan économique sont identiques à ceux que l'on retrouve avec les règles de l'OMC où les pays membres accaparent plus de 95 % du commerce mondial et la majorité des pays de l'OPEP et hors OPEP ainsi que la Chine et la Russie sont membres, l'Algérie ayant déposé sa demande d'adhésion (à l'époque au GATT) en juin 1987 et depuis elle n'est toujours pas entrée à l'OMC. Il y a lieu de préciser que les principales résolutions de la quatrième Conférence ministérielle, tenue à Doha, en novembre 2001, a examiné les problèmes que rencontrent les pays en développement pour mettre en œuvre les Accords actuels de l'OMC, c'est-à-dire les accords issus des négociations du Cycle d'Uruguay. La décision sur la mise en œuvre a porté au titre de la balance des paiements avec des conditions moins rigoureuses énoncées dans le GATT. Cela est applicable aux pays en développement s'ils restreignent leurs importations pour protéger l'équilibre de leur balance des paiements. Du point de vue de l'Accord d'association, l'on devra distinguer les incidences générales des incidences sur les services énergétiques. En ce qui concerne les incidences générales : l'interdiction du recours à la « dualité des prix » pour les ressources naturelles, en particulier le pétrole (prix internes plus bas que ceux à l'exportation) ; l'élimination générale des restrictions quantitatives au commerce (à l'import et à l'export) ; obligation de mettre en place les normes de qualité pour protéger la santé tant des hommes que des animaux (règles sanitaires et phytosanitaires). Les conséquences de tels accords sont : le démantèlement des droits de douane et taxes pour les produits industriels et manufacturés sur une période de transition ; les relations de partenariat entre les deux parties seront basées sur l'initiative privée. Tous les monopoles d'Etat à caractère commercial sont ajustés progressivement pour une période à négocier.
La coopération économique devra tenir compte de la composante essentielle qu'est la préservation de l'environnement et des équilibres écologiques. En ce qui concerne les incidences sur les services énergétiques, l'Algérie se doit d'être attentive à la nouvelle stratégie énergétique qui se dessine entre 2025/2030 tant au niveau européen qu'au niveau mondial. Les accords dont il est question devraient faire passer les industries algériennes du statut d'industries protégées à des industries totalement ouvertes à la concurrence internationale. Ces accords prévoient la suppression progressive des obstacles tarifaires et non tarifaires, avec d'énormes défis aux entreprises algériennes. Si ces accords ne peuvent avoir que peu d'impacts sur le marché des hydrocarbures en amont, déjà inséré dans une logique mondiale (pétrole), il en va autrement de tous les produits pétroliers à l'aval qui vont être soumis à la concurrence européenne et internationale. Ainsi, est interdite la dualité des prix, mesure par laquelle un gouvernement maintient des prix internes à des niveaux plus bas que ceux qui auraient été déterminés par les forces du marché. Autre incidence, l'ouverture à la concurrence du marché des services énergétiques qui concernent toutes les activités et l'urgence d'intégrer la sphère informelle dominante en Algérie qui contrôle selon les données officielles fin 2022 47 milliards de dollars environ un tiers de la masse monétaire en circulation. Enfin, l'environnement considéré comme un bien collectif, l'Algérie doit s'engager à mettre en œuvre les différentes recommandations contenues dans les chartes sur l'énergie.
Les négociations entre l'Algérie et l'Europe concernant l'Accord d'association ont connu des divergences qui se sont accentuées suite aux décisions du gouvernement courant 2009 de postuler 51 pour cent aux Algériens dans tout projet d'investissement, qui selon la commission européenne l'Algérie aurait violé les articles 32, et 37, 39 et 54 de cet Accord- Par ailleurs, selon Bruxelles depuis quelques années la part de l'UE dans les importations de l'Algérie a régressé au bénéfice de la Chine- (voir A. Mebtoul interview le 25 mai 2022 à Chine Magazine).
Pour Bruxelles, il n'est pas question de réviser l'accord-cadre, mais de négocier certaines dispositions et que pour toute évaluation, il faut inclure les importations européennes de pétrole et de gaz et dans ce cas le déséquilibre commercial est en défaveur de l'Europe et se pose cette question : en dehors des hydrocarbures brut et semi-brut que peut exporter l'Algérie en direction de l'Europe et que si l'Algérie n'a pas tiré profit de l'accord d'association, c'est parce que les réformes structurelles n'ont pas été menées et que cela dépend avant tout du gouvernement algérien de mener les réformes nécessaires pour profiter de l'accord d'association. L'Europe n'est pas contre une révision de l'accord mais souhaite la création d'un cadre juridique stable et transparent, propice à l'investissement, ainsi que la réduction des subventions, la modernisation du secteur financier, la levée des entraves au secteur privé, le développement du potentiel des partenariats public-privé qui font partie des réformes structurelles nécessaires qui doivent encore être menées.
