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«Fragments d'un discours amoureux»
Publié dans El Watan le 08 - 11 - 2014

L'Algérie a engagé, depuis plus de dix ans, un programme ambitieux afin d'espérer atténuer considérablement, voire effacer, les besoins à satisfaire en matière de logements, d'équipements et d'infrastructures diverses. Si, à ce jour, tant bien que mal, contenir les ensembles de logements dans un cadre urbain doté au moins des viabilités nécessaires a pu se faire, il reste néanmoins à définir des règles, mesures et outils nouveaux pour enrayer toutes les difficultés qui persistent et empêchent de le hisser à un niveau de production de qualité.
Ce n'est pas faute de moyens mis en branle, mais bien à cause des insuffisances de la législation en matière d'Urbanisme, des lourdeurs des procédures, de la faiblesse des qualifications et moyens de maîtrise d'ouvrage, d'études et de réalisations urbaines. Il faut dire que l'urbanité, c'est beaucoup d'efforts des institutions et collectivités, mais c'est surtout l'affaire du citoyen. A cet égard, nous sommes pourtant les dépositaires d'un héritage, profondément ancré et vivant encore dans nos mœurs et comportements, balayé trop vite par une «modernisation» imposée.
Malgré le recul de leurs fortunes et les méfaits de certaines attitudes négatives en leur sein, nos médinas et ksour restent la trace vivante des sédiments culturels et historiques qui en ont enrichi le socle. Plus de deux millénaires ont servi à en raffiner les structures, dans une continuité historique jamais démentie, même pas par les changements de confessions que nous avons connus. Dès l'aube des civilisations urbaines, les premiers comptoirs phéniciens ont étendu sur nos côtes les prémices de l'organisation raisonnée des établissements humains. Nous en avons retenu les principes et adopté les règles pour ériger les capitales et cités de nos premiers royaumes.
La ville dite romaine, en Algérie, doit beaucoup au génie bâtisseur autochtone, ce que ne révèlent que depuis peu des recherches qui n'ont plus pour mission d'en effacer la trace, au prix d'une falsification de l'Histoire, comme il a été établi pour les fouilles de l'ère coloniale, mais bien d'en prouver la particularité et affirmer l'originalité. Devenus borgho, burgos, burrough et bourg, en Europe, pour désigner une petite ville fortifiée à l'époque médiévale, l'invention des bordjs par le général byzantin Solomon, au moment de la reconquête du pays sur les Vandales, eut lieu en terre algérienne.
Nous en avons gardé de précieux exemples (Tébessa, Sétif…). La civilisation musulmane renforça et agrandit les villes des époques historiques précédentes. Les chefs-d'œuvre urbains construits sous la bannière de l'islam sont le produit de savoir-faire portés et confortés par des savoirs consacrés de très longue date. Toute cette épaisseur historique, beauté et majesté des villes, la conquête coloniale l'a rendue inopérante en l'espace de quelques batailles, effaçant du coup les repères de notre urbanité. Nous resterons malgré cela, à jamais, le peuple qui a érigé Cirta sur un site unique au monde.
La Pentapole du M'zab qui fascine les architectes du monde entier, comme la beauté d'Alger et d'autres villes encore, sont notre contribution incontestable et définitive au Patrimoine bâti de l'Humanité. Personne ne peut le nier ni nous dépouiller de ces sources de fierté légitime. Nous sommes les légataires du génie dont nos ancêtres ont su faire preuve, dans l'affrontement d'éléments paraissant insurmontables a priori, pour arriver à réunir les moyens et trouver la force et l'organisation nécessaires pour l'édification de ces trésors. Nous pouvons à tout moment en faire preuve à notre tour.
L'inauguration violente de l'ère moderne a relégué en Algérie toute agglomération préexistante au stade de cadre de vie cerné par des murailles, éventrée par des percées et confinée au rôle d'aire de résidences jugée désormais «insalubre» réservée aux seuls «indigènes», alors que des parties entières étaient carrément rasées pour laisser place aux lieux d'affirmation de la puissance de l'armée d'occupation, casernes et places d'armes, une nouvelle ville, dite européenne, prenait naissance sur ses flancs ou en son sein.
Nous sommes restés, plus d'un siècle durant, entassés dans la première ville qui dépérissait chaque jour, et à peine tolérés dans la deuxième, lieu d'épanouissement exclusif d'une société occidentale constituée d'Européens de toutes origines. Ce sont ces villes érigées sur notre terre, où nous avons pourtant toujours été perçus comme des intrus, que nous avons arrachées par l'Indépendance. Nous y vivons depuis chaque jour plus nombreux.
Lorsque l'Indépendance devint une fatalité incontournable, son imminence affola le pouvoir colonial. Il vota un programme de rattrapage en 1958, appelé Plan de Constantine. Cette accélération, qui prenait tout à fait l'allure d'une précipitation angoissée de fin de règne, fut encadrée par un Décret pris en septembre 1960, étendant à l'Algérie les dispositions de nouveaux instruments d'Urbanisme adoptés en France en 1958, en application des recommandations de la Charte d'Athènes.
