C'est une première dans l'histoire du football algérien ! Ils étaient plus de 25 000 supporters originaires des quatre coins du pays à s'être déplacés, à Khartoum, la capitale du Soudan, pour soutenir l'équipe nationale qui a affronté mercredi son homologue égyptienne lors d'un match d'appui comptant pour la qualification au Mondial 2010. Un match remporté avec brio par les Fennecs par un but à zéro. Khartoum (Soudan). De notre envoyé spécial C'est une question de nif, de dignité nationale. Après la lâche agression qui a ciblé nos joueurs et nos supporters au Caire, je me suis fait un devoir de venir ici pour supporter l'équipe nationale et de la défendre au cas où les Egyptiens récidiveraient », a affirmé Abdellatif, le regard pétillant de rage et avide de revanche, un Constantinois d'une quarantaine d'années rencontré mardi soir à l'aéroport de Khartoum. Probablement, aucun pays d'Afrique ni même méditerranéen n'a vu autant de supporters partir à l'étranger pour prêter main-forte à leur équipe nationale de football. Air Algérie et l'ANP (Armé nationale populaire) ont dû mettre en place un pont aérien entre les capitales algérienne et soudanaise pour acheminer tout ce beau monde à Khartoum. Jamais autant d'avions n'ont été mobilisés en un espace de temps aussi court. La présence massive des Algériens a fait que les supporters égyptiens ont dû se faire très discrets. Ils n'ont réapparu que le jour du match. A l'aéroport international de Khartoum où les appareils algériens atterrissaient sans arrêt les uns après les autres deux jours durant, seul le célèbre slogan « One, two, three, viva l'Algérie » chanté à la gloire des l'équipe nationale a résonné sous le regard amusé et amical des voyageurs étrangers. Les Algériens gagnent le duel de la rue et la bataille des couleurs Deux jours avant la rencontre décisive, les supporters algériens avaient déjà habillé Khartoum aux couleurs de l'Algérie. Partout dans les rues de la capitale soudanaise, ils ont planté des centaines d'étendards algériens et ont défilé dans ses principales artères jusqu'à des heures tardives de la nuit à bord de véhicules et minibus loués pour la circonstance. Devant une aussi impressionnante déferlante verte, blanche et rouge, et de peur de se retrouver face à face avec les supporters algériens, les Egyptiens ont rangé leurs drapeaux et se sont cloîtrés dans leurs hôtels. Ils n'y sont sortis que quelques heures avant le match. La retraite égyptienne a permis aux supporters des Verts de monopoliser la rue et de remporter haut la main la guerre des couleurs et la bataille psychologique. Les galeries du Mouloudia d'Alger, de l'Usma d'Alger et de l'USM El Harrach, qui ont fait le déplacement en masse à Khartoum, ont mis un point d'honneur à recréer la même ambiance qui précède et qui succède les grands derbys algérois. Ils y ont mis tellement d'ardeur et de cœur que beaucoup de journalistes dépêchés sur place ont avoué qu'ils ont eu à un moment donné l'impression qu'ils étaient non pas à l'étranger mais plutôt à Bab El Oued ou à El Harrach. Pour couronner le tout, une banderole géante aux couleurs de l'USMH a été déployée aux abords du stade olympique de Khartoum qui se trouve dans le quartier d'Oum Durman. Autre détail à signaler : il y en avait une grande aussi du CSC. Mais sinon et ce n'est pas du populisme, inutile de dire que des supporters de tous les grands clubs du pays ont tenu à marquer leur présence à Khartoum. Cela est valable pour ceux de la JSK, du MCO, de la JSMB, de l'USM Annaba, de Aso Chlef, de Relizane… « Wallah, je te jure que j'ai abandonné ma femme, mes trois enfants et mon travail pour être aux côtés des Verts », lance Lahcène, un Bougiote qui a dressé son camp, avec ses compagnons, au siège de la Foire internationale du Soudan, un des endroits réservé pour