Il y a tout juste une année, l'hôpital Mohamed Boudiaf de Ouargla fêtait la réussite de ses cinq premiers implants cochléaires réalisés sur des enfants de 3 à 7 ans atteints de surdité profonde. Le Dr Mohamed Kamel Abazi, coordinateur du projet d'implant cochléaire à Ouargla a bien voulu nous faire le point de cette opération. Quel bilan faites-vous du projet d'implant cochléaire ? Ce projet a été lancé dans un esprit d'équité médicale pour le sud du pays au profit des enfants sourds. C'est dans ce contexte que cinq enfants de Ouargla et d'El Oued ont été les premiers opérés par une équipe médicale mixte constituée de spécialistes en ORL des secteurs public et privé de Ouargla et de paramédicaux formés à cet effet sous la direction du Pr Djenaoui, chef du service ORL du CHU Mustapha Bacha et président de la commission nationale de l'implant cochléaire. De 35, notre liste de candidats s'élève à 70 depuis. Entretemps, 3 autres enfants ont subi des opérations à Annaba et Alger ; ils suivent plus ou moins normalement le réglage et la rééducation à Ouargla. Ceux de Annaba sont équipés d'implants neurelec français, donc ils suivent leur rééducation et les réglages à l'hôpital de Ouargla, celui opéré à Alger porte un implant cochléa australien dont le réglage se fait à Alger chaque mois. Je dirais que le volet chirurgical est réussi mais les difficultés se posent au niveau de la rééducation. Les prédispositions naturelles des enfants — dynamisme, curiosité, sociabilité... — et la volonté parentale sont primordiales. Mais comme vous le savez le but essentiel de notre projet est de permettre à ces enfants d'être pris en charge près de leur domicile car le suivi postopératoire est rapproché et ô combien précieux. Il est très contraignant et coûteux pour les familles d'où la nécessité absolue d'assurer la stabilité de l'équipe d'orthophonistes par un recrutement définitif. Les parents des implantés sont alarmés. Comment expliquez-vous cette situation ? Malgré l'instabilité de l'équipe d'orthophonie et l'acquisition tardive du matériel de rééducation, on a quand même pu avoir deux enfants « stars » qui évoluent mieux. Il existe, c'est vrai, un problème de recrutement des deux orthophonistes chargés de la rééducation. Des postes budgétaires ont été promis dans le cadre du programme d'implant cochléaire au niveau du service ORL de l'hôpital, mais vu l'instabilité administrative depuis le limogeage de l'ex-directeur d'hôpital, le suivi est perturbé malgré l'acquisition du matériel didactique. L'implant cochléaire est à l'arrêt parce qu'il n'y a pas eu de volonté de la part de la tutelle locale. Il y a le suivi psychologique et la rééducation, mais aussi le gel de l'achat du matériel requis, en l'occurrence le microscope, le monitoring du nerf facial et les implants. Depuis janvier 2009, aucun appel d'offres pour l'achat d'implants n'a été effectué, bien que des informations concernant le déblocage d'un budget pour l'achat de dix implants sur le budget de wilaya circulent. Mais on ne voit aucune lueur pour le moment. Comment voyez-vous l'avenir du projet d'un centre de référence dans la lutte contre la surdité profonde à Ouargla ? Pour réussir un tel projet et assurer sa continuité, il faut la conjugaison de plusieurs paramètres. Il faut disposer d'une équipe médicale apte à exécuter un tel projet, ne pas omettre la supervision directe et effective du service ORL du CHU Mustapha, disposer du matériel requis pour cette chirurgie et le suivi postopératoire et enfin une volonté politique de faire bénéficier les enfants sourds profonds de la région des progrès de la technologie. J'insiste sur le fait qu'un centre de référence d'implant cochléaire au Sud est une opportunité réalisable qu'on peut très bien réussir malgré les difficultés et les échos défavorables. On est là pour relever le défi.