Vous reprendrez bien une couche de burka. Les Français vont aimer débattre de cet exotisme qui fait peur et qui commence à créer un véritable délire chez certains hommes politiques. Ils sont plus de 60% à être d'accord avec cette loi, selon un sondage publié samedi. Mal en point après le scrutin régional de mars dernier, le président Sarkozy, dont la perte de popularité a été confirmée vendredi dans un dernier sondage, attendait de rebondir sur un vrai sujet « clivant » : la loi d'interdiction totale du voile intégral. Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Bernard Accoyer et Gérard Larcher, ont beau avoir demandé vendredi un peu de calme, le rouleau compresseur est en marche. Il s'agit pour le pouvoir, mal en point, de donner un coup de pied dans la fourmilière sur un sujet qui ne fait le consensus ni à droite ni à gauche, un thème clivant. Cliver, clivages, ce sont les mots à la mode dans l'Hexagone depuis quelques années. Le parti au pouvoir, l'Union pour un mouvement populaire (UMP), en a fait sa marque de fabrique. En mars dernier, pendant la campagne électorale, le premier ministre, François Fillon, puis le patron des députés UMP, Jean-François Copé, (il parlait de revenir aux « fondamentaux ») et enfin le président Sarkozy avaient annoncé pour le printemps la sacrée loi sur le voile intégral en France. Ils ont confirmé et signé. Peu importe après tout que le conseil d'Etat ait émis des réserves sur sa constitutionnalité et la possibilité réelle de son application, ni que la cour européenne puisse rétoquer la future loi. Il faut « cliver ». Cliver c'est fendre, créer les divisions et ramasser les morceaux. Autrefois, les hommes politiques cherchaient à unir les citoyens devant des objectifs dont chacun pourrait admettre le bien-fondé. Désormais, on choisit au contraire les sujets qui ne font pas consensus, ceux qui fâchent, des marqueurs d'opinion pour semer le trouble dans la société espérant en tirer bénéfice. C'est tout simplement ce qu'indique la petite phrase de Fillon : « On est prêts à prendre des risques juridiques, parce que nous pensons que l'enjeu en vaut la chandelle. » Tout est dit. Pour le voile intégral ou la burka, selon les appellations contrôlées par les médias, l'appât est sensible, comme les cités du même nom. On peut se faire passer pour le défenseur ultime « de la dignité de la personne et de l'égalité hommes/femmes dans la société », dixit Fillon. Le président du groupe UMP à l'assemblée nationale, Jean-François Copé, passe lui pour un héros qui n'a même pas peur. Ainsi, le journal Le Parisien annonçait vendredi qu'il aurait reçu des menaces explicites, particulièrement pour son engagement contre l'interdiction générale du voile intégral. Sa sécurité en aurait été renforcée et il rebondit ainsi sur une cause qui fait généralement consensus, celle de l'anti intégrisme, du goût de la liberté et de la dignité de la femme. Peu importe le flacon, seule compte l'ivresse politique. Est-ce pour cela qu'une jeune femme de 31 ans, portant le niqab, a écopé d'une amende de 22 euros, infligée pour « circulation dans des conditions non aisées », après un contrôle routier à Nantes. La femme est de nationalité française, ont indiqué les médias pour des faits qui remonteraient au début du mois d'avril : « Le policier m' a annoncé qu'il va me verbaliser à cause de ma tenue vestimentaire. Je lui ai dit alors qu'il n'en a pas le droit, que c'est de la discrimination pure et simple », a-t-elle expliqué. Au-delà de la possibilité d'un forcing des groupuscules islamistes qui vont désormais engager un bras de fer avec la République, comme ils l'avaient fait en Algérie dans les années 1990, on peut se poser la question de la nécessité d'une loi, sachant que la police s'est appuyée sur un article du code de la route sanctionnant la « circulation dans des conditions non aisées », le fonctionnaire estimant que le champ de vision de la jeune femme était réduit. D'autres lois empêchent de chercher son enfant avec une cagoule ou d'aller à la piscine ainsi ou de faire ses documents d'identité accoutré de ce niqab. Bref, comme les esprits s'échauffent, l'avocat de la jeune femme a minimisé la portée idéologique du niqab, de la burka ou tout autre fichu intégral en se demandant s'il ne faudrait pas « interdire au GIGN de conduire avec des cagoules ! » Un avocat pour 22 euros de contravention, personne ne pourra croire que c'est seulement pour la liberté de la femme de s'enfermer dans son voile. Le pot aux roses a du reste été révélé, vendredi soir, par le ministère de l'Intérieur, Brice Hortefeux qui annonce fièrement que la contrevenante est une des quatre femmes d'un intégriste salafiste, Français d'origine algérienne, qui sera poursuivi non pas pour avoir fait porter le voile à son épouse, mais pour détournement de fonds sociaux pour ses épouses. Une demande de le déchoir de sa nationalité française a été formulée. On se demande sur quelles bases juridiques cela sera fait. Enfin, une députée, Chantal Brunel, la même qui en mars avait demandé la réouverture des maisons closes en France, monte au créneau en demandant que chaque département fasse le décompte des maris polygames. La raison reviendrait-elle au pays de Voltaire ?