L'indépendance du pays ne peut avoir de sens que si elle instaure la souveraineté populaire, la citoyenneté, la liberté, la justice, le pluralisme politique, syndical et culturel, l'égalité de la femme avec l'homme, la justice sociale. Le système politique instauré en Algérie en 1962 emprunte beaucoup au système colonial. L'Algérie n'est plus une colonie, le pouvoir ne doit pas l'oublier. Le terme Révolution est détourné de son sens et de sa substance. Un vent de liberté souffle sur l'Algérie Les Algériens subissent un niveau très élevé d'aliénation politique. Elle est la vérité qu'il faut proclamer. Le climat politique très tendu risque de s'aggraver. Cela est gravissime. La situation que vit le pays est trop grave pour ne pas l'exprimer à haute et intelligible voix. Certaines vérités doivent être dites, car il faut voir la réalité en face sans tabou ni œillères. «La vérité seule et sans force», a dit Pierre Bourdieu, il faut lui donner un peu de force sociale. Les choses doivent être dites en termes élégants, mais vu l'urgence, les mots s'expriment sans détour, dans une langue simple qui va droit au but. Nous sommes dans l'impasse, il faut une sortie. Un proverbe chinois dit : «Le seigneur est le bateau, les gens ordinaires l'eau. L'eau porte le bateau ou le fait chavirer.» Le peuple algérien ne peut sortir de l'impasse où il se trouve que s'il guide le Président vers la sortie. La crise, par son ampleur et son étendue, est politique et morale, économique et sociale, culturelle et identitaire. Elle fait suite à un échec global du pouvoir, affecte toute la société qui n'a pas mesuré sa durée, ses enjeux, pour réagir par une pensée réfléchie. Les Algériens dans leur grande majorité manifestent leur opposition à la dictature avec son arrogance, sa suffisance, son mépris du peuple, et aspirent à la liberté et à la justice. Ce n'est plus la conjugaison des pouvoirs qui est recherchée au somment de l'Etat mais leur équilibre, malgré les divergences et les contradictions. Les institutions politiques issues d'élections truquées sont illégitimes. La politique n'est pas un métier mais une vocation. La presse se caractérise par le souci d'informer régulièrement par la rapidité et l'exactitude de l'information, ce qui se passe dans le pays et dans le monde. Au sommet de l'Etat, les manœuvres et les rivalités sont inséparables des fins de règne. La lutte pour la succession est ouverte. L'éternel débat est : faut-il moderniser l'islam comme le préconisent de nombreux spécialistes et philosophes (relayés par Noureddine Boukrouh à travers ses nombreux articles publiés par Le Soir d'Algérie) ou islamiser la modernité ? Le président Bouteflika détient des pouvoirs qu'il ne peut exercer et qu'il délègue Les trois qualités du Président sont : prendre le pouvoir par un coup d'Etat par les armes ou par les urnes, l'exercer et étendre ses attributions par le viol de la Constitution pour régner et gouverner à la fois sans partage et sans contrepouvoir, le garder par le refus de l'alternance. Le besoin d'un tyran, d'un dictateur, est à rapprocher d'une sentence de Gengis Khan : «Il ne faut pas craindre d'être dictateur quand c'est pour le besoin de tous.» Un pouvoir politique dictatorial qui déploie volonté et énergie, favorise mieux le développement économique que la démocratie. Pour les partisans de la dictature, la démocratie n'est pas une vertu, mais le vice même. L'homme providentiel, vénéré, se sublime, se donne du talent, du génie même s'il arrive au pouvoir avec un projet de société et n'a besoin que d'exécution. L'illusion du progrès entretenu par le pouvoir illusionniste, sans illusions, qui s'illusionne lui-même en se berçant d'illusions n'est que désillusion. Bouteflika n'est pas le président de tous les Algériens, mais seulement du clan qui le soutient, les puissants et les riches toujours plus riches, généreux donateurs de ses campagnes présidentielles. Mais le temps de l'explication est venu par l'irruption dans le réel. Abdelaziz Bouteflika, âgé de 78 ans, 16 ans de règne à la magistrature suprême, atteint d'une maladie grave et durable qui relève de l'article 88 de la Constitution qui, appliqué, doit le déclarer hors-jeu, s'est déchargé de ses pouvoirs qu'il ne peut plus assurer. Un président sans légitimité issu de la fraude électorale dirige le pays La mainmise sur les institutions politiques de l'Etat s'est faite à partir du coup d'Etat constitutionnel de 2008 qui a abrogé les mandats présidentiels, limités à deux, ce qui est la logique de par le monde. Les députés et sénateurs, issus pour la plupart d'élections truquées, ne sont pas les représentants du peuple qui confère seul la légitimité par des élections