Les nombreuses version du Plan Obus du Corbusier, cherchant à doter Alger des allures et de la majesté d'une grande métropole à la fois méditerranéenne et africaine, comme cela figurait clairement dans ses dessins, de même que la création de l'Agence du Plan d'Alger, en juin 1954, poussant loin les travaux et recherches sur les densités urbaines, expériences d'un Urbanisme éclairé ayant eu des conséquences sur le terrain, ne furent pas retenus. Une vision politique étroitement «affairiste» leur préféra ouvertement la version réductrice et ravageuse de l'Urbanisme dit moderne, qui ne tarda d'ailleurs pas à produire ses effets dévastateurs.
Discutée et arrêtée au Congrès international d'architecture moderne (CIAM) en 1933 et publiée par Le Corbusier, qui en assura seul la rédaction, en 1941, la Charte d'Athènes ouvrit la voie toute grande aux méfaits de l'Urbanisme fonctionnaliste, réduisant les cités à un ensemble froid et inhumain d'espaces anonymes sans qualité, attentant à l'espace public, disloquant la complexité urbaine pour mieux en disperser les avantages et finir par les annuler. Si ce mauvais choix nous avait été épargné, nous aurions probablement connu un autre Destin, mais les déviations contribuent aussi à l'écriture de l'Histoire.
Dans la joie de la liberté recouvrée à l'Indépendance, nous avons pris d'assaut nos cités et profité des années durant de l'écart de confort qui nous sépara toujours des privilèges des Européens qui y vivaient. Nous avons pourtant reconduit ces Lois de 1960, malgré les avertissements que nous n'avons pas écoutés des enseignants de la Classe Architecture de l'Ecole nationale de l'architecture et des beaux-arts (ENABA), dès 1965. Ils voulaient déjà prévenir des méfaits de cette option.
La création du Comité permanent d'études, d'aménagement et d'organisation de l'agglomération d'Alger (COMEDOR) en juin 1968, fut la dernière tentative de prolonger la voie historique ouverte par l'Agence du Plan, perdue depuis dans les méandres des restructurations. Les projets d'Oscar Niemeyer pour Alger (Mosquée au milieu de la rade, Cité diplomatique, studios de cinéma…), développés au sein de cet organisme en appui à sa vision, ne furent jamais réalisés, pour illustrer l'échec de cette démarche de nouveau, face à une orientation radicalement opposée de la fabrique de la ville.
En effet, de nouvelles pratiques de l'Urbanisme étaient désormais développées à travers les Plan de modernisation urbaine (PMU) et le Plan d'urbanisation provisoire (PUP), instruments «inventés» pour parer à la défection des Plans d'urbanisme directeurs (PUD), jamais actualisés depuis 1960 lorsqu'ils ont été établis. Ces nouveaux instruments ont permis la mise en application de l'Ordonnance portant Réserves Foncières au profit de la Commune dans des limites précises, provisoires ou définitives, à l'intérieur du périmètre urbain, de contenir et organiser les équipements, zones industrielles et ensembles de logements collectifs décidés par les plans de développement de chaque wilaya et des Plans Quadriennaux Nationaux.
Ces nouvelles procédures ont définitivement consacré la rupture avec la parcelle comme élément de base de la composition et gestion foncière urbaine, privilégiant le plus souvent les «choix de terrains» n'obéissant souvent à aucune logique autre que celle des conjonctures étroites, aux contours vagues, tenant lieu de pièce essentielle dans la production urbaine, sans fondement juridique aucun. Paradoxalement, et à ce jour encore, seules les procédures de lotissements restent opératoires et en adéquation avec les lois du pays.
Lorsque l'instrument appelé Zone d'habitat urbain nouvelle (ZHUN) fut mis au point, en 1974, il atténua considérablement les dérapages, réussit à redonner à l'Urbanisme la capacité de maîtriser le développement de la ville et empêcha son étalement inconsidéré. Cet outil d'urbanisme opérationnel, le seul du genre à cette époque, hormis les lotissements et zones industrielles, suscita un grand intérêt, dès son institution, et offrit aux professionnels l'espoir qu'ils tenaient désormais les moyens de poursuivre et améliorer les qualités de leur cité. A de rares exceptions de réussite près, ils s'aperçurent qu'il ne permettait plus au génie urbain de se manifester et donner aux nouvelles extensions urbaines la capacité d'engendrer des espaces publics de qualité à la mesure des villes qu'elles étalaient sans agrandir.
