Arkoun était au service de l'humanité sans distinction de race et de religion.» «Nous n'avons pas suffisamment profité de la pensée et du savoir d'Arkoun, cet intellectuel et homme engagé», a souligné Ghaleb Bencheikh, docteur ès sciences et président de la fondation de l'Islam de France, hier, lors de la première journée du colloque international sur l'islamologue, philosophe et historien, Mohammed Arkoun, organisé par l'APW de Tizi Ouzou en collaboration avec l'association culturelle Le défi au niveau de l'hémicycle Rabah Aïssat. «Nous avons toujours besoin du savoir universel de cet homme humaniste qui s'est lancé avec courage, audace et engagement dans cette pensée subversive et réformatrice pour défendre l'islam des lumières», a-t-il soutenu. «Arkoun s'est insurgé contre trois types d'ignorances sur lesquelles pâtissent encore les pays musulmans. Il s'agit de l'ignorance sacrée, l'ignorance institutionnalisée et l'ignorance complexe. Il était au service de l'humanité sans distinction de race et de religion», a-t-il précisé. «Nous avons plus que jamais besoin de subvertir la pensée islamique et en finir avec le rafistolage ambiant», a ajouté le chercheur. Pour le même universitaire, «l'islam de France est une appellation piégée, car on n'a jamais entendu parler d'islam de Canada, de Yémen et d'Indonésie. Il faut qu'on parle de la fondation de l'islam tout court. On a ajouté de France, même s'il est problématique parce qu'on obéit à la loi commune et à la République. On ne veut pas se prévaloir de sa voie religieuse et l'imposer à autrui», a-t-il expliqué, tout en soulignant que «dans les sociétés dites ouvertes, démocratiques sécularisées, on appréhende le citoyen in abstracto de toute autre appartenance. Il est citoyen et après il se détermine comme il l'entendra. Donc, à partir de là, le citoyen musulman est d'abord musulman et après, il se déterminera. Puis, il vit son islamité de façon apaisée et en harmonie dans le tissu social et la société», a ajouté l'orateur qui a estimé, en outre, que la liberté de conscience est universelle. «Le fait de ne pas porter atteinte à l'intégrité physique et morale de quelqu'un c'est universalisable. Il y a une égalité anthologique entre les êtres et il doit y avoir une égalité juridique entre les êtres», a-t-il laissé entendre. Et de répondre à une question sur l'avenir de la place de la spiritualité avec le développement sans cesse croissant de l'intelligence artificielle dans le monde. «En 2050, il y aura une véritable révolution de l'intelligence artificielle par rapport à l'intelligence humaine. On finira par digitaliser la conscience humaine», a-t-il répondu. La fille de Mohamed Arkoun, Sylvie, écrivaine, a donné une conférence sur son défunt père tandis que Zineb Ali-Benali, professeure émérite à l'université de Paris 8, spécialiste des littératures dites francophones et postcoloniales, a parlé d'Arkoun et son itinéraire à partir de son village natal Taourirt Mimoun jusqu'à la pensée de l'islam. Les travaux de ce colloque se poursuivront aujourd'hui avec, au menu, les communications de Tassadit Yacine -Tittouh, anthropologue, spécialiste de la culture berbère et directrice de recherche à l'Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, de Saïd Djabelkhir, islamologue et chercheur en soufisme, et de Mohamed Benbrika, enseignant en philosophie à l'université d'Alger. Un message vidéo du cheikh de la confrérie alawiyya, Khaleb Bentounes, en hommage à Mohamed Arkoun sera également projeté à l'occasion de la deuxième journée de cette rencontre.