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Musée d'art et d'histoire de Paris : éxposition sur les juifs d'Algérie
Publié dans El Watan le 30 - 01 - 2013

Dans le parcours que la commissaire de l'exposition a proposé, on sent que «nous avançons au gré des époques, voyageant de 1101 à 2005, en passant par l'invasion des Espagnols, la domination ottomane, la colonisation française et les deux guerres mondiales. Une frise chronologique nous suit tout au long de notre cheminement dans l'exposition».
La première salle invite à pénétrer cet univers et cette histoire souvent méconnue de la communauté juive d'Algérie. Le judaïsme en Algérie est une culture en effet longtemps restée dans la sphère de l'intime. Une des richesses de la scénographie choisie est de permettre le mélange entre mémoire individuelle et collective, histoire et témoignages. Nous avons ainsi des repères temporels et géographiques, tout en étant libres de réagir à une photographie, une parure, un objet de culte.
Des sacs destinés à contenir les châles de prière attirent le regard dès l'entrée. Richement brodés et très colorés, ils portent le nom de leur propriétaire ainsi qu'une date. Ces sacs racontent déjà une histoire et semblent nous tendre la main pour poursuivre le voyage. Le sol est une carte de la Méditerranée, et nous franchissons d'emblée cette dernière pour poser les pieds sur le sol algérien. Dès lors, nous sommes emmenés dans le quotidien de cette communauté juive d'Algérie, issue notamment de la vague d'immigration de 1391.
Cette année-là, des émeutes antijuives éclatent en Espagne chrétienne, provoquant la fuite et l'exil des juifs craignant la conversion forcée au christianisme. 1492 voit une seconde vague d'immigration, car dans le cadre du processus d'unification de l'Espagne, un édit est publié intimant l'expulsion des juifs de Castille. La communauté rejoint en masse le Maroc, mais aussi l'Algérie. L'exposition se divise en grandes périodes liées aux occupations successives de l'Algérie : l'implantation de la communauté juive à Sidi Bel Abbès, Oran, Tiaret, Mostaganem, Alger, Sétif, Constantine ou encore Tlemcen, la conquête espagnole d'Oran de 1509 à 1792, la domination ottomane de 1518 à 1830, et enfin l'Algérie française de 1830 à 1962.
Les supports utilisés sont très variés : cartes, costumes, bijoux, objets rituels ou de culte, manuscrits, projection de film, tout stimule le regard et la réflexion sur la place de la communauté juive en Algérie, sa position délicate d'intermédiaire entre chrétiens et musulmans. Petite et grande histoires s'imbriquent pour n'en former qu'une plus riche et plus dense. Nous découvrons des portraits, comme celui de l'Emir Abd El Kader par Ange Tissier (1852), des figures légendaires, telle celle de la reine juive Dihya el Reina, tuée par les Arabes durant les premières invasions, aussi bien que des scènes de vie quotidienne, des cérémonies de mariage ou de mort.
La dernière partie de l'exposition s'attarde sur le contexte particulier de la colonisation française : le décret Crémieux de 1870, l'entrée en guerre en 1914, la montée de l'antisémitisme, l'engagement des «juifs indigènes» aux côtés des troupes françaises, puis le régime de Vichy, la déportation, et enfin la guerre d'Algérie et l'indépendance de cette dernière en 1962, qui marque le rapatriement d'un certain nombre de juifs d'Algérie devenus français. La dernière salle, très colorée, pleine de vie, nous laisse sur une note malgré tout positive. Des pochettes de 33 tours de Salim Halali, Line Monty, Enrico Macias, Alexandre Nakache, un «oud», une guitare, des images des grands boxeurs A. Halimi et Robert Cohen sont là pour nous montrer que, peut-être, malgré les soubresauts et violences, la richesse d'un patrimoine réside aussi dans sa capacité de dialogue et de connaissance des autres cultures, de l'Autre et de sa différence.
C'est avec nostalgie et d'un je-ne-sais-quoi que l'on quitte cette salle, la tête encore emplie des musiques que l'on vient d'entendre. Un bel hommage à la communauté juive d'Algérie. Une exposition réussie, présentée de manière à mettre à l'honneur un patrimoine peu connu. L'idée est en effet d'assurer la pérennité de richesses culturelles, afin de transmettre une mémoire et une identité aux nouvelles générations. Cette compréhension de l'Autre et la connaissance de l'histoire s'avèrent en effet indispensables au dialogue interculturel et intergénérationnel.


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