Le pays se distingue par sa position particulière dans la politique énergétique de l'Union Européenne et du Royaume Uni. Il a été identifié comme un marché prioritaire dans la politique de la sécurité énergétique internationale du département de l'Energie et du changement climatique britannique (DECC). En outre, un mémorandum d'entente sur l'établissement d'un partenariat stratégique entre l'Union Européenne et l'Algérie dans le domaine de l'énergie a été signé le 7 Juillet 2013 entre José Manuel Barroso, le Président de la Commission Européenne et le Premier Ministre algérien Abdelmalek Sellal. Mais, est-ce que l'impulsion politique pour sécuriser ces exportations signifie que les politiciens et les compagnies occidentales peuvent ignorer bon nombre d'abus des droits humains et renforcer leur soutien au régime algérien? L'Algérie est le plus grand pays d'Afrique et possède beaucoup de richesses minières et fossiles. Elle est le 3ème producteur de pétrole en Afrique, après le Nigeria et l'Angola. Elle figure aussi parmi l'un des dix plus grands producteurs de gaz naturel au monde (plus de 82 milliards m3 en 2011). Elle est aussi le troisième fournisseur de gaz naturel de l'Union Européenne (après la Russie et la Norvège). Le pays procure 10-20% de la consommation de l'UE et pourrait satisfaire quelques 10% de la demande en gaz du Royaume Uni dans les années à venir, à travers la nouvelle expansion du terminal de l'Isle of Grain dans la région de Kent [1], selon un récent rapport de la UK Trade and Investment Defence Security Organisation, une agence gouvernementale britannique [2]. L'Algérie détient aussi de vastes ressources de gaz de schiste, selon le département américain de l'Energie [3]. Le pays serait, selon ce rapport, le quatrième détenteur de resserves récupérables de gaz de schiste après les Etats Unis, la Chine et l'Argentine. Les compagnies multinationales Shell et Exxon ont déjà eu des discussions avec la compagnie nationale SONATRACH à propos de l'extraction du gaz de schiste, malgré l'énorme risque que cela pourrait avoir sur les nappes phréatiques du Sahara et l'économie nationale, puisque aucune rentabilité économique n'est garantie [4]. L'attaque terroriste de la base de British Petroleum à In Amenas (environ 1500 km au sud-est d'Alger) en Janvier 2013, a provoqué la mort de 39 ressortissants étrangers et d'un Algérien. Les éléments de l'armée algérienne ont pu abattre 32 terroristes. Le rôle de l'Algérie dans ladite "guerre globale contre le terrorisme" a été renforcé à la suite de ce drame, avec la consolidation des liens avec le pouvoir algérien. Cela pourrait contribuer à pérenniser un régime qui, selon l'indice de la démocratie dans le monde du « The Economist Intelligence Unit », établi en 2012, est classé parmi les 50 régimes les plus autoritaires au monde, occupant la 118ème place sur 167 pays examinés) [5]. Même si les autorités algériennes ont été critiquées sur la gestion de la crise par certains leaders occidentaux, ces derniers ont tout de même exprimé un soutient fort à Alger et ont promis d'augmenter leur coopération afin «d'éradiquer le terrorisme ». Le Royaume Uni n'a pas fait exception. Le Premier ministre David Cameron promettant une réponse globale à ce qu'il considère comme "une menace globale et existentielle à nos intérêts et à notre mode de vie". Il a effectué une visite historique en Algérie; la première de ce genre pour un Premier ministre en fonction depuis l'indépendance de l'Algérie en juillet 1962. Des phrases comme "combattre le terrorisme", "coopération sécuritaire" et "nos intérêts" ont souvent été des euphémismes pour "militarisation" et "deals économiques lucratifs". Ce ne sont que des mots qui cachent des desseins impérialistes. Ce langage fait partie d'un agenda diplomatique servant à promouvoir les intérêts européens et britanniques ; et à accroître leur influence en Algérie, tout en ignorant le despotisme et les abus. C''est la même approche qui a caractérisé les relations de l'Union Européenne et le Royaume Uni avec leurs autres alliés dictateurs, du temps de Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Égypte, balayés par les révoltes arabes. L'Algérie n'a pas connu de révoltes dudit « Printemps