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La justice, la société et le pouvoir

La causalité profonde d'une telle problématique n'incombe pas au seul magistrat pris seul et isolé, mais se ramène globalement à la combinaison de trois facteurs essentiels : l'absence de traditions étatiques dans la société algérienne, l'hostilité ouverte des hiérarchies politiques à édifier une justice fondée sur le droit et l'incapacité de l'ensemble de la famille judiciaire à faire siennes les attentes légitimes du justiciable.
L'absence de traditions étatiques dans la société algérienne
L'absence de traditions judiciaires de la société puise à la fois du caractère totalitaire de la colonisation française et du vide idéologique de la Révolution algérienne, qui fut surtout une guerre de Libération nationale. Mohamed Ben Yahia parle d'un éléphant avec une tête d'épingle. Contrairement à ses voisins immédiats, le Maroc et la Tunisie, qui subirent un protectorat compatible avec l'existence partielle de leur Etat national, l'occupation française de l'Algérie s'imposa surtout par son emprise totalitaire, emprise qui connaîtra son apogée avec son annexion officielle en 1848.
Cette intégration ne sera d'aucune utilité pour la future justice algérienne, car, à l'exception des grands centres européens qui se fondirent complètement dans le système judiciaire français, la grande majorité du territoire continua très longtemps à subir les formes traditionnelles du caïdat, où la condition autochtone ployait sous le code féroce de l'indigénat. En fait, la colonisation française ne fit que prolonger la présence ottomane plusieurs fois séculaire, où les Algériens, pressurés et discriminés par le makhzen étaient des sujets fiscaux et n'existaient que par leur contribution au trésor du Dey. Il n'y avait pas d'organisation judiciaire et les déclarés coupables étaient pendus à des crocs ou jetés aux flots au large de Bâb D'zira, les cadis reclus dans leur sanctuaire ne s'occupaient que des seules affaires de statut personnel.
Nos historiens seraient bien inspirés de s'intéresser à cette période méconnue, au lieu de gloser éternellement sur les exploits des corsaires Barberousse, qui, appelés à aider le pays à se défendre contre les Espagnols, commencèrent par étouffer le roi légitime d'Alger, Salem Ben Toumi, dans sa propre baignoire, avant de rattacher l'Algérie à la Sublime Porte. Sur un autre plan et dans un autre contexte, la Révolution algérienne, qui se présente dans le souvenir commun des peuples comme une étape capitale de l'histoire de l'humanité, a été dans le domaine des institutions incapable de produire une doctrine apte à l'indépendance de servir de fondement idéologique à l'édification des institutions.
Ni l'appel du 1er Novembre, véritable déclaration de guerre pour bouter l'ennemi hors des frontières, ni la plateforme salvatrice de la Soummam, organisant politiquement et militairement la lutte et encore moins le programme de Tripoli, simple compromis entre les différentes tendances de l'Algérie combattante à l'orée d'une libération inéluctable, n'en comblèrent le vide. Présentés comme fondamentaux par la propagande officielle, ils ne valent que par leurs caractères stratégique et historique et ni la justice ni l'administration n'en tireront profit.
Ce vide doctrinal, reflétant la nature spécifique du nationalisme algérien tourné exclusivement vers la libération du territoire, sera la cause dirimante de tous les dysfonctionnements qui enfoncent depuis des décennies nos institutions dans la confusion. Il continue allégrement, aujourd'hui, à desservir en particulier le cours de la justice, même si tant pour l'illusion ou que pour la bonne mesure, les gouvernements successifs s'étaient attelés, dès la libération à le combler par un recours inconsidéré à une législation française vieillotte, remontant parfois au Second empire.
L'hostilité des hiérarchies politiques à édifier une justice fondée sur le droit
Il est un fait rarement démenti que dans cette contrée légendaire d'Algérie, frondeuse et paradoxale à l'excès, les intérêts des gouvernants n'ont pas toujours correspondu aux vœux des populations et que toutes les irruptions violentes actuelles et passées contre les institutions naissent dans les périodes de divorce entre la société et l'Etat. Les exemples édifiants, où des individus et des groupes s'adonnant à tous les sacrifices pour préserver leur Etat se ravisant, ensuite, pour vider leur courroux sont légion, et la psychologie des foules ne trouvera nulle difficulté pour expliquer la causalité d'un tel transfert.
En fait, la causalité ne se trouve point dans la tendance suicidaire qui s'était exprimée durant la décennie noire sous les formes éculées du fanatisme religieux, non plus dans une inadaptation congénitale des Algériens à l'Etat, mais puise potentiellement dans l'hostilité croissante des hiérarchies à édifier une justice fondée. Et pour cause, cette hostilité s'était traduite essentiellement par la place étriquée attribuée à la justice par les différentes lois fondamentales du pays.
