Le 8 Mai 1945 en Algérie, dans le nouveau contexte international né des conflits d'hégémonisme entre les Etats occidentaux, sonne le glas «des intérêts de la France sur ce territoire». Le 1er Novembre 1954, sa suite logique donne le la de l'agonie de l'Algérie française. D'ailleurs, cette appellation est tardive dans le vocabulaire coutumier colonial qui lui préférait colonie française. Quand on balaie le panoramique de la succession des faits ayant abouti aux accords du 18 mars 1962, la continuité du duel résistance/répression, surmonté de phases cycliques aiguës, n'a pas connu de répit depuis 1830. Les théoriciens des armées et administrations d'occupation, qui n'étaient tout de même pas de débiles profonds, parlaient de guerre ininterrompue qui dura donc plus de cent ans. Il semble opportun aujourd'hui d'explorer des axes de recherche dans le but précis de qualifier et judiciariser des faits que des auteurs politiques, universitaires, cinéastes, associatifs, romanciers s'entêtent à évoquer, par lacunes ou calculs, en termes réducteurs de massacres ou événements. Quelques traits rapides vont utilement rappeler la vocation belliciste du régime républicain français, issu de la chute du Second Empire en 1870, qui institutionnalise l'occupation militaire de l'Algérie, ayant généré le 8 Mai, avant de dénoncer la persistante dénaturation des faits par l'ex-belligérant, y compris par les voix des réputés solidaires des Algériens. Entreprendre la qualification exacte des faits induit inévitablement la recherche en responsabilité d'auteurs désignés et leur incrimination : on ne peut continuer à se contenter d'incantations et de complaintes contre x. On ne peut davantage occulter la complicité des organes institutionnels avec les exécutifs successifs. Le Parlement investissait l'armée, la justice s'exécutait au pas, l'université zélée cautionnait, d'où la nécessité, aujourd'hui, de disqualifier sa transmission minimaliste, voire sa transcription faussaire de l'histoire. La poignée d'universitaires contestataires ne peut servir d'alibi. – En Algérie, sous occupation française, il n'y eut jamais ni administration ni justice civiles Le gouvernement de défense nationale, constitué après la défaite sur le front de Sedan, place l'Algérie sous état de siège en 1871/72, qui sera prorogé et étendu en 1875 à l'initiative du gouverneur général. Une loi de juillet 1873 va affecter un corps d'armée, le 19e, à l'Algérie, qui deviendra commun à la Tunisie. La IIIe République, satisfaisant sa mystique du «Salut de la France par l'empire», va dépêcher des corps expéditionnaires sur plusieurs continents au nom de la mission civilisatrice et de sa fallacieuse devise qui a été rappelée lors d'une visite d'Etat escortée de péripéties peu diplomatiques : le 1er Empire avait tenté de franciser l'Europe, il va se contenter de franciser l'Algérie. De 1834 à 1879, tous les gouverneurs étaient des généraux, voire maréchaux ou amiraux du 1er Empire. Le régime républicain va y placer quelques civils radicaux. Un secrétariat permanent de la défense nationale est créé pour assister le gouverneur général. Le cabinet civil n'a qu'une compétence résiduelle, se limitant aux dossiers auxquels le cabinet militaire ne trouve pas d'intérêt. En août 1898, un décret investit le gouverneur général des attributions militaires, lui donne autorité sur les commandants en chef du 19e corps et de la marine. En temps de paix comme en temps de guerre, il est le seul responsable des mesures pour la défense et la sécurité de la colonie. Suivirent les lois de 1906, 1922, puis de 1934 qui lui adjugent le commandement aérien «couvrant l'Afrique du Nord, concernant la participation des forces aériennes aux opérations de police, de sécurité intérieure, de pacification et de pénétration saharienne entreprise sur le territoire de l'Algérie». (Décret JO 18 avril 1934). Côté institutions judiciaires, l'armée exerce un contrôle sur les tribunaux indigènes, et les conseils de guerre constituent le régime pénal de droit commun ; autrement dit, ils sont les ancêtres des tribunaux permanents des forces armées (TPFA). En 1928, le code de justice militaire dresse le tableau des officiers des circonscriptions siégeant au tribunal militaire qui avait la direction de la police judiciaire et était chargé de l'exécution des jugements. Les fonctions de commissaire du gouvernement et de juge