L'Europe a accueilli avec satisfaction, l'assouplissement introduit récemment par les autorités algériennes de la règle 51/49, pour cent au moins pour les secteurs non-stratégiques, encore qu'il faille définir avec exactitude ce qui est stratégique et ce qui ne l'est pas. Sur le plan géostratégique, pour l'Europe, l'Algérie est un acteur déterminant de la stabilité régionale et de l'approvisionnement en énergie. Dans plusieurs rapports entre 2018/2023, l'Union européenne ont salué les efforts de l'Algérie en matière de sécurité et de défense où les tensions au niveau de la région influent par ricochet sur l'Europe, ainsi que la stabilisation de son voisinage immédiat, considérant que l'Algérie demeure un acteur-clé au niveau régional et international pour la sécurité. L'effort continu de modernisation des équipements, ainsi que les nombreux effectifs de sécurité dont l'Algérie dispose ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes.
L'évolution de la crise libyenne, malienne et la situation complexe dans la région du Sahel ont amené l'Armée nationale populaire (ANP) à déployer des forces de sécurité supplémentaires aux frontières cout supporté par l'Algérie. Sur le plan énergétique, l'Algérie en 2023 est devenue le deuxième fournisseur de gaz avec 19% avant la Russie et derrière la Norvège, à travers les canalisations Medgaz via Espagne et Transmed via l'Italie, pareillement à une augmentation de la production de GNL en espérant, outre des investissements pour accroitre la production, dans le gaz /pétrole , les énergies renouvelables dont le solaire, l'hydrogène vert, bleu, blanc, son accord, étant le principal client, pour la réalisation du gazoduc Nigeria Europe via l'Algérie d'une capacité de 33 milliards de mètres cubes gazeux.
Pour l'Algérie, bien que l'accord englobe une multitude de domaines de coopération, politique, économique, culturel, la libre circulation des personnes et autres, mais c'est le volet relatif au rééquilibrage des échanges commerciaux qui motive le plus la demande de la partie algérienne à renégocier l'accord en question invoquant le titre 2 de l'accord, portant «libre circulation des marchandises». Dans son premier chapitre sur «les produits industriels» l'article 11 donne la possibilité à l'Algérie de bénéficier de «mesures exceptionnelles» de durée limitée dérogeant aux dispositions de levée des barrières douanières, bien que ces mesures ne pouvant s'appliquer qu'à des industries naissantes ou à certains secteurs en restructuration ou confrontés à de sérieuses difficultés, surtout lorsque ces difficultés entraînent de graves problèmes sociaux.
Les droits de douane à l'importation applicables en Algérie à des produits originaires de la Communauté introduites par ces mesures, ne peuvent excéder 25% ad valorem et doivent maintenir un élément de préférence pour les produits originaires de la Communauté, mais selon l'article 11, l'UE reconnait à l'Algérie un droit de prendre des mesures de protection, mais ces mesures sont soumises à des conditions défavorables, les droits de douanes à protéger étant limités à 25% et étant exigé aussi la mention de préférence de produit d'origine de l'Union européenne. En outre, l'article 24 donne à l'Algérie de la possibilité de prendre des mesures de sauvegarde, en arrêtant l'importation d'une catégorie de produits si elle porte préjudice à la production nationale, devant être renégocié pour rendre son champ d'application plus efficace et avantageux. Aussi, pour l'Algérie, l'objectif de cet accord est de « densifier » cette coopération, dont la démarche d'évaluation réclamée ne vise nullement à remettre en cause le cadre global de l'accord, mais, bien au contraire, à l'utiliser pleinement dans le sens d'une interprétation positive de ses dispositions permettant un rééquilibrage des liens de coopération et que seules des négociations constructives permettraient de relancer la coopération entre l'Algérie et l'UE dans le but de mettre les relations économiques au centre de cette coopération, de donner à cet accord toute son importance et d'utiliser tout son énorme potentiel dans ses trois composantes : politique, économique et humaine et l'Algérie a toujours plaidé pour le renforcement du «dialogue et de la concertation» entre l'Algérie et l'Union européenne (UE). Aux préoccupations soulevées par l'UE concernant ses parts de marché en Algérie suite aux mesures de rationalisation des importations prises par le gouvernement algérien dans un contexte bien particulier, cela n'est pas propre à notre pays comme en, témoigne bien avant l'épidémie du coronavirus les mesures restrictives de bon nombre de pays, tant pour les USA que l'Europe et les tensions avec la Chine. L'Algérie reste convaincu que les discussions que doivent engager les deux parties permettront d'arriver à des solutions pragmatiques et acceptables qui prennent en ligne de compte les intérêts légitimes de chaque partie. Le nouveau code d'investissement assouplissant la règle des 49/51%, ainsi que nouvelle loi des hydrocarbures ont pour objectif combiné avec une lutte contre la bureaucratie néfaste rendant plus attractif le marché algérien afin de dynamiser l'investissement direct étranger hors hydrocarbures.
En conclusion, l'Algérie et l'Europe sont deux partenaires stratégiques. Il s'agit comme je l'ai souligné il y a quelques années lors d'une conférence, à l'invitation du parlement européen à Bruxelles, de dépassionner les relations, car la stabilité des deux rives de la Méditerranée et de l'Afrique nous impose d'entreprendre ensemble.
Professeur des universités
Expert international


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