Les décisions imposées par le haut sans la concertation de la base sont toujours source de contestation et, par conséquent, difficiles à faire appliquer sur le terrain. Ce postulat se vérifie encore, une fois de plus, avec la grogne des travailleurs de la SNVI qui ont entamé un mouvement de grève largement suivi pour protester contre les dernières mesures de la tripartite, concernant notamment le réajustement des salaires jugé insuffisant et le retour à l'ancien dispositif fixant l'âge de départ à la retraite à 60 ans, lequel remet en cause le système de retraite anticipée. La satisfaction exprimée par les partenaires de la tripartite (gouvernement-Ugta-patronat) quant aux résultats des travaux de leur dernière réunion n'a pas résisté à la réalité du terrain. Le retour du boomerang aura été aussi rapide que spectaculaire. Le mouvement de grève des travailleurs de la Snvi fait déjà grand bruit et suscite dans les chaumières, bien au chaud en cette période hivernale, de la centrale syndicale et du gouvernement de profondes inquiétudes. Le débrayage des travailleurs de la SNVI – une entreprise dont nous connaissons la symbolique et la place dans l'industrie algérienne – est à prendre très au sérieux pour les risques de contagion qu'il fait planer sur les autres collectifs de travailleurs, dans la zone industrielle de Rouiba et à travers le pays. Le PDG de la SNVI, qui a reconnu l'impact du mouvement de grève dont il a estimé le taux de suivi à 60%, a rejeté la balle dans le camp du gouvernement et de la tripartite, estimant que les solutions aux revendications exprimées par les travailleurs de ce complexe industriel dépassent le cadre de son entreprise. La grève de la Snvi, qui risque de faire tache d'huile et de créer un climat de démobilisation si des réponses ne sont pas rapidement apportées dans le sens des attentes des travailleurs, pose la problématique de fond de la représentation et de la représentativité syndicales des travailleurs, au sein et en amont de l'entreprise, ainsi que de l'efficacité du cadre de concertation en place à travers l'instrument de la tripartite, qui exclut du débat et des centres de décisions les organisations syndicales autonomes. Pour désamorcer le conflit, le gouvernement, dans le cadre de la tripartite ou par d'autres voies réglementaires, pourrait lâcher du lest et donner des gages aux travailleurs. Le problème de fond demeurera pour autant entier. D'autres départs de feu, plus menaçants peut-être pour la stabilité de l'entreprise algérienne et du pays, pourraient survenir, dans ce complexe et ailleurs, tant que les travailleurs continueront à n'être considérés que comme une banale force de travail sans aucune emprise ni sur le destin de leur outil de travail ni sur leur avenir qui se décident ailleurs, sans eux et souvent contre eux. En cela, telle qu'elle a fonctionné jusqu'ici, la tripartite vient de faire la démonstration éclatante qu'elle est en nette décalage par rapport aux préoccupations des travailleurs. D'où la nécessité et l'urgence de refonder et d'élargir le cadre du dialogue et de la concertation par une meilleure représentation des travailleurs, qui rompt avec le syndicalisme en col blanc plus proche du pouvoir que des travailleurs qu'il est censé défendre.