d'instruction étaient remplies par des officiers constituant un corps autonome, à hiérarchie propre, relavant du ministre de la Guerre. Les cours criminelles séparées demeurent en vigueur jusqu'en 1940, elles sont justifiées par «les nécessités de l'occupation et la sécurité de l'occupant». Si les festivités du centenaire présumaient déjà de la qualité française de l'Algérie, dix ans plus tard, le président du conseil P. Reynaud, en larmes sur les ondes, rassurait ses compatriotes fuyant devant l'avancée des troupes allemandes en leur rappelant que «les Allemands ne sont tout de même pas des Sarrasins». Lesquels Sarrasins, de tout le Maghreb, seront envoyés en première ligne dans les Abrusses et ont fait sauter le verrou de Monte Cassino, avec pertes équivalentes aux effectifs engagés. Le 19e corps d'armée va collaborer avec Vichy. Alger va devenir alors le théâtre de furieux règlements de comptes et de troubles enjeux. Se succédèrent quelques assassinats inattendus (Darlan, J. Moulin, J. Zay, G. Mendel), ce qui laissera place nette à de Gaulle, à la tête du gouvernement provisoire, constitué à Alger, en juin 1944, après qu'il ait marqué un point supplémentaire en exécutant P. Pucheu, ministre de l'Intérieur de Pétain, pourtant rallié à Alger. D'autres collaborateurs notoires auront plus de chance, comme R. Léonard, par exemple, futur gouverneur général, qui n'a quitté l'administration de Vichy qu'en juin 1944. La restriction d'accès aux documents essentiels établit la présomption que les assassinats de masse dans le Constantinois ont été planifiés par lui avec le 19 e corps et Chataigneaux, rappelé de Kaboul pour occuper le poste de gouverneur général avant de retourner chez lui, en août 1944. C'était en sorte le premier plan de Constantine. Ignoré lors des conférences de l'Atlantique et de Téhéran entre Roosvelt et Staline, de Gaulle prétend prouver que la France, humiliée par sa défaite éclair dans un conflit régulier peut se prévaloir d'une position prépondérante en Méditerranée et ainsi se pousser du col sur un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies… fort de l'exploit d'avoir noyé une population désarmée dans son sang. On se grandit comme on peut ! – Le 8 Mai 1945 n'est pas un épiphénomène, au bout d'un siècle d'occupation, il s'inscrit dans la pratique récurrente de la pression par l'effusion de sang pour obtenir une rémission du mouvement de libération. «Nous visions l'Algérie à sa jeunesse pour couper les chances au conflit de redémarrer dans les dix ans» (Pierre Nora). L'ampleur de son retentissement tient à l'avènement de la nouvelle donne internationale. Auparavant, le corps expéditionnaire avait perpétré des faits similaires, dits par dérision génocides à la bonne franquette, sans autant de résonance, les moyens de communications étant autres. De Gaulle annonçait ainsi sans équivoque le traitement réservé à toute velléité de revendications. Il est vrai qu'il nourrissait alors le délire d'une Afrique française du Nord comme théâtre de repli stratégique si un conflit venait à éclater en Europe, venant de l'Est. Il préparait donc la France à s'installer dans une guerre contre l'URSS… et les Algériens. Si les faits du 8 Mai ont été l'objet d'innombrables études et exégèses, la question de leur qualification reste entière : curieusement, les auteurs français, voire quelques Algériens, se limitent aux termes massacres, événements et ainsi collaborent à la dénaturation des faits. Il convient de les interroger sur leurs motivations en faveur de cette altération. Le premier objectif consiste à rectifier ces appellations minimalistes, vecteurs de falsifications entérinant la version officielle française. Le sujet connaît un regain d'intérêt depuis 1995, parce qu'il est générateur de publicité… et de dividendes, mais pas dans le sens de l'établissement de la vérité et encore moins de la recherche en responsabilité. Les chercheurs privilégiés, pour accéder aux cotes non librement communicables s'en tiennent aux restrictions édictées par les autorisations dérogatoires. La simple relation détaillée des opérations, devenue banale, est d'importance secondaire. Non assortie de la désignation nominative des maîtres d'œuvre, elle s'apparente à une spéculation sur le sang des Algériens. Nul n'a acté pour consulter les cotes contenant les pièces qui donnent lieu aux vagues formules, lourdes de sens des