propres et transparentes, mais du pouvoir. Ils sont rémunérés près de 400 000 DA par mois avec les privilèges et avantages, mais réclament avec insistance une augmentation. On se demande à quoi sert le Parlement dont le Président a pris les commandes. L'APN, composée de 462 députés, devrait être réduite à 300. Les élections ont toujours été massivement truquées Il faut rafraîchir la mémoire des Algériens sur la fraude électorale, vieille tradition coloniale, amplifiée depuis l'indépendance du pays, qui est au rendez-vous de toutes les élections. La fraude déforme et pervertit le suffrage universel, fausse la voie des urnes et la vérité électorale. Les élections, qui ne maintiennent que la forme extérieure de la démocratie, mais ne garantissent pas la liberté et la sincérité du scrutin, conviennent à l'Occident dont l'intérêt politique, stratégique et économique, est de maintenir les dictateurs au pouvoir. Les fraudes électorales ont explosé durant le règne du président Bouteflika, pour le 4e mandat, un mandat de trop, dont le rejet par le peuple était profond et massif, il voulait non seulement des élections sans surprise dont les résultats sont connus d'avance, mais un plébiscite en sa faveur. Il fixe lui-même le score qu'il désire obtenir. La mise en œuvre relève du DRS et du ministre de l'Intérieur avec le concours de l'administration, walis en tête. La fraude électorale a atteint un niveau record à la présidentielle du 17 avril 2014, qui a maintenu le Président sur le devant de la scène politique pour garder son pouvoir et prolonger son règne. Le vainqueur du scrutin du 17 avril 2014 est l'électorat qui a déserté les urnes, expression et sanction du désaveu populaire. Le temps de ce pouvoir est révolu, il doit quitter la scène politique L'accélération de l'histoire fait du départ du Président un préalable, un impératif même. Le message du 19 mars 2015, qui appelle à la haine et à la violence, n'émane pas du Président mais des clans qui veulent prendre les rênes du pouvoir. La violence des mots annonce la répression de toute critique de l'opposition nationale et de la presse, qui n'ont pas le droit de contester et de manifester. Il dit «être dans l'obligation d'user de fermeté et de rigueur». C'est une voie sans issue. Il ne faut pas écouter ce que disent les dirigeants du pays mais ce qu'ils font, ils surestiment leurs propres forces. Les événements s'accélèrent, la solution est politique, il faut éliminer la violence, avoir le courage et la volonté de résister à l'envie de se battre. Qui possède vraiment le pouvoir et prend les décisions importantes au plus haut niveau de l'Etat ? L'armée, le DRS, un clan présidentiel ? Le président Bouteflika, depuis 16 ans au pouvoir, n'a pas fait émerger une nouvelle génération politique. La vieille génération s'accroche au pouvoir, gère le statu quo et l'immobilisme. L'Algérie a un pouvoir de vieux, du corps et de la tête. Le mode dynastique de transmission du pouvoir est une dérive dictatoriale. La femme algérienne contrôle et maîtrise son corps, planifie les naissances, s'indigne mais ne se résigne pas pour construire sa vie au lieu de la subir. Pilier du foyer, sa cause avance, exprime une forte demande de liberté pour son émancipation qui passe par l'égalité des droits avec l'homme, pour l'application de ces droits et la révision du code de la famille qui fait d'elle une manœuvre à vie. La célèbre formule de Jean-Jacques Rousseau dans Emile est toujours d'actualité : «En tout ce qui n'est pas le sexe, la femme est homme.» La politique néolibérale est porteuse d'injustices sociales et d'inefficacité économique L'économie est paralysée, l'esprit de rente l'emporte sur l'esprit d'entreprise. Le bilan de l'état du pays soumis au clientélisme, à l'affairisme et à la corruption à tous les niveaux et dans tous les domaines est accablant. Le pays est rongé par la corruption, mais il est impossible de faire la lumière sur une série de scandales portant sur des malversations et le favoritisme dans les contrats publics. Corrompus et corrupteurs se trouvent dans les clans du pouvoir. Les profiteurs ont remplacé les serviteurs de la République. Les dirigeants du pays sont nombreux à avoir un intérêt financier personnel ou familial, direct ou indirect, dans une entreprise ou dans l'économie informelle. La finance est intimement liée au pouvoir politique. C'est le pillage des biens de la nation par ses gestionnaires qui agissent en toute impunité, même s'ils sont impliqués dans la corruption active ou passive, le trafic d'influence, le faux et usage de faux. Le pouvoir se pare de toutes les vertus alors qu'il ne fait que cultiver la culture de l'échec. Une économie qui exporte ses