Envisager la relation franco-algérienne, c'est d'abord rappeler la passion commune de la Méditerranée, véritable espace de partage. Cette passion de la Méditerranée, loin de rester une incantation creuse, doit devenir une véritable prise de conscience. L'Algérie occupe une place à part en Afrique, et la France, en Europe. Parce que ces deux pays sont stratégiques dans leurs continents respectifs, il leur revient une double et exigeante responsabilité, celle de hisser leur partenariat à un niveau d'exception. Faire du partenariat franco-algérien un modèle de la relation entre l'Europe et l'Afrique est une véritable injonction historique, géographique et politique. Construire, dans l'espace euro-méditerranéen, un partenariat comparable à celui entre la France et l'Allemagne, qui entraînera les autres pays, relève de leur seule volonté. A l'aune des défis économiques politiques et climatiques, sur lesquels s'ouvre le siècle, prendre la mesure de l'urgence de la situation et y répondre côte à côte dans les domaines de la révolution digitale et la transition énergétique, de l'intelligence artificielle et la robotique, de la sécurité et de la cyberdéfense, ouvre des futurs considérables à l'entreprise et aux sociétés. Et peut-être même à un plus grand appétit d'humanité. Plaider pour un renouveau des relations entre la France et l'Algérie, ce n'est pas faire fi de l'histoire. L'Algérie et la France doivent savoir l'intégrer sans en être prisonniers, et mieux pour en faire une résilience. Les démons de la division pèsent bien peu de chose face à la communauté humaine, à la fois française et algérienne, que partagent ensemble nos deux pays. La géographie, la langue, la culture et souvent les liens familiaux ont contribué à créer une intimité qui ne pourra plus jamais être rompue. Elle est le ciment de ce partenariat construit autour du partage plutôt que la rivalité, de création commune de la richesse plutôt que de l'accaparer ou la dilapider. Si la coopération franco-algérienne englobe de multiples aspects, deux d'entre eux sont absolument fondamentaux : la transition énergétique et la révolution numérique. La transition énergétique est la réponse durable aux risques climatiques angoissants qui se posent à la planète. Le retrait – provisoire ? – des Etats-Unis de l'accord de Paris souligne combien c'est difficile. Déclinée sur le plan franco-algérien, la question climatique revêt diverses formes : elle doit nous pousser à agir sur les problématiques de gestion de l'eau ou encore de lutte contre la désertification, l'exode rural et l'immigration de populations fragiles dont l'Algérie est une destination. La question de la transition énergétique est bien la pierre angulaire de ce partenariat. Comme l'avait très justement rappelé le candidat Emmanuel Macron lors de sa visite à Alger, l'Algérie dispose du potentiel le plus important au monde en matière d'énergie solaire. Outre le potentiel réel de l'Algérie dans ce domaine, la conjoncture se prête à faciliter les investissements dans les énergies renouvelables, tant la dépendance au marché pétrolier crée aujourd'hui un aléa permanent. Dans ce domaine comme dans d'autres, la France, à travers ses acteurs tant publics que privés, peut être un véritable partenaire et participer au transfert des savoirs et savoir-faire acquis, dans une logique de réciprocité. L'impact social positif sera évident de part et d'autre. La transition numérique est un des piliers de ce partenariat renouvelé. Trop souvent considéré comme un habillage cosmétique des politiques publiques, l'impact du numérique s'avère être la clef de la nouvelle économie, celle de l'hyper innovation. Jour après jour, de nouvelles entreprises créent des modèles commerciaux qui perturbent notre conception de multiples secteurs (ex. : transports, hôtellerie, santé avec l'exploitation des data) et nous invitent à repenser les fondamentaux juridiques de l'entreprise et de la protection sociale. Une veille éthique partagée sur ce bouleversement en cours est indispensable. Cette coopération renforcée doit bien sûr être soutenue par les gouvernements de chacun de nos pays, mais il appartient à la société civile de s'emparer de ces sujets et de les promouvoir. Partant de ce constat, avec des ingénieurs et juristes, algériens et français, nous avons fondé JISR France Djazaïr, jisr.fr, un laboratoire d'idées dont l'objet est de développer les synergies entre ingénieurs, scientifiques, entrepreneurs et étudiants, juristes et éthiciens dans le domaine de la nouvelle économie. JISR a pour but de participer à la mise en œuvre de bassins d'innovation entre les deux pays, afin de contribuer aux partenariats nécessaires à ce développement. Les écoles polytechniques algériennes et françaises, toutes les deux bienveillantes à l'égard de ce projet, pourraient avoir un rôle moteur. Ce laboratoire est animé au quotidien par un board français et algérien* et parrainé par des universitaires comme Mourad Preure, Alexandre Lebkiri, Benjamin Stora Cynthia Fleury ou Hakim El Karoui, des professionnels comme Jean-Jacques Augier, Merouane Debbah et Jean-Claude Douvry. Nous organiserons les 13 et 14 octobre un séminaire à Alger destiné, avec les professionnels et les chercheurs, à stimuler le débat public sur les questions évoquées, dans une perspective comparée entre les deux pays. Concrètement, le rapprochement entre les grandes entreprises algériennes et françaises, les startups du numériques, en évitant leur étouffement, ainsi que la protection de la création — à ce titre la coopération entre l'Unapi et l'Inapi est un modèle — feront l'objet d'un examen croisé. Cette initiative est une contribution constructive, même si encore modeste, à cette ambition énoncée. Non pas face à face, mais côte à côte vis-à-vis du reste d'un monde qui ne franchira les obstacles que rassemblé. C'est notre pari commun.