héberger les supporters algériens. Cependant, certains ne sont pas restés sur place. Cela est valable surtout pour ceux qui en avaient les moyens. Ceux-ci ont préféré prendre des chambres dans les nombreux petits hôtels de la ville pour récupérer au maximum du trajet de 6000 km (près de 5 heures d'avion) qui sépare Alger de Khartoum afin d'être frais et dispos le jour du match. Frais, bien évidemment, pour supporter à fond les Verts de la première à la dernière minute du match ! La majorité des supporters algériens était constituée de jeunes chômeurs qui ont accepté de dormir à la belle étoile et de se priver de repas rien que pour soutenir les Verts. « Alabalek ya kho, tu sais mon frère, j'ai dû vendre mon portable et emprunter de l'argent pour acheter un timbre pour mon passeport et un billet d'avion pour venir ici. Maintenant, le plus important c'est que je sois là, à Khartoum. Pour le reste, je me contenterai de gâteaux secs que ma mère m'a préparés et de l'eau qu'on nous a donnée », témoigne Abdelmalek, un jeune Algérois, la veille du match. Les Soudanais et les supporters d'El Hillal acquis aux Algériens C'est le cas aussi de Zineddine, un chauvin des Verts originaire de Tizi Ouzou, qui a dû troquer trois boîtes de thon contre un ticket de bus pour se rendre au stade qui se trouve à une vingtaine de kilomètres du lieu d'hébergement de la galerie algérienne. Une galerie qui a eu le renfort précieux de quelques jeunes femmes et d'une grand-mère originaire d'Oran dont les youyous ont galvanisé les foules des supporters. Contrairement aux appréhensions exprimées en Algérie après la désignation du stade olympique de Khartoum pour abriter la rencontre entre l'Algérie et l'Egypte, l'équipe nationale et ses supporters n'ont rencontré aucune hostilité de la part des Soudanais. Mieux, les Verts ont évolué en terrain conquis puisque les Soudanais (hommes, femmes et enfants réunis) les ont, dans leur grande majorité, supporté avec enthousiasme. « Je soutiens l'Algérie pour au moins deux raisons. Primo, nous vouons un grand respect à votre pays et sa révolution. Deuxièmement, vous n'êtes pas comme les Egyptiens qui nous regardent avec condescendance et qui se croient le centre de l'univers alors qu'ils sont la risée du monde arabe. Votre victoire, incha Allah sera la nôtre et nous la fêterons comme il se le doit », répond, un drapeau algérien à la main, un vieillard soudanais à qui des jeunes viennent de demander pourquoi les Soudanais ont autant de sympathie pour les Algériens. Ce n'est pas tout. Le jour du match, de jeunes Soudanaises, habituellement très réservées, ont déambulé sans complexe aucun tout le long de la rue du Nil, enveloppées dans des drapeaux algériens ou vêtues du maillot de l'équipe nationale. Le spectacle était similaires dans les autres quartiers de Khartoum où la liesse s'est emparée avant l'heure des supporters et de la population. Le summum de la communion entre Algériens et Soudanais – auxquels se sont joints des Marocains et des Tunisiens – s'est exprimé au moment du match. C'est, en effet, dans un stade plein à craquer et occupé au moins aux deux tiers par des supporters favorables aux Verts, que les Algériens et les Soudanais ont, dans une étonnante complicité, repris en chœur leurs slogans respectifs et fait en sorte que les joueurs de l'équipe nationale se sentent chez eux. Devant une telle démonstration de force, la galerie égyptienne, asphyxiée dès l'entame du match par l'incroyable pression exercée par les supporters des Verts, a dû très vite jeter l'éponge. Tout comme leur équipe d'ailleurs. Le coup de sifflet final du match qui a opposé l'Algérie à l'Egypte a été suivi d'une explosion de joie dans tous les foyers de Khartoum. La ville ne s'est pas gênée pour célébrer la victoire de l'équipe nationale jusqu'au petit matin.