Anne Sinclair raconte dans son blog comment elle a été victime de dégâts collatéraux suscités par le débat sur « l'identité nationale ». Sa faute ? Etre née à New York. Cette journaliste est connue en France et dans le monde francophone pour avoir été la star incontestée de TFI dans les années 80 et 90 aux commandes de son émission très médiatique Sept sur Sept. Pour ses nombreuses qualités, l'icône de la presse française, lauréate de plusieurs prix de journalisme, a également été l'heureuse élue pour incarner Marianne, le symbole de la République. Pour autant, ce pedigree prestigieux ne l'a pas protégée du climat de suspicion envers les étrangers qui règne en France. C'est l'effet psychologique désastreux d'un débat rigide sur fond de nettoyage ethnique concernant « l'identité nationale ». La grande dame s'est fait renvoyer prestement d'une annexe de la préfecture de police de Paris à l'occasion du renouvellement de sa carte d'identité. Née à l'étranger, tout comme Edouard Balladur, Serge Gainsbourg ou Philippe Seguin, il fallait qu'elle prouve sa francité sur trois générations. L'événement donne la mesure de la façon dont les étrangers, les vrais, sont traités. Evidemment, Anne Sinclair a pu régler son problème plus tard, en se pliant aux formalités exigées. Etant aussi la femme de Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire international (FMI) et fidèle du clan présidentiel, elle ne risquait heureusement pas l'expulsion. En d'autres temps, et sous un climat politique moins vichyste, ce scandale inimaginable aurait soulevé de l'indignation, au moins au sein de la profession. Mais nous sommes en 2010, et c'est tout juste par une brève dans un quotidien parisien que cette violence administrative sur une citoyenne française est relatée avec détachement. Anne Sinclair, qui ne revient pas de sa mésaventure, raconte ses déboires sur son blog. Tout juste une petite colère et une pointe d'irritation de quelqu'un qui fait le choix de refouler timidement sa frayeur face à une administration malveillante et toute puissante. Signe des temps, ni la victime ni ses proches n'ont envisagé, un instant, d'évaluer la gravité de la situation et de réagir conformément à la loi par une plainte au parquet de Paris pour abus d'autorité.