L'annonce de sa création a été faite par Mohamed Seghir Babes, président du CNES depuis 2005, décédé en mars 2017, lors d'une rencontre en avril 2013 avec Philippe Traquet, éminent paléontologue, président de l'Académie des sciences de France qui a déclaré à cette occasion être heureux de voir que l'Algérie veut s'insérer dans un réseau international des Académies des sciences. L'idée germe encore une petite année, et en mars 2014, Mohamed Seghir Babes installe le Comité ministériel constitué de 11 départements chargés d'esquisser les contours de l'AAST et le décret de création est publié une année plus tard le 25 mars 2015. Première épreuve, trouver des membres à cette Académie. Pas d'obstacle majeur. L'Algérie dispose largement, dans le pays et à l'étranger, de scientifiques qui répondent aux critères universels de compétence. Il en faut 200 avec un noyau dur de 50 membres fondateurs qui se chargeront à leur tour de sélectionner les 150 restants à raison de 25 par an. (Décret présidentiel 15-85 du 10 mars 2015). Six (6) mois plus tard, en septembre 2015, la liste des fondateurs est bouclée par un jury international composé de membres des Académies de France, des USA, de Grande-Bretagne, de Suède et d'Allemagne. Le must des Académies. Mais sur les 350 candidats, on n'en trouve que 46, dont 11 femmes et 6 dans la communauté établie à l'étranger (Décret présidentiel n° 15-246 du7 septembre 2015). La présidente de l'AAST, Mme Allab-Yaker Malika, docteur d'Etat en physique nucléaire, Secrétaire d'Etat chargée de la Recherche dans le gouvernement de Belaïd Abdeslam (1992-1993), nommée à la tête de l'AAST n'explique pas ce défaut (voir interview). A notre question à ce sujet, elle nous répond par la description du processus de sélection des membres. Paralysée par absence de moyens Dans la communauté universitaire, mis à part le fait que les scientifiques reconnus par leurs pairs ne sont pas bousculés pour préserver leur neutralité vis-à-vis des institutions émanant du pouvoir, on pense que dans l'éventail des candidatures, on n'a pas trouvé les 50 membres fondateurs. Il y a de fortes chances que les 150 autres ne suivent pas, à moins d'algérianiser les critères de sélection, c'est-à-dire les tripoter avec les mêmes travers qui font et défont les sélections de ce genre. D'autres affirment que les critères, sur lesquels veillent les instances internationales, vont au contraire contraindre les responsables à chercher et trouver dans le pays ou à l'étranger les compétences idoines. Les membres fondateurs élisent leur bureau et la présidente. Ils élaborent et adoptent les textes régissant le fonctionnement, dont le projet de règlement intérieur et l'organisation administrative. Et depuis, plus rien. L'Académie chôme. Il y a bien la participation, très symbolique, à des rencontres nationales et internationales. Une ou deux signatures de conventions et tout récemment une grande agitation avec le séjour en Algérie, en novembre 2017, du président de l'Académie des sciences de l'Azerbaïdjan, reçu par ailleurs par le Premier ministre. Selon Mme Allab-Yaker, voilà près de deux ans que les textes adoptés pas l'assemblée des fondateurs ont été transmis à «l'autorité compétence», autrement dit la présidence de la République à laquelle est rattachée l'AAST. Impossible sans cela de poursuivre la mise en place de l'AAST avec ses sections et ses commissions. Elle ne dispose pas de siège, et pas même de lieu pour réunir les membres actuels. Pour l'heure, elle occupe des bureaux mis temporairement à sa disposition par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Et, cerise sur le gâteau, pas un sou vaillant. C'est tout le drame de la science, 0,63% du PIB, d'un pays donné en pâture aux charlatans en tous genres.