-Outre les soldats enrôlés, combien compte-t-on de résistants algériens volontaires durant la guerre 39-45 ? On aurait du mal à donner un chiffre. Dans mes recherches, j'ai trouvé des noms d'Algériens résistants déportés par les nazis, en Isère, dans les maquis de l'Ain, dans la montagne Noire du côté de Carcassonne… L'un d'eux s'appelle Rachid Kimoun, cousin du danseur, époux d'Eve Ruggieri. Il y a des stèles un peu partout avec des noms. J'y vais, je prends mon appareil photo, mais j'ai du mal, car on ne joue pas toujours le jeu avec moi. Seul le musée de Champigny m'a ouvert ses archives. En tirant le fil, on peut avancer. Et cela avancerait mieux si les autorités ministérielles concernées collaboraient. Il y a eu des déportés nord-africains, pourquoi n'en parle-t-on pas ? J'ai reccueilli des noms musulmans, si on cherchait un peu, on saurait leur nationalité. Sans parler des prisonniers de guerre, après la défaite de la France, en 1939. -Pour ce qui est strictement de la Résistance à l'occupation nazie entre 1940 et 1945, en dehors des centaines d'enrôlés de force, que sait-on des Algériens impliqués ? Il y a en a quelques dizaines. Sauf que lorsque je demande l'accès aux archives pour travailler dessus, on me dit qu'il n'y en a pas. En fait, elles sont stockées du côté de Poitiers. Du XIVe siècle jusqu'à aujourd'hui. On m'a opposé un refus, particulièrement parce que leur exploitation est réservée aux historiens. Récemment, le secrétariat d'Etat aux Anciens combattants a fait une exception. Je vais voir… -Il y a aussi les archives des associations patriotiques françaises. De ce côté-là, peut-on tirer des fils ? Non, sauf quelques noms que j'ai eus chez les Pionniers du Vercors. Le gars était gêné d'en parler parce qu'il avait fait la guerre d'Algérie. Il se demande comment on peut avoir été résistant en France puis révolutionnaire en Algérie. A Bourg d'Oisans, j'ai retrouvé une cinquantaine de noms de Maghrébins, dont certains sur des stèles. Morts pour la France. Mais on n'arrive pas à aller plus loin. Les archives sur les Nord-Africains, on a du mal. Comme s'il y avait une volonté d'effacer la mémoire. Expliquer que ces Nord-Africains étaient là, qu'ils se sont battus pour la liberté face aux Allemands, ça a du mal à passer. J'ai l'exemple du docteur Benhabib sur la fiche duquel il est noté «médecin, résistant», dès 1942. J'ai retrouvé une lettre de son commandant qui le propose à la médaille de la Résistance. On ne la lui donne pas, car il part en Algérie en 1945 au moment des événements du 8 Mai 1945. Il se bat en Algérie, donc il n'a plus droit à l'hommage en France. Si on l'honorait, cela expliquerait tout, les Français comprendraient que malgré ce que les Algériens ont fait pour la France, ils n'étaient pas considérés. Même des héros comme le Dr Benhabib. On comprendrait alors que face à l'injustice, il n'y avait pas d'autre solution pour l'Algérie que le combat. -Il y a aussi un certain Mecheri, auquel le chef de la Résistance, Jean Moulin, rend hommage… Il a été sous-préfet, puis préfet. Le premier préfet issu d'Algérie. Je cherche sa fille pour tenter de remonter la piste de son existence et de ses activités. Par son neveu, je sais qu'il y a eu des courriers dans lesquels Jean Moulin remerciait Mecheri pour son attitude pendant la Résistance. Si on pouvait, grâce à El Watan, remonter jusqu'à des personnes qui ont des informations et pourraient faire avancer la connaissance sur cette période, ce serait bien. Comme d'ailleurs c'est le cas pour d'autres, des combattants algériens, dont il faut lever l'anonymat. C'est le cas d'un H'mida Maâmar qui a pris le maquis en France pour mourir les armes à la main dans un combat contre les Allemands. Il faisait partie de la division alpine. J'ai demandé à l'Office des anciens combattants de rechercher des traces de cet homme, qui est considéré comme l'Algérien inconnu… Alors que des anciens combattants m'ont confirmé qui il était. Officiellement, c'est comme si je gênais. -2014 est le centenaire du début de la Première Guerre mondiale en 1914 et le 70e de la Libération de la France en 1944. Il faudrait qu'on pense aux Algériens qui ont combattu ou péri dans ces deux conflits… Oui. Les Algériens, il serait temps d'en parler. A Lyon, les Algériens étaient dans l'armée qui a libéré la ville, il n'y a même pas une stèle pour les honorer. Des Algériens ont saboté des machines dans des usines pour bloquer l'avancée des Allemands en 1940, ils ont été abattus, on a dit que c'était par racisme de la part des occupants. Ce qui est faux. 2014 est l'occasion d'écrire ces pages d'histoire. Il faut ouvrir les archives. Contre les blocages, 2014 devrait être une année décisive. Les autorités françaises doivent la vérité aux Algériens.