Arabe ». Les analystes s'accordent à dire que les Algériens ne veulent pas la reproduction d'un scénario qui aboutirait à une nouvelle décennie noire, d'autant plus que les propositions d'alternatives n'arrivent pas à gagner en visibilité, vu que le champ audiovisuel demeure fermé. Le pays, néanmoins, présente tous les éléments d'une poudrière: autoritarisme, développement inégal, taux élevé de chômage, pauvreté, corruption et népotisme endémiques, liberté d'expression politique étouffée, abus des droits humains, une jeunesse diplômée et sans débouchés, sans opportunités, et une élite gouvernante parasitaire. Le pays a connu un nombre de manifestations sans précédent entre 2010 et 2013, avec des grèves et des rassemblements répétitifs. En 2010 seulement, les autorités ont enregistré 11 500 émeutes, dont des manifestations publiques sur l'ensemble du territoire. Les Algériens expriment toujours leurs aspirations à la liberté et à la dignité à travers plusieurs organisations et associations, comme le mouvement des enseignants et des praticiens de la santé, ou le Comité National pour la Défense des Chômeurs, CNDDC). Ce dernier a pu mobiliser des dizaines de milliers de jeunes, surtout dans la région du Sahara, une région riche en pétrole et en gaz, mais qui subit une marginalisation socio-économique, à l'image du reste du pays, depuis longtemps. L'investissement britannique est en hausse en Algérie. Il est considéré suffisamment important pour justifier la nomination, en novembre dernier, de Lord Risby [6], envoyé spécial du Premier Ministre britannique, chargé du Commerce avec l'Algérie, ainsi que de la création du Conseil du Commerce Algéro-Britannique, ABBC [7], dirigé par Lady Olga Maitland. Lord Risby a déjà été impliqué dans la promotion des accords énergétiques avec des régimes répressifs, en faisant partie d'une délégation d'une mission commerciale pour l'Azerbaïdjan en 2012. Il visitera l'Algérie début Septembre et sera accompagné par une délégation commerciale très importante. Lady Olga est aussi la présidente et la fondatrice de Defence and Security Forum [8], un groupe de réflexion dans le secteur de la défense. L'Algérie a été désignée comme un "marché prioritaire" par l'Organisation Britannique du Commerce et de l'Investissement, de la Défense et de la Sécurité (UKTI DSO) en 2010/2011 [9]. Elle a été aussi invitée à Londres pour participer à DSEi 2013 (Defence & Security Equipment International), l'un des plus grands événements du circuit international des foires aux armes, mettant l'accent sur la disposition du Royaume Uni à accorder des ventes d'armes à l'Algérie, en dépit de rapports accablants de la part d'organisations non-gouvernementales comme Amnesty International, Human Rights Watch et UN Watch, qui présentent l'Algérie comme l'un des pires pays de la région en matière de respect des droits humains. La déclaration de David Cameron pour le renforcement du partenariat militaire avec l'Algérie dans le cadre de "la diplomatie énergétique" britannique vise à garantir l'accès à des ressources stratégiques en Afrique du Nord et à la sécurisation de leur approvisionnement. Cet objectif s'inscrit en droite ligne avec la perpétuation d'un ordre mondial, profondément injuste, en assignant un rôle exclusif de producteur d'énergie à l'Algérie dans la division internationale du travail. Il est donc naïf de croire au discours occidental (dans ce cas britannique) sur la promotion de « démocratie » et des « droits humains », quand on observe une collusion entre des puissances (comme le Royaume Uni) et des dictatures soumises et subordonnées à leurs intérêts (comme l'Algérie). Ce genre de tractations qui fait fi des droits humains et des aspirations démocratiques des Algériens est moralement inacceptable, et doit être contesté et soumis à un examen public par les sociétés civiles des deux pays. *Dr Hamza Hamouchene travaille pour « Plateforme », une organisation non-gouvernementale qui focalise sur l'impact social, économique et écologique de l'industrie globale des hydrocarbures. Il est aussi le co-fondateur d'une organisation basée à Londres : Algeria Solidarity Camapaign (ASC), qui milite pacifiquement pour une transition démocratique en Algérie.