historiens militaires : dépassements, nettoyage des gorges de Kherrata, mouvements inexpliqués d'écrous… – Le 8 Mai remplit les critères retenus par les conventions internationales et textes subséquents, dont le code pénal français, qualifiant le crime de génocide Au lendemain de la défaite allemande, en août 1945, les alliés ont édicté le statut du tribunal militaire international de Nuremberg, annexé à l'accord de Londres, pour connaître des crimes commis pendant la guerre par les vaincus. La cour de cassation française va l'inclure dans l'ordre juridique interne et s'y référer pour juger les crimes commis dans la France sous occupation, en visant son article 6 qui définit la notion de plan concerté. Elle vise également la convention des Nations unies de 1948, pour la prévention et la répression du génocide qui en son article 2 le définit. Elle va élaborer une jurisprudence dans une cinquantaine d'arrêts, rendus de 1948 à 1998 environ, sur des faits qui se sont déroulés sous le régime de Vichy, dit l'Etat français, soit pendant 4 ans et donc antérieurement au 8 mai 1945. L'Assemblée nationale française adoptera le nouveau code pénal, en vigueur depuis 1993, qui inclut cette construction jurisprudentielle et qualifie le génocide et les autres crimes contre l'humanité. De l'examen de quelques arrêts, il ressort que la chambre criminelle qualifie de crime les actes perpétrés au nom d'une «politique d'hégémonie idéologique», y compris lorsqu'ils sont commis «contre les adversaires de cette politique, quelle que soit la forme de leur opposition». Elle consacre donc le droit de combattre le système ou l'Etat qui pratique une telle politique. Questions subséquentes : la doctrine coloniale, imposée et maintenue en Algérie à l'aide de faits et d'actes notoires et surabondants et pour des mobiles évidents jusqu'à 1962, remplissait-elle les critères retenus par les magistrats pour qualifier «la politique d'hégémonie idéologique». Ceux qui s'en tiennent aux euphémismes «massacres ou événements» devraient nous dire quel serait, selon eux, le critère manquant aux éléments constitutifs des crimes de génocide et contre l'humanité dans le cas d'espèce du 8 mai 1945 dans le Constantinois. A moins que ce critère manquant ne soit induit par la qualité ou plutôt le défaut rédhibitoire des victimes, d'être seulement indigènes, et circonstances aggravantes, de race arabe et de religion musulmane. Défaut qui les déposséderait de toute qualité à agir, voire de l'exercice de leur droit à la mémoire. Y aurait-il également un seuil requis du nombre de victimes pour qu'un massacre d'indigènes mérite la qualification de génocide ? Y aurait-il, selon eux, des victimes de meilleur teint que d'autres ? Signalons que le statut de Rome de juillet 1998, créant la CPI (Cour pénale internationale) a consacré le principe de non rétroactivité. Normal. Elle est une création des 5 membres permanents du Conseil dit de sécurité dont la France qui ne l'a ratifié qu'en s'assurant qu'il ne pourrait recevoir d'application rétroactive, cette crainte ayant été débattue à l'Assemblée nationale. Sur ce point, il serait facile de lui rafraîchir la mémoire et répliquer justement qu'elle avait abrogé ce principe par sa législation d'exception applicable aux Algériens. Enfin, le Conseil d'Etat dans sa séance du 5 avril 2002, statuant au contentieux, engage la «responsabilité de l'Etat» dans ce qu'il qualifie de faute de service d'un fonctionnaire agissant sous l'administration de Vichy. Ce qui traduit un véritable revirement de jurisprudence. Décision qui fut suivie par un jugement du tribunal administratif de Paris du 27 juin 2002, qui énonce : «Qu'en raison du principe de la continuité de l'Etat, la nature de son régime institutionnel et de ses fluctuations au cours de l'histoire ne saurait interrompre sa permanence ou sa pérennité, que l'Etat républicain instauré par la Constitution du 4 octobre 1958 doit assumer la totalité de l'héritage de ses prédécesseurs.» Par analogie, les Algériens ne peuvent légitimement moins attendre qu'une reconnaissance par la Ve république de sa responsabilité d'Etat et assumer la totalité de l'héritage de la longue succession des régimes antérieurs. Personnellement, j'ai débattu à maintes occasions du 8 Mai et ai entendu, entre autres, que ce n'était pas un génocide, puisque «c'était seulement pour faire peur aux Algériens». Et