L'année 2007 était semblable à un tableau noir qui a touché toutes les communes forestières de la wilaya de Blida. Les 130 foyers d'incendies ont touché une superficie de 7489 ha et ont transformé en cendres près de 1951 ha de forêt, soit 25% de la superficie incendiée, menant à d'importantes conséquences économiques et écologiques néfastes. Selon des bilans établis par la conservation des forêts de Blida, les dégâts économiques ont été évalués à 376 699 400 DA. Ces dommages sont répartis entre produits forestiers, travaux sylvicoles, plantations fruitières, dégâts sur biens privés et reboisement. Ecologiquement parlant, les préjudices sont plus consistants : étant donné qu'un hectare de forêt produit 18 tonnes d'oxygène et absorbe deux tonnes de CO2 par an, les 1951 ha de forêt incendiés ont induit la perte de 35 118 tonnes d'oxygène et la non-absorption de 3900 tonnes de CO2. Sans trop s'approfondir dans des données techniques, il est utile de signaler qu'un adulte consomme entre 200 à 300 kg d'oxygène (O2) / an. Donc la destruction de tous ces hectares de forêt causerait un très grand déficit en oxygène qui pourrait égaler la consommation annuelle de plus de 130 000 individus. Bien que l'origine des foyers ne soit toujours pas connue, une chose est certaine : la main « inhumaine » de l'homme en est souvent la cause. Deux ans après, la forêt nous invite à une belle randonnée dans les hauteurs de Aïn Romana. Cette commune, distante d'une vingtaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Blida, dispose à elle seule d'un patrimoine forestier équivalant à plus de 1500 ha. Et l'aventure commença… Il faisait beau ce jour de week-end, avec le chant des oiseaux qui célébraient le bonheur en cette saison de printemps, la forêt nous accueillait avec des brises fraîches et un grand mélange d'odeurs et de couleurs. En compagnie des protecteurs de la forêt et d'un guide, nous nous enfonçons dans les profondeurs des bois en passant par des voies boueuses. La nature dans sa grande générosité offrait à nos yeux les deux faces : celle du noir et de la mort qu'a laissés 2007 et celle de la régénération de plusieurs espèces végétales telles que le chêne vert. Cet environnement sain, de toute pollution humaine qui gangrène le milieu urbain, ne cessait de nous murmurer : « Et la vie continue ». Pendant que nous traversions le bois au milieu des montagnes, les garde-forestiers, qui se sont lancés dans un travail d'arrache-pied depuis 2007, nous expliquaient tous les travaux menés. « Nous donnons d'abord deux ans à la forêt pour se régénérer naturellement. Si rien ne se passe durant cette période, nous entreprenons des actions d'assainissement puis de reboisement. Plusieurs opérations sont inscrites et lancées telles que le reboisement de 250 ha au niveau de cette commune en eucalyptus et pin pignon », dira Sekrane Azzedine, conservateur des forêts de la wilaya de Blida. Et d'ajouter : « Puisque l'homme est la cause n°1 de tout incendie, nous voulons, par les différents programmes lancés, tisser une meilleure relation entre les riverains et la forêt. Ils seront ainsi les premières personnes à la protéger. Nous en profitons aussi pour relancer les anciens métiers ayant une relation avec la forêt tel le charbonnier ou le bûcheron ». Durant notre randonnée, nous passions par des petits villages abandonnés que les riverains continuent encore à bouder. On ne vous cachera pas, que malgré notre rencontre avec plusieurs points de surveillance tenus par des gardes communaux et des militaires, chacun de nous portait en lui un brin de peur, la crainte d'une quelconque embuscade ou d'un acte malheureux. Les gardes-forestiers nous assuraient à chaque fois qu'il n'y avait aucune raison d'avoir peur et que le calme et la prospérité sont enfin revenus dans la région. Malgré cela, notre pincement de cœur s'accentuait surtout en franchissant le CW 62 où l'accès était interdit par mesure de sécurité. Le retour des métiers de la forêt Plusieurs plaques de signalisation étaient placées ça et là, elles indiquaient fermement que le chemin était prohibé. Signalons que ce chemin servait dans un passé proche à alléger la pression sur la RN1 à destination de Médéa. Ce même chemin est le seul qui mène vers l'éblouissant et merveilleux lac de Tamezghida, communément appelé Dhaya. Nous nous sentions rassurés lorsque nous rencontrions quelques hommes travaillant avec amour cette terre délaissée durant les années de sang dont on arrivait presque à sentir l'odeur. Ces riverains, comme tant d'autres dans la wilaya, ont bénéficié, dans le cadre du programme de proximité de développement rural intégré (PPDRI), chapeauté par la conservation des forêts, de plusieurs projets. Ils se sont investis dans l'arboriculture et l'élevage ovin, bovin et apicole. Certains même n'ont pas hésité à montrer leur colère de ne pouvoir bénéficier que d'un seul projet dans le cadre de ce programme. Avec l'immense générosité de ces villageois et les produits de terroir, qu'ils ne se sont pas privés de nous offrir à proximité de leurs maisonnettes de fortune, la région de Aïn Romana pourrait attirer un bon nombre de touristes, notamment ceux qui raffolent des sports aériens de montagne tels que le vol libre et le vol en parapente. Ils ont tous déclaré que la situation sécuritaire s'est nettement améliorée. Une meilleure attention de l'Etat pour retaper les demeures démolies et ressusciter leurs villages, tel est leur unique souhait. Notre randonnée s'est terminée vers la fin d'après-midi. Nous sommes descendus des hauteurs des montagnes de Aïn Romana avec un unique vœu : qu'il n'y ait plus d'incendie...