L'essai de ré-industrialisation du pays et la chute brutale des ressources financières externes créent un nouvel environnement de réflexions et de décisions. De nos jours, les sciences économiques et les connaissances managériales sont suffisamment avancées pour orienter les décideurs vers plus de pratiques d'efficacité. Les conditions ne sont pas faciles à mettre en œuvre. Elles nécessitent une forte volonté politique et un dosage fin de pratiques qui ont pour finalité de changer radicalement le mode de fonctionnement de ces entités. La taille du secteur public hors hydrocarbures se réduit de plus en plus chaque année, jusqu'en 2013. Il représente moins de 20% du PIB hors hydrocarbures. Tout cela malgré le fait qu'il a reçu plus de la moitié des crédits bancaires et 100% des diverses tentatives d'assainissements durant les vingt dernières années (aucune entreprise privée n'a été assainie). Malgré les pratiques managériales limitées pratiquées dans le secteur privé, le secteur public fut détrôné dans la vaste majorité des cas. Les raisons sont multiples et complexes. Certaines sont pertinentes à la vaste majorité des secteurs publics dans le monde (injonctions politiques), d'autres sont purement spécifiques à notre situation (pénalisation de l'acte managérial). La situation est telle dans ces entreprises que nous avons pour la plupart des gestionnaires et des travailleurs découragés, qui ne croient plus en rien et n'aspirent pas à construire des entreprises de classe mondiale. Le principal défi est là : comment peut-on construire des entreprises hautement compétitives avec une culture défaitiste ? Le passé est-il prologue ? La transformation radicale des pratiques des entreprises publiques demeure le défi majeur du processus de ré-industrialisation du pays parce que, même si on ne l'affirme pas clairement, c'est surtout à travers le secteur public que devrait se forger le renouveau économique du pays. Si on analysait les ressources octroyées (crédits bancaires, effacement de dettes, investissements) en fonction de la valeur ajoutée créée, on arriverait rapidement à un tel jugement. Par le passé, il y avait comme un deal tacite entre les membres de l'entreprise — managers et travailleurs — et les processus décisionnels de l'Etat. L'entreprise fonctionne selon des normes hybride — politique, sociale, économique — en échange d'une protection financière sans limite. Le contexte le permettait. Lorsqu'on fonctionne en mode compromis, il est difficile voire impossible de construire des institutions de classe internationale. Une entreprise, dans un contexte de marché, a besoin de trois pressions pour fonctionner avec un niveau de compétitivité suffisant pour affronter la concurrence mondiale. Le premier concerne la pression des assemblées générales. Dans les entreprises privées, il est tout à fait compréhensible qu'elles ne toléreraient pas des performances dérisoires car c'est leur capital qui est en jeu. Mais dans une entreprise publique, il faut alors que le secteur soit en partie contrôlé par les élus du peuple (APN) à travers des institutions comme la Cour des comptes. Il faut que l'AG devienne une véritable source de pression. Ceci fonctionne dans de nombreux pays (commissions parlementaires chargées du secteur public). Mais cela donnerait probablement des résultats limités dans notre cas. Le second facteur concerne la pression de la faillite. Il faut laisser le mécanisme de faillite jouer à fond même pour les entreprises publiques. On peut le faire tout en veillant à sauvegarder l'outil de production et l'emploi (un fonds de restructuration adossée à une expertise nationale ferait facilement ce travail). L'une des raisons les plus importantes du succès du secteur public en Chine (35% du PIB) est que ce dernier (sauf une poignée d'entreprises stratégiques) n'est pas soustrait de la faillite. La dernière pression est quasi inexistante chez nous parce qu'il s'agit des mécanismes boursiers qui mettent à nu les bonnes ou les mauvaises pratiques managériales des entreprises. Les exigences de la période Prendre des entreprises malmenées pendant une longue période et essayer d'en faire des entreprises gagnantes n'est pas une mince affaire. C'est un défi très compliqué, mais pas impossible. Dans cette situation précise, il faut des «managers leaders». Il y a une grande différence entre un manager et un leader. Le premier maîtrise les techniques managériales, sait concevoir des stratégies, des plans d'action, des dispositifs organisationnels des processus de contrôle et autres. Cependant, il est suivi par le reste des membres de l'organisation uniquement parce qu'il détient un poste officiel de manager et en partie parce qu'il dispose d'un savoir-faire managérial. Il peut réussir à développer une bonne ou une moyenne entreprise. Il a les capacités pour gérer une entreprise «normale» ou moyenne. Mais les défis qui attendent nos managers sont tout autres : gérer des entreprises éprouvées par des dizaines d'années de sous-management. Ils auront pour mission de transformer une culture défaitiste en une culture gagnante. Ceci explique pourquoi de nombreux bureaux d'études étrangers qui avaient conseillé de nombreuses entreprises publiques n'avaient pas fait bouger d'un iota leur niveau de performance. Ils ont insisté sur la mise en place de processus technique alors qu'il fallait changer d'abord la culture. L'étape actuelle nécessite des gestionnaires du changement ; donc des managers doublés de leaders. Ces derniers obtiennent de meilleures performances d'autrui non seulement par l'introduction de meilleures pratiques managériales, mais surtout par la mobilisation sans faille de tous au profit du projet de l'entreprise. Un leader est suivi pour ce qu'il est et non parce qu'il détient un poste officiel. Il sera suivi même s'il ne dispose d'aucun pouvoir officiel. Mais le bon leader démultiplie. Il identifie les talents de leadership aux différents niveaux hiérarchiques, les forme et leur donne la possibilité de contribuer fortement en améliorant les structures subalternes. N'oublions pas le fameux principe de leadership (Maxwell disait) : si une entreprise a un niveau de leadership (au sein de ses différentes structures) de 4/10, sa performance sera 3/10 ; si son niveau serait de 8/10 ses performances seront de 7/10. Heureusement que le leadership s'apprend également dans la plupart des cas. La partie ne sera donc gagnée que si aux différents échelons de l'entreprise nous allons promouvoir des managers/leaders de classe mondiale, puisqu'on veut gagner dans la globalisation. PH.D en sciences de gestion