également que l'extermination n'était pas le but poursuivi par la France. Certains Algériens devraient penser à réparer leur ingratitude et présenter des excuses… d'en avoir réchappé. Dans l'intérêt de la progression de l'instruction du dossier de la présence française en Algérie, il est impératif de mettre un terme aux évasives déclarations incantatoires et aux complaintes contre x. Le séquestre maintenu par la Ve République sur les archives du 8 Mai a pour mobile la soustraction des pièces afin d'entraver l'administration de la vérité contenue dans les cotes du corps d'armée de Constantine de 1941 à 1950 répertoriées au SHD (Vincennes), qui administrent la preuve de l'exécution d'un plan concerté. Un faisceau de présomptions concordantes engage la responsabilité du président du gouvernement provisoire. Seul l'accès sans restrictions à ces actes permettrait, hypothèse hautement improbable, de dégager la responsabilité de de Gaulle. D'ailleurs, le débat sur l'amnistie ne vint au rôle de l'Assemblée consultative qu'après sa démission en 1946. – A ce jour, les timides avancées diplomatiques n'ont pas été suivies de gestes probants. L'Algérie devrait-elle admettre comme tort que des bataillons de jeunes, à peine sortis de l'adolescence, se soient résolus à offrir leur vie pour arracher la libération de leur patrie ? La prétention exprimée par la voix d'un chef de mission en poste à Alger, de voir l'Algérie faire une partie du chemin dans un geste de conciliation relève de l'indécence. Attraire la question sur le registre sentimental est inapproprié, voir douteux. Comme chacun sait, les Français se réclament du cartésianisme. Cela sonne comme le thème favori de l'ancien gouverneur M. Violette qui se disait assuré de «l'amour des non-citoyens pour la mère patrie», lors du débat sur l'amnistie de 1946, avec Papon officiant à titre de conseiller du ministre de l'Intérieur. Il y était d'ailleurs interdit aux députés non citoyens de traiter Archiary de criminel. Logique, il était l'exécuteur des ordres de Chataigneau, l'homme de main de de Gaulle. La remarque concerne aussi les responsables des partis se disant amis de l'Algérie. Aucun d'eux n'a assorti ses déclarations affectives de gestes concrets dans l'exercice de leur législature, par exemple initier un projet de loi de restitution des archives. Seule une confrontation d'opinions réellement contradictoires, qui n'a jamais eu lieu à ce jour, ni à l'université, ni dans les instances politiques, ni au Parlement, peut mettre un terme salutaire à la version unilatérale et aux discours pro domo. On reste saisi par les réminiscences chez les historiens, pléthoriques, réputés spécialistes, des postulats énoncés jadis par les services d'action psychologique. La première et dernière victime des 5e bureaux reste l'université. Lacheroy avait tenu sa conférence le 2 juillet 1957, non pas à l'Ecole militaire, mais dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. L'université a été le 3e godillot de l'armée, après le Parlement et la justice. Si deux organes de presse algériens ont diffusé la nouvelle d'un colloque sur les massacres (!!!)…, se tenant à l'auditorium de l'hôtel de Ville, force est de constater qu'il n'est annoncé par aucun circuit, ni organe d'information en France, pas même sur le site de la Mairie de Paris. Qui est à l'origine de cette rétention ? Et pour quels motifs ? Le procédé est coutumier : invitations limitées à un réseau d'acquis pour éviter tout débat réellement contradictoire et surtout pas d'Algériens qui ne s'en tiennent pas au rôle traditionnel de faire-valoir. Il est vrai que la lune a besoin de la nuit pour briller. La dépêche reproduite par l'aps, datée du 25 avril 2009, a le mérite d'offrir un échantillon significatif des falsifications charriées par la version unilatérale française : dater les origines de la guerre en 1945, c'est retarder de plus d'un siècle ; il est également archifaux, au moins chronologiquement, d'affubler la guerre de libération de l'habillage pseudo légal de l'autodétermination, dans le but d'éviter à de Gaulle/Debré de reconnaître la déroute infligée par une armée de l'ombre. L'innovation de l'agrégé Peyroulou vaut son pesant d'aplomb d'abus de crédulité : le 8 mai 1945 préfigurant l'oas, c'est Degueldre qui doit rugir de plaisir dans sa tombe ! Le subterfuge, à l'évidence, tente d'occulter les pratiques criminelles