Après de longues tergiversations, le choix de la nomination à la tête de Sonatrach a finalement été porté sur Nordine Cherouati, directeur général de l'Autorité de régulation des hydrocarbures (ARH). Ont également été installés quatre nouveaux vice-présidents de la compagnie nationale. Le directeur général de l'Autorité de régulation des hydrocarbures (ARH), Nordine Cherouati, a été nommé hier au poste de président-directeur général de la compagnie nationale Sonatrach. Son installation officielle par le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, en présence de nombreux cadres de la compagnie, intervient presque quatre mois après le scandale pour lequel l'ancien PDG, Mohamed Meziane, et ses quatre vice-présidents ont été inculpés. Aucun des nombreux noms pressentis pour prendre les rênes de Sonatrach, dont l'intérim a été assuré par M. Feghouli, n'a été finalement retenu. Après de longues tergiversations et luttes au sommet autour du contrôle de la compagnie, le choix a finalement été porté sur Nordine Cherouati, directeur général de l'ARH. Il a été installé hier après-midi, en présence de tous les cadres de la compagnie. En outre, quatre nouveaux vice-présidents ont été également nommés à cette occasion, pour pourvoir les postes vacants depuis l'éclatement de l'affaire de corruption qui secoue l'entreprise. Il s'agit de Yamina Hamdi, vice-présidente de l'activité Commercialisation, de Saïd Sahnoun, vice-président de l'activité Amont, de Allaoua Saïdani, vice-président de l'activité Transport, et de Abdelkader Benchouia, vice-président de l'activité Aval. Connu pour avoir été pendant des années en disgrâce auprès du ministre de l'Energie, Chakib Khelil, le nouveau PDG Nordine Cherouati était une intrigue pour bon nombre de ses collègues. « Lorsque Chakib Khelil est arrivé à la tête du ministère, il l'a écarté du secrétariat général de son département, un poste qu'il occupait depuis 2000, le privant de tous les avantages liés à ce poste. Il est mis au vert jusqu'en 2003, puis revient comme administrateur de la société algéro-italienne avec un siège à Milan. Un retour inattendu qui a suscité moult interrogations », déclarent certaines sources. Pour ces dernières, sa nomination en tant que PDG a vraiment « créé la surprise ». Le nouveau premier responsable de la compagnie, qui assure au pays bon an mal an quelque 98% des recettes en devises, hérite d'une situation des plus difficiles, marquée par un climat malsain et de suspicion. Le nouveau capitaine sera-t-il capable de piloter le navire Sonatrach, avec un gouvernail bloqué, pour le sortir de la zone de tempête ? Le défi reste entier, sachant que le dossier en instruction auprès du tribunal de Sidi M'hamed n'a toujours pas livré ses secrets, alors que d'autres affaires risquent d'éclabousser encore une fois les dirigeants de la compagnie. Pour l'instant, les auditions dans le fond se poursuivent alors que le juge a, il y a quelques jours, signé une décision bloquant les comptes du groupe algéro-allemand Contel Algérie (qui fait partie du groupe Contel Funkwek Plettac) dans lequel le fils de l'ancien PDG de Sonatrach (en détention provisoire) est actionnaire. Dirigée par un Algérien, Ali Smaïl Djaffar (en détention provisoire), la société avait obtenu plusieurs marchés de gré à gré pour l'installation d'équipements de télésurveillance dans les bases pétrolières, d'un montant de 120 millions d'euros. Il y a quelques jours, le juge d'instruction a pris la décision de bloquer ses comptes en Algérie pour plusieurs raisons. D'abord parce que la société aurait vu le jour à la veille du lancement de la consultation restreinte et obtenu, en contrepartie de « commissions » versées dans des comptes à l'étranger et de « services rendus » comme, entre autres, l'achat d'appartements à Paris et de villas en Algérie. Le second dossier actuellement entre les mains du juge a trait au contrat que Sonatrach a signé avec Saipem, une société italienne, pour la réalisation d'un système de transport par canalisation de gaz naturel (GK3) pour un montant de 580 millions de dollars que « chapeaute » l'activité TRC (transport par canalisation) dont le vice-président est Benamar Zennasni, actuellement en détention dans le cadre de l'affaire. Il avait été nommé à ce poste en novembre 2008, alors que les consultations étaient déjà lancées, mais le contrat n'a été signé qu'en juin 2009. Là aussi, le marché aurait été obtenu dans des conditions douteuses et en contrepartie de « services rendus » et de « commissions », nous dit-on de sources proches du dossier. Celles-ci ont également révélé que Saipem avait recruté le deuxième fils de Mohamed Meziane (en détention provisoire) pour assurer les démarches pour l'obtention des marchés. La troisième affaire concerne les travaux de rénovation des bureaux du 10e étage au siège d'Alger, entrepris par une société américaine — CCIC, une vieille connaissance de BRC dans la sous-traitance des contrats de gré à gré – qui auraient coûté une centaine de millions de dollars entre achats de mobilier et de salons à des prix ahurissants. De nombreux cadres de Sonatrach auraient affirmé que ces travaux ont été lourdement surfacturés pour transférer la différence vers des comptes domiciliés à l'étranger. A signaler que ce n'est là que la partie visible de ce qui est communément appelé « le scandale Sonatrach ». La justice s'intéresse actuellement à d'autres dossiers qui pourraient éclabousser les cadres dirigeants jusque-là restés dans l'ombre, bénéficiant de la protection des uns et des autres. Parmi ces derniers le dossier de la gestion des œuvres sociales et ses colossales dépenses douteuses de prises en charge médicales à l'étranger, de formation (à l'étranger), de recrutement mais aussi de nombreux contrats octroyés de gré à gré à des sociétés algériennes ou mixtes créées pour la circonstance par les proches de certains dirigeants, des personnalités militaires et civiles ou des membres de leurs familles. C'est dire que le dossier Sonatrach n'est pas près de connaître son épilogue. Le nouveau PDG aura la lourde tâche de rétablir un climat de confiance avec les partenaires de la compagnie et, de ce fait, soigner son image de marque, mais aussi rétablir la sérénité avec les nombreux cadres qui n'aspirent qu'à travailler.