La Cité, au sens pratique et noble du terme, restait ailleurs, toujours hors de portée des cités. Elle continuait d'être produite par parties, les plans directeurs ne permettant pas d'assurer une cohérence de l'ensemble, lorsqu'ils ne sont pas déclarés obsolètes avant même d'être approuvés, les «choix de terrains» s'étant entre-temps substitués aux procédures obligatoires. Dans l'élan de la révision constitutionnelle qui restaura à la propriété foncière privée en milieu urbain ses droits, annulant les Réserves foncières communales et libéralisant les transactions foncières, l'adoption des Lois d'Urbanisme de 1990, en vigueur encore de nos jours, institua la régulation et l'application du principe du Droit de l'Urbanisme comme éléments essentiels dans l'aménagement de tout l'espace communal par le biais du Plan directeur d'aménagement et d'urbanisme (PDAU) et la production ou réaménagement du cadre urbain par le truchement du Plan d'occupation des sols (POS).
Malheureusement, leur mise en application coïncida avec la montée de périls et provoqua la dispersion, voire l'effritement, de l'Autorité publique en charge, ainsi que le recul flagrant des métiers et compétences d'études, de fabrication et de gestion de la cité. L'étalement urbain, la consommation irraisonnée des sols, l'occupation anarchique par des activités incontrôlées des espaces publics et leur dégradation, le manque d'entretien et l'effondrement des constructions anciennes, l'abandon de villages entiers par leurs occupants menacés dans leur vie, la multiplication des infractions à la législation urbaine sont les maux les plus graves qui ont précipité les cités algériennes dans la situation catastrophique qu'elles connaissaient à l'orée du présent millénaire.
Des mesures draconiennes de gel du foncier, notamment dans le domaine privé de l'Etat, ainsi que l'octroi de budgets conséquents pour l'amélioration urbaine ont grandement contribué à endiguer la dérive et en corriger quelques effets, sans parvenir à l'enrayer totalement ni effacer les séquelles du temps. Aujourd'hui, nous constatons l'étendue des dégâts de cinquante ans d'un Urbanisme jamais à la mesure des aspirations et manières de vivre de nos populations, dans la richesse de leur diversité et l'unité de leur destin.
Nous continuons cependant, tant bien que mal, de parer au plus pressé dans ce domaine essentiel, démunis des outils à même de nous permettre d'ériger les cités où nous voulons vivre, alors que l'Etat s'est engagé à livrer chaque jour, en moyenne, l'équivalent d'une petite cité d'environ 1000 logements entourés de tous les équipements et infrastructures indispensables. Les Assises de l'Urbanisme, premières du genre jamais réunies dans notre pays les 19 et 20 juin 2011, ont été tenues pour espérer y parvenir, avec le concours de tous.
Il s'agissait de constituer le cadre de fabrication et de transformation de la Cité algérienne de demain, riche de son Passé, consciente de son Présent et confiante en son Avenir. Le Schéma National d'Aménagement du Territoire dans lequel elle est inscrite fixe son envergure, devrait lui assurer un cadre d'épanouissement et porter ses ambitions, en tenant compte de la concurrence mondiale entre villes qui leur procure capacités, outils et niveaux à atteindre pour être attractives.
Alger, notre Capitale, doit rapidement retrouver sa place dans un monde méditerranéen qui l'a reléguée derrière des villes qu'elle écrasait naguère de son aura, mais qui ont pris depuis une longueur d'avance sur elle. Nous devons méditer les exemples de villes littéralement sinistrées il n'y a pas si longtemps, comme Marseille, Bilbao ou Istanbul, sauvées économiquement et épanouies culturellement grâce à la politique en matière d'Urbanisme et d'Architecture menée par leurs dirigeants et soutenues par leurs habitants.
D'autres cités algériennes peuvent nourrir les mêmes ambitions, dans un domaine aussi attractif et rentable que le tourisme, par exemple, pour peu qu'elles s'attellent, avec l'aide inconditionnelle des structures de l'Etat, à améliorer leur gestion, maîtriser leur croissance, assainir leur environnement à tous égards et porter un vrai projet de ville consensuel.
L'Urbanisme devrait bénéficier ainsi de visions éclairées et prospectives, assumer le Passé de la Cité et veiller à le maintenir vivant, s'appuyer sur la concertation large, efficace et responsable pour construire ses décisions, laisser les compétences jouer leur rôle, une fois ces décisions connues, garder toute sa capacité à s'adapter aux aléas du temps sans dévier de ses missions essentielles, alléger ses procédures et les mettre à la disposition de tous.
La réunion et l'adoption d'un Code de l'Urbanisme produiraient le canevas dans lequel toute cette démarche serait contenue. Les Assises ont plaidé pour son exigence. Il fallait donner corps à ce qui est aujourd'hui un rêve pour tous, les changements à envisager et la conduite à tenir. Voilà ce qu'avaient voulu mettre en place les Assises de l'Urbanisme. Malheureusement, leurs recommandations sont restées lettre morte. On les a enterrées trop vite. On gagnerait sûrement à les ré-examiner…


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