Les plus réfractaires à ses idées réformatrices de l'islam, les conservateurs particulièrement, ont continué à le combattre lui et sa conception qui est loin d'être dogmatique. D'autant plus que le philosophe "s'est attaqué" au texte coranique comme un corpus expurgé de son paradigme idéologique où il est maintenu par les tenants du statu quo. L'Association culturelle des amis du livre (ACAL) de Haïzer (est de Bouira), a organisé, hier, un colloque autour de la vie et de l'œuvre du penseur et philosophe Mohamed Arkoun. La pensée de l'enfant de Taourirt-Mimoun (Tizi Ouzou) intrigue et fait toujours débat, huit ans après sa disparition, dans les milieux conservateurs, notamment à cause ou grâce -c'est selon- à sa théorie de l'islamologie appliquée, laquelle a fait vaciller les paradigmes et les dogmes d'un islam figé dans le temps. Hier et lors de sa conférence, le docteur Ferah Messerhi, enseignant de philosophie à l'université de Batna, a tenté d'expliquer la pensée réformatrice de Mohamed Arkoun. Pour l'orateur, Arkoun était un incompris et un précurseur de la pensée réformatrice de l'islam et des textes. "De son vivant, Arkoun avait, à travers ses écrits, tenté de casser certains tabous hérités de certains exégètes. Non seulement il voulait briser les chaînes de la pensée unique, mais il voulait véhiculer un islam de tolérance et du vivre-ensemble", dira le conférencier. Pour ce dernier, la pensée d'Arkoun ne se résumait nullement en une laïcité débridée et une conception binaire de séparation de la religion et la politique, mais selon le docteur Messerhi, elle avait pour objectif de reformer à partir de la source, à savoir le texte coranique. "Dans son ouvrage La construction humaine de l'islam, Mohamed Arkoun a formidablement exprimé sa conception d'un islam des lumières, très loin des interprétations parfois erronées et orientées", a-t-il expliqué. Le conférencier, a également mis en exergue "la transcendance" spirituelle de l'œuvre d'Arkoun, à travers ces cadres intellectuels et culturels de pensée en mettant en valeur le caractère dynamique et évolutif inhérent qui impose un mode d'interrogation et de remise en question permanent. "Arkoun admet que seule la raison interrogative et tâtonnante qui est en mesure de faire durer l'errance féconde et la soif continuelle de pousser la raison vers la quête d'autres univers de savoir", a-t-il souligné. L'hôte de Haïzer a également mis en surbrillance que les détracteurs de Mohamed Arkoun étaient ceux qui voulaient faire de la religion musulmane un "outil de propagande" idéologique, loin du texte fondamental. "Arkoun a rencontré des résistances politiques nourries par les partisans du statu quo, de l'ordre établi, de la pensée classique et dogmatique et de tous ceux qui sont contre un esprit nouveau, des idées nouvelles et surtout contre l'effort et l'intelligence". Ainsi et selon le conférencier, Arkoun avait pour ambition de bousculer et rompre avec les paradigmes mis en place par certains exégètes des temps médiévaux. "C'est là où la pensée d'Arkoun trouve tout son sens ! Il ne voulait pas seulement reformer, mais aussi corriger. C'est le génie même de cet homme () dépoussiérer une souna (faits et gestes du prophète (QSSSL), ndlr) parfois tronquée et manipulée en se référant au texte originel", a-t-il conclu. Dans l'après-midi, c'est l'islamologue Saïd Djabelkhir et le professeur Smaïl Mehanana, qui ont coanimé une conférence autour de la pensée de Mohamed Arkoun. RAMDANE BOURAHLA