L'explication est qu'institution parmi d'autres, exerçant ses prérogatives dans le sillage du pouvoir unique, elle ne saurait prétendre à une quelconque autonomie, car comme le soutenait avec force le premier président de la République, le 12 août 1963, dans son discours au dernier congrès de l'Ugema : «L'autorité émanant du peuple est confiée au chef de l'Etat, désigné par le parti et il n'existe aucune autorité, y compris judiciaire, qui ne soit conférée ou confiée par lui. C'est de lui que les magistrats tiennent leur pouvoir, c'est à lui qu'il appartient d'intervenir, s'il arrivait d'en mal user.»
Cette conception singulière de la justice, que le Président éprouvera lui-même pendant sa longue captivité, imprimera particulièrement les Constitutions de 1963 et de 1976, qui la consacrèrent fonction spécialisée du pouvoir. La Charte d'Alger et la Charte nationale, qui leur servirent respectivement de référent idéologique, postulèrent une justice engagée conciliant les ordres de la loi et les intérêts de la Révolution, dilemme cornélien qui allait, durant des années, contraindre les juges à des exercices périlleux que d'aucuns, irréprochables et vertueux, payèrent de leur honneur et de leur carrière.
Cela se traduira, en pratique, par une condition judiciaire précaire où des hommes de loi, dépourvus de statut professionnel, végétaient des années à l'enseigne du contrat révocable avant de voir leur carrière normalisée. Mal payés, mal lotis et mal logés, ils étaient jetés comme des malpropres dans des contrées lointaines, exposés à toutes les tentations. Cette situation poussa les meilleurs à émigrer vers d'autres cieux plus sereins, tandis que d'autres attendirent que la retraite sonne. Remplacés au pied levé par une faune de besogneux, ils apprirent à leurs dépens l'ingratitude des hommes et des institutions. Il faut attendre les événements d'Octobre 1988 pour voir la situation évoluer quelque peu.
Elle se débloqua relativement avec l'adoption de la loi 24-11 du 6 septembre 2004, portant statut de la magistrature qui éleva la justice au rang de fonction supérieure de l'Etat, proclama l'inamovibilité de ses membres et restreignit leur responsabilité devant le seul Conseil supérieur de la magistrature, le tout auréolé d'une somme d'avantages sans pareil dans les pays arabes et africains. Malheureusement, ces mesures restèrent pratiquement sans effet, car l'étau des maux qui grippent la machine judiciaire procédant en premier lieu de la valeur intrinsèque des magistrats et des avocats.
La responsabilité collective des magistrats et des auxiliaires
L'efficacité de l'action judiciaire est tributaire, dans une large mesure de la collaboration de l'ensemble des personnels composant la famille judiciaire. Elle dépend, en premier lieu, du magistrat et de sa capacité à affronter les défis des temps modernes. Jusqu'à une époque récente, le souci de la fonction judiciaire était de veiller à la protection des personnes et des biens et apparaissait comme un ensemble de mécanismes permettant de concilier les droits des individus avec les exigences de l'ordre public.
Ce rôle classique se trouve aujourd'hui dépassé par le phénomène de la mondialisation, qui bouleverse de fond en comble l'ordre social et engendre des normes nouvelles avec lesquelles il faut dorénavant compter. Qu'il s'agisse des relations sociales, des transformations économiques, des libertés publiques, les mutations qui en découlent exigent de plus en plus des magistrats compétents et spécialisés, au moins bilingues, et ouvert sur le monde.
L'ordre public traditionnel cédant le pas, et par la force de l'époque où nous vivons, à un autre ordre public spécifique, le rôle nouveau du pouvoir judiciaire est de veiller à la défense de la société en s'investissant pleinement dans la nouvelle donne planétaire. Malheureusement, ce rôle se trouve aujourd'hui largement obstrué par le décalage immense entre la formation classique du juge et son inadéquation avec les réalités nouvelles. Et dans cet enchevêtrement des causes, le marasme qui mine le service public juridictionnel ne doit pas être recherché, nécessairement, dans un quelconque manquement des juges à leurs obligations professionnelles, mais le plus souvent dans le peu de proximité qu'ils ont avec les disciplines pointues de l'économie et des finances, ainsi que des techniques comptables et bancaires dont la maîtrise est nécessaire pour la diligence des affaires de grande délinquance économique.