ressources naturelles et mange ce capital par l'importation de 65% de ses produits de consommation alimentaire est livrée au néolibéralisme aux conséquences désastreuses. Avec plus de 700 milliards de dollars dépensés, le pouvoir n'a pas fait de l'Algérie un pays émergent, encore moins un pays développé. Les Algériens, qui luttent pour obtenir de meilleures conditions de vie et de travail, opposent une résistance à l'arbitraire qu'ils subissent dans leur vie quotidienne de la part d'un pouvoir néolibéral qui applique une politique économique et sociale catastrophique. Le chômage de masse est le barème de la pauvreté. Le coût de la vie est en hausse continue. Les couches moyennes de la société ne vont plus au restaurant car elles n'ont plus les moyens de payer l'addition. Les grands indicateurs économiques sont au rouge : explosion des inégalités, dinar faible, pouvoir d'achat en chute libre. Il faut avoir l'énergie des syndicalistes autonomes un jour de grève pour faire face à la brutalité policière. La santé des puissants et des riches, dont les patrimoines explosent, serait-elle en danger s'ils se soumettaient aux structures médicales du pays ? L'école, qui est le miroir de la société, ne cesse de se dégrader. Il faut favoriser le primaire dont la trilogie est : savoir lire, écrire et compter, car c'est là que se joue l'avenir de l'enfant. Comment préparer des élèves motivés, ayant un bon niveau d'instruction et de formation, à être les cerveaux de demain ? L'éducation nationale est investie de plusieurs missions : instruire, transmettre le savoir, réveiller les esprits, former les consciences, apporter des réponses aux problèmes de la société. L'Algérie a besoin d'une réforme moderne de son système éducatif, qui éliminerait l'idéologie du pouvoir. —– L'ambition, la stratégie et la responsabilité de la CLTD sont d'établir une transition démocratique qui est un combat politique fondamental La transition démocratique est la locomotive du changement du système politique et non un changement dans le système, qui se réalisera par l'alternance, qui est le droit souverain du peuple algérien à choisir ses représentants au niveau de toutes les institutions élues de l'Etat, par des élections libres et transparentes, ce qui ne s'est pas réalisé depuis l'indépendance du pays. La réunion de Zéralda du 10 juin 2014, organisée par la CLTD, a eu un grand succès. Pour la première fois dans l'histoire du pays, une opposition nationale réunissant différents courants politiques et représentants de la société civile, a pris forme. Auparavant, le pouvoir avait déstabilisé les partis politiques de l'opposition, les syndicats autonomes, les associations de la société civile pour préserver sa stabilité. Le 4e mandat du Président, ressenti par le peuple algérien comme une atteinte à sa dignité, a ouvert la perspective à des responsables algériens de tous bords de fédérer l'opposition. L'enjeu est l'existence de l'Algérie, laissée en jachère, qu'il faut cultiver pour la sortir de la dictature et en faire un espace de démocratie, de liberté et de justice. La CLTD veut rendre au peuple le pouvoir qui lui a été confisqué par la fraude électorale, afin qu'il se relève, se redresse, prenne son destin en main. La réflexion est son exigence principale, suivie de l'action pour faire partager ses idées, ses analyses, afin de renforcer la cohésion sociale et consolider la solidarité nationale. La CLTD est consciente de la situation critique du pays, a la capacité de mobiliser les Algériens pour mener de manière pacifique le changement à sa fin. Il est temps de sortir de la pensée unique, de sa férule prédatrice, de rendre au peuple algérien sa souveraineté et à l'Algérien sa citoyenneté. Le courage en politique consiste à avoir de fortes convictions qui protègent de l'opportunisme, de combattre avec détermination et constance, sans esprit hégémonique, un pouvoir illégitime. La CNLTD est diverse et unie ; elle structure et unifie l'opposition nationale, représente l'Algérie dans sa réalité et sa diversité. Le pouvoir refuse de dialoguer avec l'opposition nationale, tire sur elle à boulets rouges par l'intermédiaire de ses alliés et ralliés, tente de bloquer toutes ses initiatives. Il faut saluer le sens politique et l'esprit d'initiative qui ont animé l'ISCO, qui ont éclairé la route suivie par des Algériennes et des Algériens qui partagent les mêmes valeurs, soucieux de défendre l'Etat de droit, la séparation et l'équilibre des pouvoirs, la limitation à deux des mandats présidentiels. Plusieurs leaders de l'ISCI ont des ambitions présidentielles. C'est normal, le suffrage universel tranchera par des élections libres et transparentes. (A suivre).