J'aimerais, avec vous, me souvenir de deux personnes diamétralement opposées et pourtant complémentaires : le regretté professeur Boucebci, si tranchant dans ses justes diagnostics sur les situations sociales de notre société, et notre ami Témi Tidafi, homme de compromis et fédérateur autour d'une idée qui était devenue sa principale obsession. «L'enfant est né pour être heureux.» Pour avoir fréquenté ces grandes figures humanistes, il me reste l'image de cet éternel pourfendeur des ministres qui se sont succédé à la Santé et qui, hélas, nous ont laissé un système sinistré que nous subissons à ce jour et dont il a prévu l'avènement. Derrière des propos cinglants, il montrait pourtant un visage souriant, affable et amical à toutes celles et tous ceux qui partageaient quelque peu ses petits et grands combats, et ce, avec modestie et humilité. Lors de la préparation et de la tenue du premier Forum méditerranéen de la petite enfance, il était l'homme à tout faire, de communicateur scientifique, il ne rechignait pas aux tâches multiples d'organisation, allant jusqu'à négocier un dîner offert à toutes les délégations présentes à Alger. C'était en pleine période de la guerre du Golfe, qu'on a oubliée, le temps d'une soirée festive mais riche d'échanges qui ont permis la création, à Alger, de l'Institut méditerranéen de la petite enfance (IMPE). L'autre joyeux et sympathique personnage n'est autre que Témi Tidafi. Ce fut avec lui un début d'amitié, amitié qui a duré jusqu'à sa disparition. J'étais, il faut l'avouer, subjugué par ses convictions, sa pugnacité, son humilité aussi, et une certaine naïveté, je dirais «juvénile». «L'enfance au cœur», «les enfants sont nés pour être heureux» sont autant de mots d'ordre de vérité et d'innocence qui ne pouvaient que nous émouvoir et nous mobiliser, nous, mais aussi toutes et tous les jeunes bénévoles qui ont rejoint l'association et ont tout donné sans demander à recevoir. Permettez-moi, en votre présence, aujourd'hui, où la fondation Boucebci honore la mémoire de Témi Tidafi, de rendre tous les hommages à ces jeunes filles et à ces jeunes garçons pour leur bravoure et leur magnifique générosité. C'est qu'elles et qu'ils ont été à bonne école, celle que Témi leur a offerte. Ce fut là l'homme de l'ouverture, l'homme du dialogue, l'homme du rassemblement de personnes si diverses qui, spontanément, ont mis leur expérience au service de la défense de l'enfant et particulièrement de l'enfant privé de famille, «el yatim» (l'orphelin).Ces hommes et ces femmes ne sont autres que Djillali Belkhenchir (dont je salue la présence de sa veuve parmi nous), Mahfoud Boucebci (qui, à titre posthume, nous offre l'accueil dans les murs de la fondation qui porte son nom), Leïla Aslaoui, Miloud Brahimi, Mahrez Aït Belkacem, Mme Agli, moi-même (alors jeune directeur de l'action sociale au ministère du Travail et de la Protection sociale) et bien d'autres encore. Témi fut un militant, à sa manière, des «droits de l'homme» ou plutôt des «droits de l'enfant». Il fut l'initiateur de la création de l'Association algérienne de l'enfance et des familles d'accueil bénévole (AAEFAB) qui a été conçue comme une association de partenaires et non comme une entreprise familiale. Cette association, reconnue nationalement et internationalement, reste l'héritage de ses fondateurs et de ceux qui ont adhéré à ses nobles principes. C'est là le message que nous laisse Témi ; nous le respectons et nous sommes fidèles à son combat. Aujourd'hui, comme hier et comme demain, il mérite notre respect et notre considération.