inhérentes au régime républicain. En réalité, Achiary qui n'était pas seul, tout comme Degueldre, héritiers du raciste J. Ferry, sont bel et bien représentatifs des créatures qui pullulaient dans les administrations des républiques à soldats. Et ils seraient seulement coupables de violences. La délicatesse du terme mérite d'être saluée. – L'interprétation de faussaires aussi Il est vrai, logique immanente, qu'ils se retrouveront en janvier 1960, Bd Laferrière pour tirer, cette fois-ci, sur les gendarmes qui eux avaient bien mérité du crime de guerre, en août 1955, à Collo/Skikda/El Alia : 12 000 femmes, enfants, adolescents, vieillards assassinés sur incitation du maire Benquet-Crevaux et instructions de J. Soustelle, documents toujours inaccessibles. Le chiffre est reconnu dans une récente publication du service historique de la Gendarmerie nationale. A lui rappeler tout de même cette vérité banale puisée aux jorf, que les votes des lois d'exception sous les exécutifs successifs étaient bien antérieurs à la création des commandos Delta. Ce serait donc le sous-préfet Achiary qui dictait les lois aux Mendès-France et Edgar Faure. Mille parlementaires, censés représenter cinquante millions de Français s'adonnaient, comme des maquignons, dans des milliers de pages de débats, au tri sélectif des Algériens. A cette différence près que les maquignons n'ont jamais envoyé à l'abattoir que du bétail. De Gaulle, l'homme du 8 mai 1945, de la pollinisation au plutonium du massif du Hoggar, de l'atomisation de l'écosystème et des populations du Tassili, du 17 octobre 1961 et qui coupait les Algériens en deux, derrière les murailles des forts, au fait connaît-il ? – Après le 8 Mai 1945, les exécutifs successifs de la IVe République, croyaient-ils à un iota de chance de maintenir l'Algérie sous occupation ? Il était, pourtant bel et bien annonciateur de la nature déterminée du duel final. Les Algériens, le deuil amorti, commencent le tissage des réseaux de la clandestinité en revisitant les classiques de la guérilla ancestrale, avec l'innovation de la guerre subversive. Le 8 mai 1945 eut pour corollaire de structurer la personnalité, de forger la détermination de la génération d'élite qui va s'assigner une obligation de résultat et combattre jusqu'à la libération : «Les rebelles, acculés au combat, font très souvent preuve d'un acharnement qui conduit à leur extermination» (note de service signée R. Salan). Dans la décennie, il procréa le légendaire groupe «des 22» visités par le génie de la révolution. Désormais, les Algériens ne feront plus seulement ce qu'ils peuvent mais feront ce qu'ils veulent. Le peuple algérien entame sa courageuse et douloureuse marche irrépressible pour sa libération. Parmi ces jeunes, Mohamed Ben Sadok, 26 ans, lors de sa comparution devant le tribunal permanent des forces armées à Paris, en décembre 1957, va impressionner en maîtrisant de bout en bout les débats. Il avait tiré une seule balle de pistolet à travers la poche de sa veste sur A. Chekkal, vice-président de l'Assemblée algérienne, entouré de son service d'ordre, à la sortie d'un match de football. Il se laissa arrêter. Il posait un regard calme et distant sur les anciens gouverneurs généraux défilant à la barre pour tresser des couronnes au fidèle serviteur de l'Algérie française. Aux questions du colonel commissaire du gouvernement et du président du tribunal, Mohamed Ben Sadok précisa sobrement, sans aucune émotion dans le regard ou la voix, devant un auditoire de personnalités dont J. P. Sartre cité comme témoin par la défense, que pour lui, tout a été arrêté en 1945, à Annaba où il est né. Il avait quatorze ans. Le combattant emblématique, salué par un éditorial d'El Moudjahid, qui a subjugué le prétoire, témoins, journalistes et magistrats compris. En conclusion, l'organe institutionnel qui doit être interpellé, en priorité, comme maître d'œuvre de la législation d'exception et du transfert des compétences à l'armée, est le Parlement. Il n'a passé qu'un demi-aveu, dans sa loi de 1999, en se prévalant de ses faux alibis sur la négation de l'état de guerre en Algérie. Il a obligation de répondre de son acharnement à affranchir la France du respect des conventions de Genève de 1949, pourtant ratifiées par elle, avec les conséquences que l'on sait sur le nombre des exécutions extra judiciaires des djounoud et des civils. La solution