Leur recours systématique aux lumières de l'expert risque de conduire à l'émiettement de leur pouvoir au profit de spécialistes, dont la loi situe le concours dans l'ordre des moyens et non de celui des fins. Cela dit et pour conclure sur ce chapitre, il faut reconnaître que beaucoup de juridictions ont depuis longtemps mis au débet certains anachronismes et opérer le redressement nécessaire. Ici, l'action des hommes a été salutaire. Ce sont des invisibles qui s'obligent à la vertu et ne recherchent ni souveraine ni gouverne.
La situation actuelle souffre corrélativement et surtout de l'apport précieux des auxiliaires de justice, notamment, les avocats. Contrairement au sens commun, l'administration de la justice, ou plus prosaïquement encore la manière dont elle est rendue, n'est pas l'apanage des seuls magistrats, mais se rattache à un certain nombre de personnels dont la compétence et le savoir-faire sont indispensables à la réalisation de l'œuvre de justice. La vérité est qu'en ce domaine, le barreau n'est plus ce qu'il était. C'est un monde en soi qu'il faut se garder d'appréhender avec les critères rationnels de la raison. Il faut plutôt le comprendre que de le juger.
Investi par le mal ambiant, il n'est plus le cadre d'antan où les membres se défient, se surpassent, s'investissent et assument l'idéal de justice. Ils endurent les mêmes problèmes que leurs collègues magistrats. Ils sont nombreux et se bousculent au portillon et n'éclairent plus comme jadis par la plume et la parole. Et pour faire simple, les audiences pâtissent cruellement et souffrent de la nostalgie des interventions oriflammes d'un Bentoumi, des répliques d'un Brahimi des grands jours, des envolées lyriques d'un Bouzida sarcastique, des proses châtiées d'un Zertal didactique, d'un Issad universitaire bien élevé ou du sérieux des Zerdani, homme et femme, beaux restes de l'épopée de Novembre.
Tout ce monde émérite, aujourd'hui disparu, vieilli ou attendant dans la pénombre, est une espèce en voie de disparition et ne risque pas d'être remplacé de sitôt, sauf si la providence qui rôde autour de notre vieux pays ne préserve leur corporation. Ils auront le mérite, comme disait César mourant, d'avoir longtemps vécu pour la nature et la gloire. La responsabilité incombe enfin aux justiciables. Qu'ils soient puissants ou misérables, appartiennent-ils à la gueuse poussiéreuse des bas quartiers ou à la bourgeoisie raffinée des hauteurs, les Algériens s'adressent à la justice pour croiser le fer avec leurs proches, leurs voisins, leurs employeurs.
Tout est matière à contentieux, les problèmes de famille, les relations de travail, les transactions. Cet exercice abusif du droit au juge, aboutit aujourd'hui à l'encombrement des rôles et au volume grandissant des affaires. La chancellerie s'échine, vaille que vaille, à résorber le phénomène en recourant à la multiplication des effectifs pour accélérer les rythmes d'évacuation et au système suranné des cadences pour contraindre les juges à régler, mensuellement, un nombre optimum de dossiers.
En vain et rien n'y fit, les tribunaux et les cours asphyxiés se voient au contraire infliger la malédiction de Sisyphe, personnage mythique de l'antiquité grecque, condamné par Zeus à faire pousser un rocher jusqu'au sommet d'une montagne, qui chaque fois lui roule entre les mains et l'oblige à descendre vers le bas. En vérité, les causes ne sont pas à rechercher dans l'importance du contentieux, mais plutôt dans de la législation dépassée, héritée du droit français. Régulièrement amendé, notre corpus de lois gagne à être revu dans l'imagination et l'intelligence pour s'adapter à l'air du temps.
En France, le toilettage est régulièrement effectué et des débats fructueux sont organisés autour des thèmes sensibles de la limitation des voies et délais de recours, la déjudiciarisation, la dépénalisation, la responsabilité du magistrat, la saisine du CNM par le citoyen et l'ouverture des audiences aux médias lourds pour permettre au citoyen de suivre directement les grands procès. Ces questions inédites suscitent, certes, des controverses, des polémiques et alimentent des chroniques, mais elles ont le mérite d'être soulevées, car elles ne manquent pas de pertinence.
Conclusion
En tout lieu et en tout temps, l'adversité des épreuves et la faiblesse des hommes confinent souvent à la critique de l'institution. Celle de la justice ne saurait échapper et faire exception. Si son thème ne cesse d'être récurrent, il n'est pas pour autant d'arrière-garde et tant mieux s'il mobilise encore. Car, comme l'écrivait un ancien professeur de droit, une République sombre dans l'anarchie lorsqu'elle n'est plus en mesure d'assurer ses fonctions de puissance publique, en particulier celle de la justice.


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