Rome (Italie) De notre correspondante Les partis politiques italiens d'extrême droite, notamment la Ligue du Nord connue pour les discours hostiles aux étrangers de ses leaders et pour les propos ouvertement racistes de ces derniers, n'ont pas encore digéré le choix fait par le président du Conseil italien, Enrico Letta, de désigner à la tête du ministère de l'Intégration un médecin d'origine africaine (République démocratique du Congo), Cécile Kyengé Kashetu. Cette parlementaire élue dans les files du Parti démocrate lors des élections de février dernier s'attire les insultes et les critiques des politiciens qui ne cachent pas leur hostilité envers cette ophtalmologue, militante pour les droits des immigrés. Il y a quelques jours, sur la page facebook d'une conseillère de la Ligue du Nord, dans la province de Padoue, Dolores Valandro, chargée de la santé, des politiques sociales et de la jeunesse, a posté ces propos odieux qui incitent à la violence contre la ministre : «Personne ne viole Kyengé, juste pour éprouver ce que les victimes de ce délit ressentent ? Honte à vous», suscitant un grand mouvement d'indignation. La présidente du Parlement italien, Laura Boldrini, assurant la ministre Kyengé de sa solidarité, a ainsi qualifié la sortie raciste de Valandro : «Il s'agit de propos inacceptables, teintés de racisme et de haine.» à quand le droit du sol ? Cécile Kyengé dérange par son franc-parler et ses positions en faveur des droits des immigrés. «Je ne suis pas ‘‘de couleur''. Je suis Noire et fière de l'être», avait-elle précisé dès sa nomination à l'encontre de ceux qui l'insultaient sur les forums sociaux, avec des épithètes honteux comme «guenon», «zoulou»… Militant pour l'instauration du droit du sol, la possibilité pour les enfants d'immigrés nés sur le sol italien d'accéder à la nationalité italienne et pour l'abrogation du délit de l'«immigration clandestine», la ministre africaine irrite les leaders de droite qui n'entendent la question de l'immigration que comme un «problème d'ordre public» et non comme un thème des droits de l'homme. Ce n'est pas la première fois que la ministre noire est insultée par des responsables du parti de la Ligue du Nord. Au lendemain de sa nomination, le député européen, Mario Borghezio, avait eu ses propos détestables contre Kyengé : «C'est un choix de merde… On dirait une femme au foyer.» Connu pour son racisme primaire, Borghezio avait cette fois suscité un grand scandale à Bruxelles et a été expulsé pour ses propos xénophobes du groupe EFD, l'Europe de la liberté et de la démocratie. Beaucoup d'Italiens ont encore du mal à se faire à l'idée que le pays compte également des Italiens noirs ou musulmans… Pourtant, la société italienne est devenue depuis plusieurs années un melting-pot, où le brassage d'ethnies, de langues et de confessions défile sans complexe dans les rues des métropoles de la péninsule. Les militants de la Ligue du Nord ne pourront pas se voiler la face éternellement. D'ailleurs, ces mêmes racistes d'extrême droite ne se privent pas d'exulter lorsque le footballeur d'origine ghanéenne, Mario Balotelli, marque des buts en faveur de la sélection italienne. Seulement alors, les Azzurri deviennent tous égaux face aux filets de l'adversaire, tous «fratelli d'Italia», comme entonne l'hymne national italien.