Malgré l'opposition farouche du bureau exécutif de Nidaa Tounes quant à la participation d'Ennahdha au gouvernement, Habib Essid a incorporé quatre islamistes dans son équipe pour lui assurer une majorité confortable au sein de l'Assemblée des représentants du peuple. En effet, avec les 69 voix d'Ennahdha, les 15 voix de l'Union patriotique libre (UPL), les 8 voix d'Afek Tounes, la nouvelle formation gouvernementale pourra obtenir, demain, la majorité des 109 voix requises au sein de l'ARP, même si une partie des 86 voix du parti majoritaire, Nidaa Tounes, risque de ne pas voter en faveur du gouvernement. Ainsi a continué à prévaloir la logique de réconciliation, prônée depuis l'été 2013 et la fameuse rencontre de Paris d'août 2013 entre les leaders de Nidaa Tounes et d'Ennahdha, Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi. «La Tunisie ne saurait se faire gouverner par un seul parti», n'a cessé de dire l'islamiste Rached Ghannouchi, lorsqu'Ennahdha a été obligé de céder le pouvoir au gouvernement de technocrates de Mehdi Jomaa, fin janvier 2014. «Nous ne gouvernerons pas seuls, même si Nidaa Tounes obtient la majorité au sein de l'ARP», lui a répliqué le président-fondateur de Nidaa Tounes et actuel président de la République, Béji Caïd Essebsi, lors du long parcours électoral du 4e trimestre 2014 qui a connu des élections législatives et les deux tours de la présidentielle. Représentativité et enjeux C'est finalement un gouvernement à majorité politique qui a été désigné. Sept ministres de Nidaa Tounes ont occupé des portefeuilles ministériels, dont celui des Affaires étrangères accordé au secrétaire général du parti, Taïeb Baccouche. On attend toutefois la réaction de ce dernier qui a récemment déclaré son refus de siéger dans un même gouvernement que les islamistes d'Ennahdha, pour respecter les promesses tenues par Nidaa Tounes à l'adresse de ses électeurs. Sur les autres ministères de souveraineté, il y aura trois juristes indépendants. Ainsi, le très controversé juge, Mohamed Nejem Gharsalli, est désigné à la tête du ministère de l'Intérieur. Sa nomination a provoqué une polémique au sein de la classe politique et de la société civile. Ledit juge avait ordonné des retenues sur les salaires de juges indépendants dans le cadre de l'affaire de subordination au pouvoir de l'Association des magistrats (AMT) sous le régime de Ben Ali, selon l'ancienne présidente de l'AMT, Kalthoum Kennou. Les ministères de la Justice et de la Défense sont alles aux doyens, néanmoins juristes, Mohamed Salah Ben Aïssa et Ferhat Horchani. La nouvelle composition du gouvernement a vu l'entrée d'un islamiste au ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle ; il s'agit du porte-parole d'Ennahdha, Zied Ladhari. Trois autres islamistes vont occuper les postes de secrétaire d'Etat de la Fiscalité et du Recouvrement, de la Coopération internationale, ainsi que celui de la Mise à niveau des établissements hospitaliers. Des départements difficiles, où les islamistes vont devoir faire leurs preuves. Le département du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale a été octroyé au président d'Afek Tounes, Yassine Brahim, dont le parti a également bénéficié des départements de la Femme et de la Communication et de l'Economie numérique. Les islamistes d'Ennahdha sont ainsi parvenus à écarter du gouvernement l'ex-secrétaire générale de la Fédération internationale des droits de l'homme, Khadija Cherif, qui était ministre de la Femme dans la première copie. Toutefois, les libéraux ont gagné la nomination de l'islamologue franchement anti-EnnahdhaNéji Jalloul, désigné à la tête du ministère de l'Education. S'ouvre ainsi une nouvelle ère en Tunisie. Le gouvernement Essid devrait obtenir facilement la confiance de l'ARP. Les enjeux du développement sont toutefois les défis à relever.