Le Forum africain de l'investissement et d'affaires s'ouvre aujourd'hui à Alger. N'est-ce pas un enjeu considérable pour l'économie algérienne, celui de s'exporter, de se diversifier et de diversifier ses recettes en devises ? L'enjeu est en effet considérable. L'Algérie a trop longtemps vécu de la rente pétro-gazière et de son recyclage à travers la dépense publique. Il faut aujourd'hui passer à un modèle fondé sur l'investissement privé, sur la diversification sectorielle et sur les exportations hors hydrocarbures. Cela passe par l'identification des marchés porteurs et des produits qui connaissent une demande importante et sur lesquels l'Algérie peut se positionner en exploitant sa main-d'œuvre bien formée, son accès à une énergie à faible coût, et sa situation géographique exceptionnelle. Quelle est la marge de manœuvre dont dispose l'Algérie sur les marchés extérieurs, dont le marché africain que l'on dit à portée de main, mais qui est disputé par les plus grandes puissances économiques ? L'Algérie dispose d'un accès préférentiel à l'Union européenne à travers l'accord d'association signé avec cette zone d'un demi-milliard de consommateurs, ainsi qu'aux pays arabes à travers la Grande zone arabe de libre échange (GZALE). Elle est en outre naturellement connectée aux autres pays africains par les voies terrestre, aérienne et maritime. L'Algérie a donc naturellement vocation à jouer un rôle de plateforme industrielle et logistique opérant la jonction entre ces trois grands ensembles. Elle peut en outre apporter une sensibilité spécifique en misant sur le co-développement et en partageant son expérience avec d'autres pays africains, notamment en matière d'électrification, de construction de logements et d'infrastructures, ou encore dans l'agroalimentaire. La construction du grand port en eau profonde de Cherchell en partenariat avec les Chinois pourra en outre permettre d'en faire une tête de pont pour les investissements chinois en Afrique, dans la logique des nouvelles Routes de la soie. Des problématiques d'une importance première, dont la révision de la réglementation de la Banque d'Algérie, l'accompagnement financier, la logistique… restent posées et conditionnent la réussite de ce projet de créer une économie exportatrice. Quels remèdes proposez-vous à ces obstacles ? En effet, ces problèmes sont réels et doivent être résolus. Nous devons assouplir la réglementation sur les changes qui contraint aujourd'hui la circulation des flux de capitaux productifs depuis et vers l'Algérie. Il faut donner la possibilité aux entreprises algériennes de créer des succursales et des filiales à l'étranger, en Afrique notamment, et de financer leur développement sur les marchés extérieurs. Cela devrait s'inscrire dans une grande réforme bancaire et financière dont l'Algérie a grandement besoin. On ne peut pas avoir les ambitions d'être une puissance exportatrice sans mettre à niveau le système financier. J'ajouterai qu'il faut penser à créer trois ou quatre grandes zones économiques spéciales ou un régime de l'offshoring industriel. Si on prend la Tunisie par exemple, l'essentiel de ses exportations manufacturières est réalisé sous ce régime particulier qui permet aux entreprises exportatrices de disposer d'une entière liberté sur la gestion de leurs devises. Le nouveau code de l'investissement qui automatise l'attribution des avantages aux investisseurs nationaux et étrangers devrait ainsi être couplé avec cette indispensable réforme financière et monétaire, tout en supprimant la règle de 51/49% pour les entreprises installées dans ces zones spéciales.