En quelques heures, la chambre d'accusation près la cour militaire de Blida a statué sur le pourvoi contre la mise sous mandat de dépôt de Saïd Boutefika, frère-conseiller du Président déchu, des deux généraux à la retraite, Mohamed Mediène, ancien patron de l'ex-DRS (Département de renseignement et de sécurité), et Bachir Tartag, ex-conseiller à la sécurité auprès de la Présidence et coordinateur des services secrets algériens, et de Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), tous poursuivis pour «complot contre l'autorité de l'Etat et de l'aArmée». C'est vers 12h30 que les trois avocats sont sortis du tribunal militaire de Blida pour rejoindre une foule rassemblée en face de la juridiction depuis 9h, en solidarité avec la secrétaire générale du PT. Ils annoncent la «mauvaise nouvelle», disent-ils. Louisa Hanoune ne retrouvera pas la liberté. La chambre d'accusation a rejeté le pourvoi contre le mandat de dépôt. C'est la déception de ces quelques dizaines de personnes qui se sont rassemblées avec les cadres du PT en face du tribunal militaire de Blida, en signe de solidarité et de soutien à cette militante engagée. Parmi eux, une délégation du Front des forces socialistes (FFS), à sa tête Ali Laskri, des représentants du RAJ, des journalistes et de simples citoyens. Pour Youcef Ramdane Taâzibt, cadre dirigeant du PT, il n'était pas question d'appeler à un rassemblement. «Ce sont uniquement les cadres du parti qui devaient être présents afin de marquer cette journée. Nous sommes heureux qu'il y ait eu autant de personnes qui nous ont rejoint», dit-il. Taâzibt refuse de s'exprimer sur le volet judiciaire, mais explique que «Louisa Hanoune est en prison pour son activité politique, sa position aux côtés de la révolution et contre les manœuvres qui tentent à la faire avorter. Son affaire est purement politique». Selon lui, «la secrétaire générale du PT a consacré une grande partie de sa vie à l'action militante pour la démocratie et l'Etat de droit, comment peut-elle aujourd'hui se retrouver en prison ? Que ceux qui l'ont mise en détention la fassent sortir parce que chaque jour qu'elle y passe est insupportable, aussi bien pour elle que pour tous ceux qui croient en elle. Sa place est parmi ses militants et non pas en prison». Taâzibt note par ailleurs qu'une «large campagne» de solidarité avec Louisa Hanoune se poursuit, aussi bien au niveau national qu'international, alors que la pétition pour sa libération est déjà signée par des milliers de personnalités algériennes et étrangères, ainsi que des citoyens. «Tous les jours, nous recevons des dizaines et des dizaines de signatures, alors que la liste des membres du comité national populaire pour la libération de Louisa Hanoune ne cesse de s'allonger. Demain (aujourd'hui), nous tiendrons la réunion du bureau politique pour informer nos cadres de la situation et pour décider d'autres actions à mener dans les jours à venir. Il n'est pas question pour nous de nous arrêter. S'ils pensent qu'avec la mise en détention de la secrétaire générale du PT ils peuvent nous faire reculer de nos positions, ils se trompent. Nous sommes plus déterminés qu'avant et nous poursuivrons notre démarche et nos actions.» Il est à rappeler que Saïd Bouteflika, Mohamed Mediène et Bachir Tartag ont été arrêtés le 4 mai par les officiers de la direction de la sécurité intérieure, sous tutelle du ministère de la Défense, puis déférés le lendemain devant le tribunal militaire de Blida et placés sous mandat de dépôt. Louisa Hanoune avait été convoquée par la même juridiction comme témoin, le 9 mai, la veille d'un week-end. Après une audition de plus de cinq heures, elle a été inculpée et incarcérée. Tout au long de cette journée, tout préludait une telle décision. D'abord les images de son entrée au tribunal prises de l'intérieur, par une caméra cachée, et diffusées par la chaîne de Télévision publique et reprises en boucle par les autres chaînes privées. Puis, l'annonce de sa mise sous mandat de dépôt, par une chaîne privée, alors que son audition n'était même pas encore terminée. Selon un de ses avocats, le tribunal lui reproche de «s'être réunie» avec Saïd Bouteflika et le général Mohamed Mediène «pour discuter de la situation politique du pays», alors qu'en tant que chef de parti, «elle est dans son rôle et se doit de rencontrer toute personnalité et toute personne pour s'informer ou pour participer à la résolution de la crise politique que traverse le pays». En tout cas, la mise en détention de Louisa Hanoune en tant que chef de parti a suscité de nombreuses réactions, mais aussi une large campagne de solidarité avec cette militante et engagée, qui lutte depuis plus de 40 années pour une Algérie libre et démocratique. L'incarcération d'un chef de parti a soulevé de lourdes interrogations et n'augure rien de bon pour le pays. Privée de liberté, Louisa Hanoune devra, malheureusement, rester en prison aussi longtemps que le juge du tribunal militaire de Blida le voudra.