logique consiste à voter une loi pour la levée de l'interdiction d'accès en vigueur, frappant les cotes essentielles des archives présidentielles et ministérielles (exécutif, cabinet, Justice, Intérieur, Défense), afin de mettre un terme à la procédure de communication dérogatoire, violant le principe d'égalité. La majorité actuelle, qui légifère activement, peut la faire voter en moins d'un semestre. Les parlementaires des partis d'opposition, amis de l'Algérie, y joindraient leurs voix. Pour progresser sur le chemin de la vérité, il devient indispensable de se démarquer du langage des us diplomatiques, incompatible avec la rigueur scientifique. Alors que la loi du 15 juillet 2008 entrait en vigueur, le Premier ministre de la République, F. Fillon, dans son allocution à Alger en juin 2008, déclarait que les archives sur le 8 Mai 1945 sont en quasi-totalité accessibles. Je lui ai adressé, par voie recommandée, un extrait du répertoire du Service historique de la Défense, énumérant les cotes du corps d'armée de Constantine : en marge de la totalité figure le signe «non communicable». J'ai sollicité, en opportunité, son avis favorable autorisé pour leur mise en accès libre afin que nul n'en ignore. L'administration de la vérité est également due au peuple français. Pourquoi de Gaulle/Debré s'entêtaient-ils à envoyer de jeunes Français à la mort, alors savaient la cause entendue ? Enfin, il demeure surprenant que soient interprétées comme déclarations d'hostilités la moindre légitime revendication sur leur patrimoine et l'exercice du droit à la mémoire des Algériens. Notes et sources : – L'ordre de bataille du 8 mai 1945 est répertorié au shd sous la cote 1 H 4533-1, non communicable. Le commandement était assuré par le général de corps d'armée Henry Martin, le général de brigade Pierre André, le général de division Charles Magrin-Verneray dit Monclar. Ils se retrouveront à la tête de la 10e Région militaire qui entre en fonction en 1946 et vont s'adonner au maillage militaro-administratif tentaculaire de toute l'Algérie, forts des leçons du 8 mai. Les cotes du corps d'armée de Constantine sont répertoriées sous le n°2810 à 2871, non communicables (demande de consultation dérogatoire en cours de traitement). – Code pénal français/Livre II- 1er : Des crimes contre l'humanité Chap. 1er, Du génocide, art. 211-1 «Constitue un génocide le fait, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial, religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l'encontre des membres de ce groupe, l'un des actes suivants : – atteinte volontaire à la vie ; – atteinte grave à l'intégrité physique ou psychique ; – soumission à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ; – mesures visant à entraver les naissances ; – transfert forcé d'enfants. Chap. II – Des autres crimes contre l'humanité, art. 212-1 «La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile sont punies…» – Loi n°99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l'expression «aux opérations effectuées en Afrique du Nord», de l'expression «guerre d'Algérie». – Les débats parlementaires sur microfiches, d'accès et de reproduction libre et immédiate au siège du JO. et l'Espace documentation/Librairie Sénat. – Conseil d'Etat n°238-689 – Séances du 5 avril, contentieux, Papon. – Tribunal administratif de Paris – Audience du 27 juin 2002, Fédération nationale des déportés et internés. – La guerre psychologique d'après l'abondante littérature du général P. Ely, devait enlever aux Algériens l'envie de résister et «faire des femmes des agents de pacification». Shat 1 H 2461 D 1 : Action sur les milieux féminins en Algérie, non communicable. – Note de service signée Salan, 19 mars 1958, 10e Région militaire, état-major – 6e bureau (interdiction de reproduction). – Article procès Ben Sadok : tpfa Paris décembre 1957 (Le Monde, L'Humanité) – La loi du 15 juillet 2008, incorporée à la loi sur le Patrimoine, allonge les délais de prescription et crée une nouvelle catégorie d'archives incommunicables. (Le tribunal administratif de Paris est saisi, à mon initiative, d'un recours contentieux sur l'interprétation et l'application d'un de ses articles, invoqué dans un avis négatif de consultation dérogatoire de la Cada, en date du 25 juillet 2008). L'auteure est chercheuse, indépendant de tout lien de type hiérarchique, spécialiste en législation pénale coloniale